L’histoire post-indépendance du Sénégal est une succession de présidents qui ont troqué le « changement » (sopi) pour la continuité politique par le changement des hommes au pouvoir. La seule exception qui confirme cette règle est Mamadou Dia, lequel après avoir malheureusement saboté la Fédération du Mali et réprimé, interdit le PAI, a voulu changer de cap, mais fut victime, pour cela, du coup d’état de son ex-mentor françafricain qui le conduisit en prison. Il est en effet faux de dire le contraire, car c’est le président du Conseil et non le président de la République qui avait les pleins pouvoirs avant 1962.
Le régime présidentiel que nous connaissons actuellement au Sénégal fut institué par L. S. Senghor après l’élimination politique et l’emprisonnement de Mamadou Dia. Il faut le dire aussi clairement : C’est avec Mamadou Dia que fut initié la création d’un secteur public et parapublic (environ 180 entreprises) que Senghor va commencer à libéraliser et démanteler sous la dictée du FMI et de la BM à partir de 1979.
Le néocolonialisme au service de l’exportation des capitaux
Le Sénégal de la « détérioration des termes de l’échange » selon l’expression senghorienne entrait dans l’ère des diktats libéraux des institutions de Bretton Woods. La dette et les intérêts usuriers devenant le leitmotiv des politiques libérales du PREF (Plan de redressement financier) puis des PAS (plans d’ajustement structurel) et la dévaluation de la monnaie coloniale CFA en 1994 après que l’impérialisme français ait décidé d’abandonner son franc national pour la monnaie unique européenne l’Euro.
Le PS (40 ans au pouvoir) et ses démembrements post-première alternance (AFP, Grand Parti, etc.) et le PDS et ses démembrements post-seconde alternance (Reewmi, APR/BBY, etc.) ont tous adopté un seul et unique programme : le libéralisme néocolonial.
Cette continuité des politiques économiques néocoloniales a pour origine : l’intégration du pays, plus généralement l’Afrique comme périphérie pourvoyeuse de matière première à la division internationale du travail de l’ère du capitalisme impérialiste. Le libéralisme est la politique économique la plus avantageuse pour assurer la mainmise des Firmes Transnationales impérialistes sur les sources de matières premières en les privatisant à son profit.
L’exportation des capitaux dans les pays dominés, qui est une des particularités fondamentales de « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme » (Lénine), a pour fonction essentielle d’assurer le profit maximum « parce qu’en raison du moindre développement, le taux de profit y est d’une façon générale plus élevé » (K. Marx, Le Capital, livre III, tome 1, p.251 – Editions Sociales). Ainsi dans son livre Le Néo-Colonialisme, dernier stade de l’impérialisme, Kwamé N’Krumah nous donne une illustration éloquente de cela : « Les investissements directs américains en Afrique sont passés entre 1945 et 1958, de 110 millions de dollars à 789 millions, qui proviennent en grandes parties des bénéfices réalisés. Dans cette augmentation de 679 millions, les nouveaux investissements ne se chiffrent qu’à 149 millions de dollars, les bénéfices tirés des investissements anciens, y compris le réinvestissement des surplus, étant estimés à 704 millions. Il en résulte que les pays africains ont subi une perte de 555 millions de dollars. Si l’on tient compte de prêts « non militaires » évalués par le Congrès américain à 136 millions, les pertes totales nettes de l’Afrique se chiffrent encore à 419 millions. Les statistiques officielles américaines évaluent les bénéfices bruts réalisés par les monopoles américains en Afrique entre 1955 et 1958 à 1.234 millions de dollars ; mais, selon d’autres estimations, ils atteindraient 1.500 millions. De quelque façon qu’ils soient considérés, il n’est pas besoin d’avoir un esprit mathématique particulièrement développé pour s’apercevoir que les investissements américains faits en Afrique rapportent des bénéfices de près de 100 % » (cité par l’Union des Populations du Cameroun – UPC – dans Panafricanisme et Néo-Colonialisme). Ce qui est vrai pour les USA dans cette période historique l’est encore plus pour les principales puissances coloniales d’alors que sont la France et la Grande-Bretagne.
