L’année 2020 restera gravée dans les annales de notre Histoire comme étant l’une, si ce n’est la plus macabre. En effet, en l’espace de sept mois seulement, le Sénégal a perdu plusieurs de ses fils et non des moindres. Le rythme de décès des personnalités politiques, religieuses, médiatiques, économiques, culturelles est tel qu’on ne peut s’empêcher de s’inquiéter. Et si le coronavirus faisait plus de victimes que ce que les autorités veulent bien admettre à travers leurs communiqués quotidiens et leurs statistiques ?
On peut citer entre autres illustres morts de ces derniers mois — et dans un désordre chronologique — Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille, Bamba Ndiaye, ancien ministre, journaliste, islamologue, Alioune Badiane, ancien directeur des Programmes de ONU-Habitat à Nairobi, Pape Malick Sy, porte-parole du khalife général des Tidianes, Mansour Kama, patron de la Cnes, Reine-Marie Faye, journaliste, Gora Ngom, patron de khelcom bâches, Babacar Touré, journaliste, Président fondateur du groupe sud Communication, Cheikh ahmed Tidiane Niasse, khalife général de Médina baye, Cheikh Ahmed Tidiane Seck, khalife de Thienaba Seck, El Hadj Tafsir sakho, de la famille d’El Hadj ibrahima sakho, kader Diop, journaliste, El Hadj Moussa Dia , khalife de Mbeuleukhé. s’y ajoutent Ousmane Dramé, le khalife de Keur Samba kheury Dramé, l’anthropologue, muséologue, musicologue, critique d’art et chercheur, Ousmane sow Hu – chard, serigne abdou aziz Fall, petit-fils de Mame Cheikh Ibrahima Fall, Mouhamed Samb, secrétaire général du Cadre de Concertation Libérale (CCL), le guide religieux de Sagne bambara, Cheikh samba Diallo, Balla Sidibé, chanteur et fondateur de l’orchestre baobab. Bien qu’illustres, le journaliste Mamadou Ndiaye Doss et l’ancien ministre de l’intérieur du président Wade, Cheikh Sadibou Fall, eux, sont décédés à l’étranger.
Il faut le dire tout haut : plusieurs de ces décès sont liés au coronavirus même si certains parents de ces illustres personnes décédées refusent mordicus de lier la mort de leur proche au Covid-19.
La gestion par les autorités de la pandémie présentée comme une « maladie de la honte » fait en effet qu’aujourd’hui beaucoup de ces personnes atteintes refusent d’admettre qu’ils ont contracté le coronavirus. Et pour beaucoup de morts rapides et suspectes, les parents des défunts jurent leurs grands dieux que leur proche disparu est mort d’une maladie autre que le « corona ».
En effet, il y a eu plusieurs mythes qui ont été développés autour de cette maladie et qui ont fini par la diaboliser. a preuve, pas plus tard qu’hier, des talibés de serigne Moustapha Sy ont attaqué le siège du journal Les Echos coupable d’avoir simplement relaté l’information selon laquelle le guide des Moustarchidines serait infecté par le coronavirus.
D’ailleurs, au niveau de ministère de la santé, il est strictement interdit de prononcer le nom des morts du Covid-19 par peur de stigmatisation. C’est un secret de Polichinelle de dire que le Covid-19 a emporté les ¾ de ces personnalités sus-citées. Surtout, à côté de ces personnalités célèbres, des anonymes meurent désormais chaque jour dans nos villes et nos villages et sont enterrés à la hâte sans être comptabilisés dans les statistiques officielles des victimes du coronavirus. Ce n’est pas tout puisque, quand on constate le relâchement des populations dans le respect des mesures barrières, notamment le port du masque et la distanciation physique, il y a de quoi craindre le pire c’est-à-dire un éventuel boom de contaminations dans les prochains jours.
Pape Diouf décède à Dakar du Covid 19
La nouvelle surprenante de la mort de l’ancien président de l’Olympique de Marseille, Pape Diouf, première victime du Covid dans notre pays, avait sonné le tocsin de la dangerosité du Covid19. L’anxiété était palpable chez beaucoup de sénégalais au point que la plupart d’entre eux avaient respecté strictement les mesures barrières et les mesures restrictives édictées par le chef de l’Etat et son gouvernement. Mais indépendamment du discours présidentiel qui recommande de vivre avec le virus et de sortir de l’auto confinement, la lassitude, le manque de ressources et les exigences de la dépense quotidienne ont fini par conduire les sénégalais, fatigués économiquement, à dédramatiser la maladie et reprendre leurs activités.
Avec le raisonnement suivant : on n’est pas sûrs de mourir du coronavirus mais, par contre, on est certains de mourir de faim si nous restons confinés dans nos maisons. aujourd’hui, le talon d’Achille du gouvernement dans la lutte contre le coronavirus, c’est son incapacité à lier efficacement la reprise des activités économiques et la cohabitation avec le virus tueur.
