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Le Testament De Babacar

Le Testament De Babacar

C’est aux alentours de 4H du matin, ayant jeté un coup d’œil sur mes messages, je tombai sur celui d’une mes sœurs. Tel un couperet : « Babacar Touré n’est plus ». Suis-je dans un monde irréel ou quoi ? J’essaie de comprendre ce qui se passe.

Deux jours avant son hospitalisation, nous nous sommes parlé Babacar et moi. Ensemble, comme le font tous les patriotes, nous avons exprimé quelques préoccupations au sujet du pays, de la sous-région, de la jeunesse…bref de notre avenir. Babacar préconisait entre autres sujets, la reprise de la Commission Nationale de la Réforme des Institutions (CNRI) que dirigeait le Professeur Amadou Mahtar Mbow. Il faut anticiper sur les problèmes qui ne manqueront pas de se poser dans l’après-covid.

Au fond, lorsqu’on y réfléchit, Babacar « sentant sa mort prochaine », reprit sa plume pour partager avec ses compatriotes ce que j’appelle son testament, à travers ses éditoriaux mais surtout une série de textes qu’il a publiés dans Sud quotidien. Profitant des 25 ans de Sud FM, il est revenu sur des histoires inédites comme le premier plateau de Sud FM, avec Viviane Wade, Amadou Mahtar Mbow, le père du Nouvel Ordre Mondial de l’Information et la Communication (NOMIC)… la rencontre inattendue entre le président Diouf et les artistes libertaires que furent Issa Samb Joe, Djibril Diop Mambetty et leur groupe mais surtout ses réflexions autour de la « culture au culte de la violence ». Son texte intitulé l’arc de feu sous-régional se trouve particulièrement dense et mérite d’être décortiqué à l’aune des évènements que nous vivons dans la sous-région.

Finalement, Babacar est mort relativement jeune mais il donne l’impression d’avoir vécu une centaine d’années, tellement son influence aura été grande, son apport immense. Au début de l’aventure, ce furent quatre dissidents du quotidien Le Soleil ; ne pouvant plus supporter la toute-puissance du Président Directeur général de leur journal, ils portèrent sur les fonts baptismaux, le Groupe Sud Communication. Ils partirent de l’idée de lancer une coopérative à partir de cotisations modiques. Les quatre mousquetaires que furent Babacar Touré, Sidi Gaye, Ibrahima Fall et Abdoulaye Ndiaga Sylla, par la force des convictions et un travail sans relâche, finirent par convaincre des nationaux mais aussi des fondations étrangères. On dit que Sud reçut très tôt le soutien d’Abdourahmane Sow, ancien Directeur de la Caisse de Péréquation mais aussi celui de la fondation Ford.

Petit à petit, de belles plumes et de grandes voix viendront s’adjoindre au groupe originel  : Boubacar Boris Diop, Cherif Elvalid Sèye, Moussa Paye, Madior Fall, Abdou Latif Coulibaly, Baba Diop, Henriette Kandé Niang, Bocar Niang, Birima Fall, Vieux Savané, Saphie Ly, Omar Diouf Fall, Ndèye Fatou Sy, Demba Ndiaye, El hadj Kassé, Hawa Ba, Pape Alé Niang, Baye Omar Guèye, Lika Sidibé, etc.

Personne ne peut écrire l’histoire de la démocratie au Sénégal sans le Groupe Sud Communication. Sa collaboration avec le Métissacana de la styliste Oumou Sy et son mari Mavrot préfigure du rôle que jouent aujourd’hui, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

Sans la radio Sud FM, l’alternance aurait été hypothétique en 2000. Sud a accompagné toutes les luttes démocratiques entre les années 90 et 2000, encadré les balbutiements d’une société civile qui finira par devenir une actrice majeure de la démocratie.

Babacar, tu as vécu utile, en homme d’influence et ta contribution pour ce pays est réelle. D’une générosité sans limites, tu as tout donné à ton pays et à l’Afrique. Tu mérites une place de choix dans le Panthéon du Sénégal. Que Babacar Touré ne meure jamais !

pbow@seneplus.com







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