Si la colonisation assurait un monopole directe des Multinationales du pays colonisateur, le néocolonialisme est un prolongement indirect de ce monopole unilatéral qui, à l’ère post-indépendance, s’est traduit par les multiples coups d’état et assassinats de présidents par la françafrique dès qu’il y avait tentative d’en desserrer l’étau.
Bien entendu, le néocolonialisme est l’expression de la volonté des puissances coloniales de maintenir leur joug unilatéral sur les ex-colonies, mais il favorise objectivement la concurrence des autres puissances rivales. Monopole et concurrence se superpose et s’oppose ainsi sous le capitalisme impérialiste.
Il est donc fondamental de comprendre que les IDE (investissements directs étrangers) ne sont rien d’autres que « l’exportation des capitaux » qui est, comme l’a démontré Lénine, une des caractéristiques absolues de l’époque impérialiste pour faire des OPA sur les économies des autres pays. La dette et les intérêts usuriers sont ainsi un moyen d’emprisonner les Etats et leurs peuples dans une dépendance servile qui permet le pillage des richesses nationales et la surexploitation de la main d’oeuvre nationale pour enrichir les actionnaires des monopoles des puissances impérialistes hégémoniques (USA, UE, Grande Bretagne, Japon, Israël).
Se laisser obnubiler par la « faim des IDE » présentés comme la principale source de financement des économies de nos pays, c’est oublier que l’exportation des capitaux fait partie de l’ADN de l’impérialisme en tant que système du capital mondialisé.
Le développement des pays dominés ne peut être que la conséquence de politiques fondées avant tout sur le principe de compter d’abord sur ses propres forces. Pour se développer, les ressources internes doivent être la principale source de financement alors que les IDE ne doivent servir que comme compléments.
Les critiques patriotiques justes et les mobilisations légitimes contre les nombreuses manifestations de « mal gouvernance » doivent être ainsi reliées à leur cause profonde pour favoriser une rupture véritable avec le système néocolonial qui est la source fondamentale de la continuité politique entre les quatre présidents du Sénégal indépendant; continuité politique illustrée par l’adoption du libéralisme par tous les présidents, partis et coalitions gouvernants depuis que le FMI, la BM, l’OMC ont été chargés d’élaborer et de contrôler l’exécution des politiques monétaristes du « moins d’Etat » pour la maximisation du profit par les actionnaires.
La croissance au service de l’enrichissement des impérialistes
Pour duper les peuples victimes du néocolonialisme, l’impérialisme a forgé un arsenal idéologique tendant à faire croire que « sa coopération » est une « aide indispensable au développement ». Le message est le suivant : « vous ne savez rien faire par vous mêmes, aussi sommes nous chez vous, après vous avoir donné l’indépendance, pour vous aider à vous développer ».
Ce logiciel mis en place à travers les « accords de coopération » est complété par le besoin de tout faire pour empêcher la réussite des expériences d’indépendance nationale. D’où par exemple le blocus de la Guinée du NON par l’encerclement avec la complicité néocoloniale du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, le sabotage monétaire par la fabrication massive de faux billets de francs guinéens et l’agression militaire de la Guinée en 1970.
Mais une fois les prix des matières premières contrôlés et rognés à la baisse, l’impérialisme a lancé nos pays dans le cycle infernal de la dette et du paiement des intérêts de celle-ci. L’endettement est devenu une tentacule de la pieuvre impérialiste pour mettre nos pays sous perfusion jusqu’à la dévaluation du franc colonial CFA.
L’extension du camp socialiste à plusieurs pays du Tiers Monde (Révolutions chinoise, cubaine, vietnamienne) et le développement des luttes révolutionnaires armées de libération nationale (Afrique du Sud, Angola, Mozambique, Guinée Bissau, Erythrée, Sahara pour ne citer que les exemples africains) ne faisaient qu’aggraver la crise générale du système impérialiste. Ces avancées anti-impérialistes réduisaient la sphère d’expansion du capital accumulé par l’impérialisme provoquant une sur-accumulation de capital-argent.
