Le Mali est à nouveau debout pour chasser IBK tout comme l’avait été le Burkina qui a chassé Compaoré, l’assassin du martyre et héros national et africain Thomas Sankara.
Le peuple malien avait déjà mis fin au règne autocratique de Moussa Traoré en mars 1991 mettant ainsi un terme à la dictature militaire qui, en 1968, était née d’un coup d’état néo colonial françafricain contre le martyre et héros national Modibo Keita.
Au Mali la « démocratie multipartite » néocoloniale a fécondé « le festival des brigands » selon la pertinente expression de Issa Ndiaye. Une bourgeoisie bureaucratique néocoloniale multipartite s’est accaparée de la « classe politique » pour s’accaparer des deniers publics et s’enrichir impunément à volonté. Comme l’écrit Issa Ndiaye « la chute de Moussa Traoré s’est faite dans une grande confusion idéologique…Le nouveau pouvoir démocratique s’est contenté de se glisser dans l’appareil d’Etat de l’ancien, après quelques ravalements de façade. Il puisa dans le personnel de l’UDPM, développant une logique de pouvoir néfaste aux aspirations populaires qui réclamaient le changement véritable, mis à mort par les régimes successifs de l’ère dite démocratique » (Silence, on démocratise, Démocraties et fractures sociales au Mali, tome 1, édition La Sahélienne).
Issa Ndiaye analyse que « la chute de Moussa Traoré a été essentiellement l’oeuvre des mouvements civils. L’intervention des militaires est venue parachever une lutte dont la victoire était inéluctable. D’ailleurs, le représentant de la junte, ATT, l’a fait savoir quand celle-ci s’est présentée à la Bourse du Travail pour remettre le pouvoir aux civils. Si le gouvernement provisoire avait été proclamé avant la chute de Moussa Traoré, le destin du Mali aurait été autre. ATT n’aurait certainement pas présidé aux destinées du CTSP. Il n’aurait pas existé. La transition aurait été autre, la trajectoire du nouveau Mali aussi ».
Selon notre auteur « le choix porté sur la dissolution des structures clandestines a ouvert les vannes aux opportunistes qui ont réussi à s’infiltrer et à finir par prendre le contrôle du parti et de l’ADEMA » (idem). Ce parti, ADEMA, fut créé à la place du front des partis et mouvements clandestins et finalement « le pouvoir a joué les clans les uns contre les autres et a fini par remplir le parti, de militants UDPM et des démocrates de la vingt-cinquième heure…Tout a été entrepris pour écarter les camarades les plus à gauche, malheureusement avec le soutien d’autres qui étaient à gauche. Les luttes de clans ont facilité la purge au sein du parti et assurer le triomphe des restaurateurs qui ont fini par prendre les leviers essentiels du parti et de l’Etat. Ce qui se passe aujourd’hui en est la conséquence »(idem).
C’est ainsi qu’au Mali on a assisté à la tragédie d’une révolution inachevée qui a produit par la lutte des places aux gouvernements successifs depuis 1991 à la transformation des forces et éléments de gauche en bourgeoisie néocoloniale inféodée aux plans libéraux d’ajustement structurel dictés par le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC. L’écrasante majorité de la gauche historique s’est diluée ainsi dans les marais nauséabonds du détournement des deniers publics, du népotisme, du clientélisme monnayé et donc d’un embourgeoisement affairiste dans le cadre du système néo colonial françafricain. L’alternance électorale présidentielle n’a fait qu’enfoncer toujours plus le Mali dans la servitude volontaire néocoloniale.
C’est sur ces entrefaits que la guerre des impérialistes contre la Libye et l’assassinat de Kadhafi vont livrer ce pays aux djihado-terroristes dont certains originaires du Mali vont négocier avec l’impérialisme français, en particulier Sarkozy, leur retour armé pour s’emparer du nord du Mali. Les défaites de l’armée sous équipée ont conduit à une réaction nationaliste au sein des troupes qui s’est manifestée par le coup d’état contre ATT du capitaine Sanogo. Pour empêcher que l’armée malienne ne soit en capacité de défendre le pays contre l’agression armée séparatiste et djihado-terroriste, les achats d’armements du Mali furent bloqués par la françafrique dans les ports de Dakar, Abidjan et Conakry.
Le « festival des brigands » et du « silence, on démocratise » vont se muer en « menace séparatiste djihado-terroriste » que l’impérialisme français, sous la houlette de Hollande, va instrumentaliser pour occuper militairement le Mali sous le prétexte de « lutte contre le terrorisme islamiste ». Ce furent Serval, cet animal qui pisse pour délimiter son territoire, puis Barkhane, ces dunes de sables qui se déplacent au gré des vents du désert.
L’illusion du spectacle de Hollande accueilli par les populations avec des drapeaux bleu blanc rouge n’aura duré que le temps de la prise de conscience de la supercherie impérialiste. L’enfumage devait se dissiper au fur et à mesure que s’accumulent les pertes des vies des soldats maliens, français et des populations civiles. Le G5 Sahel, force militaire de plusieurs pays africains (Mali, Tchad, Niger, Burkina, Mauritanie) plus la France sans oublier la MINUSMA (ONU) se révèlent incapables de venir à bout des djihado-terroristes estimés à 3.000.
Facteur aggravant, il est de fait interdit à l’armée, la police, la gendarmerie, les services publics maliens de revenir sur une partir du territoire national, notamment Kidal. Sous le couvert de la « décentralisation », on assiste à une partition de fait du Mali pendant que l’insécurité s’étend du nord vers le sud du pays. Le conte de fée du « sauveur français » laisse la place à la dure réalité qui a fait dire au célèbre chanteur Malien, Salif Keita : « Koro si tu as peur de dire la vérité à la France, si tu ne peux pas gérer ce pays, quitte le pouvoir, celui qui n’a pas peur le prend, tu passes ton temps à te soumettre à ce petit Emmanuel Macron, c’est un gamin. Koro, tu n’es pas au courant que c’est la France qui finance nos ennemis (djihadistes) contre nos enfants? ».
La Révolution inachevée du 26 mars 1991 a produit une « classe politique » néocoloniale corrompue qui se partage le gâteau de l’argent public engendré par le travail et la sueur mal rémunérés des travailleurs et du peuple malien et qui soumet le pays et ses richesses du sol et du sous sol au pillage des Multinationales impérialistes. Le délitement du pays et la déliquescence de l’Etat entamé par la gabegie, le népotisme, la délinquance affairiste des pouvoirs successifs des libéraux et sociaux- libéraux néo coloniaux ont pris des dimensions astronomiques menaçant l’intégrité territoriale, l’unité nationale et même l’Etat tout court. C’est ce mouvement de prise de conscience populaire existentialiste né de la dure expérience concrète du peuple malien avec l’invasion séparatiste djihado-terroriste et l’occupation militaire du pays qui est à la base du formidable réveil de l’exigence de la « démission d’IBK ». Il est important de prendre toute la mesure des enjeux posés par l’actuel bras de fer entre le pouvoir néocolonial malien, l’impérialisme et le peuple Malien. Toute l’Afrique est menacée.
Juillet 2020
Diagne Fodé Roland