«Le temps ne chôme pas», nous enseigne la grand évêque africain Saint Augustin de la ville d’Annaba. La crise actuelle au Mali ne profite qu’aux jihadistes dont le temps est l’allié le plus précieux. Les jihadistes et autres séparatistes jouent le temps en attendant que la France se retire, soit après un méga-attentat qui va choquer l’opinion publique et entraîner le retrait français, comme celui des Américains à Mogadiscio.
Les jihadistes jouent le temps en attendant une alternance (respiration naturelle d’une démocratie) en France et un changement de politique. Il n’est pas évident que l’armée française serait encore au Mali si Marine Le Pen avait été élue. Les jihadistes et autres séparatistes jouent le temps en attendant une lassitude de l’Onu et de la communauté internationale sur le dossier du Mali ou qu’une autre crise plus importante le relègue au second plan. La seule urgence pour les Maliens est de comprendre cela et de se lancer dans une course contre la montre pour rebâtir une armée pendant qu’il en est encore temps, c’est-à-dire en profitant du parapluie français et international. C’est tout le contraire qu’on voit. Quand Rome était la proie des flammes, Néron déclamait des vers.
Alors que le Mali n’a jamais été aussi proche de la disparition ou de la partition, la classe politique se divise à Bamako et fait de la politique politicienne comme si de rien n’était, en avançant masquée derrière l’imam Dicko. Depuis leurs grottes dans l’Adrar des Ifoghas ou leurs planques dans le désert, les jihadistes doivent bien rire sous cape et remercier le ciel d’avoir des adversaires aussi inconscients, car en plus du temps, les divisions et les clivages politiciens sont l’autre chance des jihadistes. Leur silence stratégique en est la meilleure preuve car, comme dit Napoléon, «n’interrompez jamais un ennemi en train de faire une erreur».
Les jihadistes sont silencieux, n’entreprennent aucune action pour ne pas «interrompre l’ennemi en train de faire l’erreur». Une attaque jihadiste pourrait interrompre l’erreur de la guerre politicienne et montrer aux Maliens que l’urgence est ailleurs, non pas dans la querelle de strapontins gouvernementaux. L’urgence est une union sacrée pour bâtir une armée digne de ce nom, capable de réaffirmer l’autorité de l’Etat sur les territoires perdus. Face à cette urgence nationale, IBK est une variable. La seule constante doit être la prise de conscience des Maliens que leur pays est au bord de la partition comme l’ont été le Soudan, l’Ethiopie ; par contre le Sénégal et le Nigeria ont évité la partition grâce à leur armée. L’histoire est remplie de pays qui ont disparu ou des pays charcutés pour en créer d’autres. Si le général Atatürk n’avait pas été un génie militaire, il existerait un Kurdistan.
L’existence ou non de l’Azawad ne dépend pas du droit international ou de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation (Soudan du Sud, Erythrée…), mais dépend en grande partie de la capacité des Maliens à rebâtir une armée et de la motiver par l’exemple. Que IBK parte avant la fin de son mandat ou à la fin, l’urgence est dans l’armée. Le Mali a besoin d’un Lincoln, c’est-à-dire un chef de guerre, mais aussi un chef d’Etat, pour réconcilier le pays divisé. Face à l’urgence, les djihadistes jouent le temps et IBK la montre.