La période fut par marquée par la crise de surproduction avec une production de marchandises sans acheteurs et de sur-accumulation avec toujours plus de capital-argent sans secteurs et lieux d’investissements en raison du rétrécissement de la sphère d’influence néocoloniale. Pour résoudre cette contradiction, il fallait s’attaquer en les privatisant aux secteurs publics et parapublics des pays de la périphérie du système impérialiste. La dévaluation du franc colonial CFA a été la réponse à cette exigence de privatisation pour faire circuler le capital-argent accumulé en rachetant à des coûts divisés par deux les entreprises publiques et parapubliques des pays africains.
De même, une fois obtenue la restauration du capitalisme dans l’ex-camp socialiste d’Europe, on a assisté à une ruée des Trusts, Konzerns et Monopoles impérialistes qui se sont taillés, dans un premier temps, la part du lion des économies socialistes privatisées au détriment des nouveaux capitalistes. Les pays ayant une politique indépendante comme l’Irak, la Libye, la Syrie furent militairement détruits ou dans les cas de l’Iran, Le Venezuela, le Nicaragua, l’Equateur de Corréa, la Bolivie de Morales, le Brésil de Lula et Dilma, la Russie et l’Erythrée, seul pays d’Afrique ni membre, ni candidat à l’OMC … subissent des embargos et des agressions multiformes.
Les impérialistes ont invisibilisé pour les travailleurs et les peuples le PNB (produit national brut) comme indicateur qui additionne richesses intérieures et extérieurs d’un pays au profit du PIB (produit intérieur brut). En effet le PIB fait partie de l’arsenal idéologique des économistes libéraux pour cacher les avoirs extérieurs des entreprises et pays impérialistes pour justifier les politiques libérales de désengagement de l’Etat des économies nationales et éviter ainsi la question cruciale de où va la richesse produite par le travail : aux investissements productifs qui créent des emplois et développent un pays et à l’augmentation du niveau de vie des populations ? Le matérialisme dialectique exige de démasquer cette utilisation de la production quantitative interne de richesses séparée des avoirs externes des maisons-mères pour éviter de se confronter à la question épineuse de l’utilité économique et sociale de l’économie pour les populations.
En effet, le PIB est un indicateur quantitatif de la richesse produite dans un pays; mais ne dit rien en soi concernant quelles classes sociales qui en profitent et à quelles forces productives cela est destiné ? Or, à l’ère de l’impérialisme, donc de la mondialisation capitaliste, les profits des Firmes transnationales sont aussi mondialisées.
C’est ainsi que non seulement Orange, Areva, Total, Suez, Lyonnaise des eaux, EDF, Bouygues, Bolloré, pour ne citer que des exemples français, peuvent s’emparer des pans entiers stratégiques de nos économies nationales pour organiser la fuite des capitaux dont la prise en compte fait en réalité partie du PNB français. L’impérialisme fait ici d’une pierre deux coups : piller les peuples opprimés de sa périphérie et exploiter les travailleurs du centre tout en maximisant ses profits.
L’indicateur quantitatif qu’est le PIB a certes une utilité en terme de calcul économique et à ce propos la colonisation aussi haussait le PIB tout comme le néocolonialisme le fait. C’est dire donc qu’il n’y a rien de plus faux que de faire croire que le PIB est l’indicateur par excellence du développement.
Toutefois, le PIB comme indicateur économique peut aussi renseigner sur les crises politiques dans un pays; c’est ce que démontre le tableau suivant réalisé par le camarade Bamba N’Diaye du PIT sur l’évolution du PIB et les changements politiques au Sénégal :
En effet la chute du PIB est souvent annonciatrice des périodes de crises et changements politiques. Macky Sall en ait ainsi averti. C’est le cas actuellement dans la plupart des pays du monde suite à la pandémie du Covid 19 et, même là, la baisse n’est relativement pas pareil partout; Il y a des pays qui ont fait des choix anti-libéraux de gestion de l’épidémie qui s’en sortent nettement mieux que ceux qui ont choisi « l’économie, c’est-à-dire les profits des actionnaires, à la santé ».
Pour contester l’inexistence de dimension sociale du PIB, les mouvements critiques anti ou alter-mondialistes ont introduit l’IDH (indice de développement humain) que les organismes de Bretton Woods ont aussi instrumentalisé pour se présenter comme « luttant contre la pauvreté » et dont l’objectif réel est de faire émerger une « classe moyenne » consommatrice dans les pays de la périphérie au cours du processus de l’actuelle mondialisation capitaliste sous l’hégémonie de l’impérialisme occidental.
