Site icon Senexalaat

Si La Dignite Devait Porter Le Nom D’une Personne, Elle S’appellerait Babacar Toure

Si La Dignite Devait Porter Le Nom D’une Personne, Elle S’appellerait Babacar Toure

J’ai eu l’énorme privilège de pratiquer Babacar Touré que ses proches appelaient Mbaye et les plus proches encore, Baye Mbaye, aussi bien dans sa vie publique professionnelle que dans celle personnelle et privée.

 

Son immense talent et son professionnalisme sont contenus dans ce qu’il considérait comme son enfant : le journal Sud. Si ce n’était que ça ! Son indéniable contribution dans les luttes démocratiques, ne s’est pas limitée aux frontières du Sénégal.

Comme une mise en garde, sous sa signature, son dernier article sur la violence, a fait le tour de la question de la « Ceinture de Feu » autour du Sénégal. Combien de foyers, en Afrique de l’Ouest, au bord de l’embrasement, Babacar Touré a magistralement aidé à éteindre sans chercher à en tirer une quelconque gloriole?

Posez la question au Président Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, s’il n’aurait pas tout donné, pour avoir aujourd’hui Babacar, son compagnon de lutte depuis 40 ans, comme facilitateur grâce à ses talents de diplomate et son relationnel, apaiser la vive tension qui règne dans son pays. Quant à la classe politique de la Mauritanie, toutes obédiences confondues, combien de fois Babacar Touré a contribué à éviter l’éclatement de ce pays frère, où il a fourbi ses armes pendant ses années clandestines. .

Si la pudeur ne l’interdisait pas, des centaines d’individus au statut social modeste, auraient dit en public que s’ils vivent encore dans la dignité avec leurs familles, la main discrète Babacar y est pour grand-chose.

 Demandez aux dizaines, voire les centaines de pères de famille qui doivent à Babacar la présence de leurs enfants dans les écoles et universités les plus prestigieuses au monde Mais toutes ces facettes de la vie du fondateur du Groupe Sud Communication sont soit déjà connus du grand public ou ont fait l’objet de témoignages depuis la disparition de celui qui est mon-plus-que-frère. Je veux évoquer ici, le rapport œcuménique que Baye Mbaye entretenait avec la Dignité. Il aimait nous rappeler que si on vous dit que quelqu’un a vendu sa dignité, la réponse doit être immédiatement : « Ce n’est pas vrai. S’il en avait il ne la vendrait pas » (Bunu la nee diw jaay na ngoram, nee leen booba da koo amul woon).

Au cours de ces périodes où Babacar et toute son équipe de Sud ont souvent fait l’objet de pressions et voir de chantages durant le magistère de présidents du Sénégal, Babacar n’a jamais fléchi. Le courage de mon frère ne se limitait pas à sa vie intellectuelle et morale. Son courage physique n’avait d’égale qu’à ses origines de descendant de Burba Jolof.

Entre autres situations périlleuses, je me souviens du jour ou Sud FM était fermée par le gouvernement Wade. Des policiers envoyés par le ministre Ousmane Nom sont venus occuper nos bureaux. L’un de ces policiers qui s’était adossé au cadre d’un tableau de grande valeur s’est fait remonter les bretelles par le cousin de Babacar, Dane Sall. Quand ce policier a voulu s’attaquer à Dane, j’ai dû physiquement m’interposer pour empêcher Babacar de lui faire passer un mauvais quart d’heure. On pourrait me rétorquer qu’être physiquement courageux ne sort pas nécessairement de l’ordinaire.

Par contre, être courageux en privé, face aux « puissants » de ce monde, ne saurait relever que de l’attitude d’un homme qui ne joue pas avec sa dignité. J’ai eu l’incroyable privilège (que je ne m’explique toujours pas) de voir Babacar, et à plusieurs occasions, interagir en privé avec des Chefs d’Etat, des princes de Royaumes et d’Emirats, des dirigeants d’institutions financières internationales (Babacar fut un membre éminent du groupe des Conseillers africains de la Banque mondiale), avec le Secrétaire d’Etat américain, des milliardaires en devises ou en CFA, des ministres ou des diplomates, des autorités du système des Nations-Unies, je peux témoigner que Babacar Touré n’a jamais eu, devant ces « puissants », un seul acte ou le plus petit comportement qui trahisse son sens de la dignité.

Quand d’aucuns pollueraient les nouveaux médias de ces « rencontres avec » ou que d’autres se verraient accusés de tel ou tel délit, le nom de Babacar Touré n’a jamais été cité dans une quelconque manœuvre qui aurait entachée sa dignité. Je dois dire qu’il m’a pris beaucoup d’efforts émotionnels pour écrire ce témoignage. Car je ne suis pas sûr que Baye Mbaye aurait aimé qu’on dévoile les aspects-là de sa vie, lui qui a tout fait pour que tout soit de toute discrétion. Mais je considère qu’étant parmi les personnes qui peuvent se glorifier d’être un ami, un frère et un proche de ce géant qui vient de nous quitter, je dois à la postérité lui dire qu’elle doit trouver en Babacar Touré le modèle qu’elle n’a pas à aller chercher ailleurs.

 

Par Dame BABOU







Quitter la version mobile