Au vu du comportement de nos compatriotes, on a comme l’impression que le Covid-19 est un souvenir lointain alors qu’il continue de faire son œuvre macabre. Rien n’indique dans le comportement de la majorité des sénégalais une conscience de la dangerosité de la maladie. Dans certaines parties de notre pays, les rares personnes qui portent le masque sont indexées. Dans certains services, le thermoflash est inexistant et à l’entrée, il n’y a plus de gel hydro-alcoolique. Et les quelques personnes qui font semblant de porter le masque, le mettent sous le menton.
Aucun respect de la distance sociale. D’ailleurs, les accolades sont fréquentes et les prises de thé collectives avec les mêmes tasses dans les quartiers ou dans certains points de vente sont redevenues une réalité. Dans les transports publics, le protocole mis en place par le ministre des Transports n’a plus été respecté à l’approche de la tabaski où les voyageurs prenaient des bus hors des lieux officiels légaux de départ que sont les gares routières. Lors des funérailles de Pape Diouf, des mesures drastiques avaient été prises pour limiter le nombre personnes assistant à la levée du corps et à l’inhumation de l’ancien président de l’Olympique de Marseille. D’ailleurs des agents de police étaient même déployés pour veiller à l’application des mesures restrictives lors de sa mise en terre. Depuis quelques semaines, voire des mois, il y a désormais foules dans les cimetières sans que cela dérange qui que ce soit. Les cérémonies matrimoniales, les baptêmes, les funérailles, les prières collectives occasionnant des rassemblements grandioses ont repris de plus belle. Dans les quartiers, les terrains de sports refusent du monde. Finalement les regroupements humains craints au niveau des établissements scolaires sont déportés dans les quartiers. A cela s’ajoutent les plages et autres stations balnéaires qui sont bondées de monde, des jeunes pour la plupart. D’ailleurs il n’est pas étonnant de voir que la tranche d’âge la plus touchée est celle allant de 16 à 39 ans. Et au sortir de cette tabaski, il est à craindre une explosion des taux de contamination.
Le Sénégal dans la zone rouge
Les indicateurs de la situation épidémiologique montrent que notre pays est dans la zone rouge de la pandémie. Au jour du 3 août, le Sénégal comptait 10 386 cas de contaminations officiellement recensées. Les quatre districts de Dakar concentrent à eux seuls 5 669 des cas de contamination (CC) (Dakar Ouest : 1 541 ; Dakar Centre : 1 509 ; Dakar sud : 1 413 et Dakar Nord : 1 206) soit 54,58%. Les autres localités de Dakar font 2 044 soit 19,68 %. Par conséquent la région médicale de Dakar fait 7 713 des CC soit 74,26%. Suivent les régions de Thiès avec 1043 CC soit 10,04 % et de Diourbel avec 678 CC soit 6,52 %. Ces trois régions médicales concentrent 9434 de CC soit 90,83 %. Avec ses 211 morts, le Sénégal affiche un taux de létalité (TL) de 2,03 % alors que celui moyen de l’Afrique est de 2,15 % et le Tl du monde de 3,81 %. il y a un mois, le TL du Sénégal était à 1,5 %. Concernant le nombre de personnes infectées, notre pays est 2e au niveau de l’Uemoa, 4e dans la Cedeao, 13e en Afrique, 82e au niveau mondial. Et pour ce qui est du nombre des morts, les places du Sénégal ne sont guère enviables : 1er au sein de l’Uemoa, 2e dans la Cedeao, 11e en Afrique, 77e au niveau mondial.
Hélas, face à une telle hécatombe, la seule stratégie du ministre de la santé, Abdoulaye Diouf Sarr, pour faire reculer ces chiffres macabres et désespérants, c’est de livrer aux sénégalais une litanie matinale sur la situation épidémiologique. Une litanie que les sénégalais n’écoutent d’ailleurs même plus. Si Serigne Babacar Sy Mansour, khalife des Tidianes, en arrive encore à enjoindre aux autorités de dire aux sénégalais la vérité sur la pandémie, c’est parce qu’il sait, comme beaucoup de nos compatriotes, que les chiffres livrés chaque jour sont loin de livrer la réalité épidémiologique. il y a plus de morts du corona, plus d’infectés que ce que dit le ministère de la santé.
C’est l’impression générale corroborée par le nombre effarant d’annonces de décès faites chaque jour. Tout se passe, au niveau des autorités, comme s’il ne fallait pas dépasser les cinq morts quotidiennes. Pourtant des sources nous indiquent que le seul jour où l’on a annoncé cinq décès, il y en avait 10 autres passés sous silence. Le nombre de tests a été réduit parce que les centres de traitement sont sursaturés. Les 78 milliards dépensés en 5 mois de pandémie n’ont pas donné les résultats escomptés. Qu’a-t-on fait de tout cet argent au point que le Dr Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaires (Cous), lance un cri de détresse avec ses maigres 50 millions de francs CFa de fonctionnement de sa structure ?
Pourtant le Cous, en matière pandémique, doit être en première ligne dans toute lutte contre les maladies d’origine virale. Un changement d’attitude s’impose chez les sénégalais, c’est incontestable. Toutefois, les autorités en charge de la santé des sénégalais ne doivent pas baisser les bras, avouer leur impuissance comme s’ils livraient nos compatriotes à cette pandémie à coronavirus qui a déjà fait plus de 600.000 morts à travers le monde.