Voilà pourquoi, certains revenus et salaires ont connu des hausses relativement importantes dans nos pays, ce qui n’a été possible que parce que l’écart avec la grande majorité de la population toujours plus pauvre a été maintenu voire aggravé.
La part des bourgeoisies bureaucratiques néocoloniales
Dans tout ce système de prédation, quelle est la part des bourgeoisies compradores sénégalaises et africaines ? Comment procède la bourgeoisie bureaucratique néocoloniale libérale sénégalaise pour prendre sa part après que les impérialistes aient capté la part du lion? L’économiste marxisant Makhtar Diouf en dresse un tableau significatif quand il décrit ce qu’il nomme fort justement les « éléphants blancs » réalisés par les quatre présidents qui se sont succédé au Sénégal depuis 1960:
« Les présidents sénégalais qui ont cherché à jouer au baron Haussmann ont concentré l’essentiel de leurs efforts sur Dakar, avec des réalisations n’ayant rien à voir avec l’amélioration du niveau de vie des résidents de cette région. Chacun a tenu à tisser sa toile, à marquer son territoire, pour laisser à la postérité une marque par laquelle on pourra se le rappeler. Des sommes énormes ont été englouties dans des non-priorités, voire des fantaisies, dans une sorte de rivalité. Senghor a eu son Festival mondial des arts nègres en 1966. Wade devait avoir son Fesman qui n’a pas eu le même succès en dépit de son coût exorbitant. Senghor a eu son Théâtre Daniel Sorano en 1965. Wade devait avoir son Grand théâtre, alors que Sorano rénové, est resté intact et sous-utilisé. Senghor a eu son Musée dynamique (transformé en Cour Suprême sous Abdou Diouf). Wade devait avoir son monumental et coûteux Monument de la Renaissance (15 milliards selon Le Canard Enchaîné). S’y ajoute le Tunnel de Soumbédioune dont personne ne peut attester de l’utilité. Tout cela pendant que le pays compte des milliers d’abris provisoires tenant lieu d’écoles primaires. Arrive Macky qui tient à dépasser celui qui, quoiqu’on dise, reste son mentor : Cité de l’Alternance ; Bâtiment de Conférences à Diamniadio alors que les salles de conférence du King Fad des Almadies sont disponibles; Arène de Lutte; nouveau Stadium de basket; projet de Nouveau palais présidentiel, de nouveau Stade de football de 50.000 places …On pourrait citer d’autres exemples. Comme les cartes d’électeur et les cartes d’identité qui d’abord sous Wade, puis sous Macky passent du carton léger au numérisé avec des coûts astronomiques. Dans la France développée d’où nous viennent nos institutions, la carte d’identité est maintenant en numérique, mais la carte d’électeur est toujours en carton léger envoyée par la poste. Le Ter (Train express régional) défie toute rationalité par son coût et sa pertinence technique. Comment dépenser une telle somme d’argent pour une distance d’à peine une cinquantaine de kilomètres ? Pourquoi faire appel au constructeur français Alstom, alors que le gouvernement français en 2008 pour rénover son réseau parisien de trains de banlieue s’adresse non à Alstom mais au constructeur canadien Bombardier ? L’expertise du groupe Alstom se trouve dans la construction de Tgv (Train grande vitesse), alors que Bombardier est plus spécialisé dans la construction de trains de banlieue. Or le Ter n’est qu’un train de banlieue. Y a-t-il eu appel international d’offre ?… Comment peut-on envisager de construire de grands édifices sportifs dans un pays où l’on ne fabrique pas de ballons et de chaussures de football et de basket ? Les stades existants ne demandent qu’à être rénovés, à l’exemple de ce qui s’est fait ailleurs. A Paris, l’actuel Parc des Princes construit à la fin du 19ème siècle est rénové une première fois au début des années 1930, puis une seconde fois en 1970. Le Stade de France n’a été construit que pour l’organisation de la coupe du monde de 1998, et il est question de le vendre… Les éléphants blancs ne se situent pas uniquement au niveau des infrastructures. L’économie sénégalaise plie aussi sous le poids d’éléphants blancs institutionnels. Depuis 2017 un gouvernement mammouth (le mammouth est une espèce d’éléphant géant disparue) de 83 ministres : 40 ministres avec portefeuille, 43 ministres sans portefeuille… Un conseil que donnent le Fmi et la Bm se présente ainsi : il faut exporter les produits primaires au lieu d’essayer de les transformer sur place à des coûts moins compétitifs. Ce qui présente le double avantage de rembourser la dette, et d’avoir un taux de croissance élevé grâce aux recettes d’exportation ainsi obtenues. Ce taux de croissance qui fait polémique entre le pouvoir et l’opposition autour de son niveau n’est sous nos cieux, ni signe précurseur de développement dans le moyen ou long terme, ni constat de progrès social… Par ailleurs, la mise en place d’infrastructures ne doit pas faire perdre de vue que le premier facteur de décollage économique est l’industrie lourde polarisée autour du fer et de l’acier, et qui est à la base du développement de l’agriculture en amont et en aval. Tous les pays actuellement développés en sont passés par là. Le Sénégal dispose de fer de mine et de ferraille (encore achetée par des Chinois et des Indiens) pour la sidérurgie qui est l’épine dorsale de tout développement économique. L’acier ne figure nulle part dans le Pse, et la sidérurgie qui transforme le fer en acier n’y est mentionnée qu’une fois, en parenthèse… Et si on affectait chaque année aux collectivités territoriales les budgets du Hcct, et du Cese (près de 15 milliards prévus pour 2019) pour augmenter les investissements dans l’énergie solaire ?… Le problème de fond est que les réalisations de nos gouvernements sont ou bien inutiles, ou bien peu par rapport à ce qu’ils devaient faire et pouvaient faire pour développer le pays… Les étudiants en Sciences économiques dès leur première année de formation apprennent que leur discipline étudie la manière de gérer des ressources rares face à des besoins nombreux. Depuis 1960, l’économie sénégalaise est truffée de ‘’faux frais’’ (le terme est de Marx), c’est –à-dire des gaspillages qui plombent son décollage. La bonne gestion d’une entreprise ou d’un pays n’est rien d’autre que l’évitement du gaspillage. C’est le gaspillage des ressources publiques qui génère ce permanent besoin de financement qui ouvre la porte grand ouverte à l’endettement extérieur avec ses conditionnalités qui ne vont pas dans le sens du développement. Les principes les plus élémentaires du calcul économique coût-avantage font défaut dans la gestion de l’économie sénégalaise. S’y ajoute que l’histoire économique ne nous donne l’exemple d’aucun pays qui s’est développé sous domination étrangère. Comme le sont le Sénégal et d’autres pays africains, particulièrement à l’égard de la France qui, gouvernement de droite ou de gauche, près de 60 ans après les ‘’indépendances’’, persiste à s’accrocher à sa proie coloniale« . (Makhtar Diouf, Sénégal: d’un président à l’autre, 13/12/2018). Contrats léonins, surfacturation, délinquance budgétaire, corruption, népotisme, gabegie, clientélisme, narcotrafic, telles sont les marques de fabrique de « l’accumulation primitive » des capitaux de la bourgeoisie bureaucratique néocoloniale libérale.
En finir avec le cycle des alternances néocoloniales libérales
40 ans de pouvoir social-libéral PS suivi de deux alternances libérales ont largement édifié des couches de plus en plus nombreuses des populations meurtries et spoliées du Sénégal sur la nature intrinsèquement anti-nationale des bourgeoisies bureaucratiques néocoloniales libérales. C’est le cas dans les autres néocolonies africaines.
Les forces patriotiques qui émergent actuellement sur la scène politique ont réhabilité le rôle stratégique de l’Etat pour la confection et la gestion budgétaire, le fisc, l’impôt, les douanes, les contrats d’exploitation des richesses du sol et du sous-sol, les priorités pour les investissements d’Etat et le soutien étatique prioritaire aux opérateurs économiques nationaux.
Même si des illusions persistent encore sur l’option libérale chez les patriotiques dont les modèles de « développement » que sont les USA et l’Europe sont parfois troqués contre Dubaï, Doha, Riyad, Istanbul ou encore la Corée du Sud, la Malaisie, l’Indonésie, la contestation de la « mal-gouvernance » néocoloniale fait de plus en plus le lien entre corruption, gabegie, népotisme, vol des deniers publics et domination impérialiste.
Sur la voie de l’alternative aux alternances néocoloniales, les forces patriotiques émergentes doivent questionner les « modèles » mis en avant au regard de la place réelle de pions de la Corée du sud, de la Malaisie, de l’Indonésie, Dubaï, Doha, Riyad, Istanbul dans le système actuel de la mondialisation capitaliste sous hégémonie étatsunienne et européenne.
Il faut se rendre compte de la vérité suivante : Les USA et l’UE ont bâti leur richesse sur le génocide, l’esclavage, le colonialisme des autres peuples et sur l’exploitation des travailleurs de leurs propres pays. Le système mis en place pour faire cela est le capitalisme dont le stade suprême est l’impérialisme. Cet impérialisme est aujourd’hui décadent et mortifère. Les pions des USA et de l’UE ne font illusion que tant l’impérialisme reste hégémonique.
Les peuples qui ont lutté pour se défaire de l’asservissement de cet impérialisme ont fécondé des expériences révolutionnaires alternatives patriotiques anti-impérialistes et anti-libérales. Il s’agit de pays comme la Chine en passe de devenir la première puissance économique du monde, de Cuba pays encore sous développé mais puissance médicale internationaliste, le Vietnam qui se développe sans bruit mais sûrement et la Corée du nord qui se révèle une puissance technologique et nucléaire défensive imposant le respect et la paix à l’agresseur Yankee. D’autres expériences non communistes existent sur le chemin complexe de la lutte pour le développement des pays sous-développés et la fin de l’oppression des peuples par l’impérialisme.
Mais toutes ces expériences complexes traversées de contradictions se fondent sur le principe compter d’abord sur soi-même, sur leurs propres souveraineté décisionnelle et forces. Ensuite elles étudient les expériences des autres pour y puiser ce qui peut servir à leur marche vers l’indépendance nationale et l’émancipation sociale.
Sur ce chemin ardu de la libération nationale, il est nécessaire de décoloniser l’inconscient des forces libératrices patriotiques en menant une lutte idéologique sans merci contre la désidéologisation prônée par l’impérialisme et ses valets locaux de la bourgeoisie bureaucratique néocoloniale, elle même totalement idéologisée par le libéralisme et la servilité à l’impérialisme.
L’émancipation du Sénégal et de l’Afrique sera le fruit d’une bataille livrée à cette diversion selon laquelle « l’idéologie est étrangère à l’Afrique », ce qui est exactement la soeur jumelle des formules selon lesquelles « l’Afrique n’a pas d’histoire ou est insuffisamment entrée dans l’histoire ». Aucun continent, aucun peuple n’est exempt d’idéologie parce que l’idéologie n’est rien d’autre que le reflet de la réalité objective dans le cerveau des humains. Aucune idéologie n’est non plus l’apanage d’un continent, d’un peuple en particulier. Toutes les classes sociales fécondent nécessairement des pensées propres à ses intérêts de groupes sociaux composants une population sur un territoire donné. Les idées s’expriment et se manifestent dans des formes nationales spécifiques selon les réalités nationales en mouvement perpétuel.
Le projet de libération est portée par des classes sociales nées de l’intégration du Sénégal et de l’Afrique dans la forme historique particulière qu’est la colonisation qui se prolonge dans la néo-colonisation actuelle. La lutte oppose les classes sociales qui ont intérêt à la libération nationale contre les classes sociales étrangères, sénégalaise et africaine qui ont intérêt à la domination impérialiste. Chacune des classes sociales protagonistes a son idéologie ancrée dans les réalités sénégalaises et africaines en constant mouvement dialectique. L’unité des forces patriotiques s’opèrent sur la base du point de convergence qu’est l’objectif de libérer le pays, la nation en constitution, le peuple du joug étranger condition sine qua non d’un avenir de développement national.
31/07/2021
Diagne Fodé Roland