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Jeu «correspondance Covid-19» : Papa Djibril Diop Documente Le Vécu Des Jeunes

Jeu «correspondance Covid-19» : Papa Djibril Diop Documente Le Vécu Des Jeunes

Demander aux jeunes élèves d’utiliser la méthode épistolaire pour raconter la pandémie du coronavirus à leurs camarades d’autres localités : La trouvaille est celle de Papa Djibril Diop, artiste plasticien et professeur d’éducation artistique. Une façon, selon lui, de pousser les jeunes à exprimer leur vécu durant cette période particulière.

Artiste plasticien, enseignant d’éducation artistique au collège Keur Don Bosco de Nord-Foire et professeur de design à l’Ecole nationale des arts, Papa Djibril Diop, connu également sous le nom de Papis Diop, fait de la pandémie du Covid-19 une muse à partir de laquelle il a tiré une source d’inspiration pour participer à l’effort de guerre contre le Covid-19. La mise en œuvre d’un projet dénommé «Correspon­dance Covid» et qui a été retenu par l’Institut français de par sa «pertinence» est le résultat d’un processus de réflexion que l’artiste se plaît à raconter. «L’idée du projet m’est venue un jour à La Poste. J’étais en train d’envoyer un colis vers Mbacké, que j’envoyais d’ordinaire par Allo Taxi. C’était à l’époque où il y avait un couvre-feu et une fermeture des routes nationales. Je me suis remis personnellement dans le contexte du  temps où, pour faire parvenir un message, il fallait écrire une lettre et attendre des jours, parfois des mois, avant de recevoir une réponse. La correspondance épistolaire avait son charme. On appréhendait les mots écrits différemment de l’expression verbale et c’était par la même occasion un bon moyen de parfaire sa calligraphie, son orthographe, sa grammaire», fait remarquer le professeur d’éducation artistique qui a fait remonter la machine du temps pour replonger dans un passé où les téléphones mobiles, internet n’avaient pas encore envahi le monde. L’idée de replonger les potaches dans le passé, de les pousser à goûter aux plaisirs simples des échanges épistolaires lui a valu l’attention de l’Institut culturel français de Dakar. «Dans le contexte de crise que nous connaissons, l’Institut culturel de Dakar avait lancé un appel à projets spécial afin d’apporter un soutien rapide aux initiatives de la scène culturelle et artistique sénégalaise. Cet appel s’adressait à̀ toutes les structures culturelles souhaitant développer des actions innovantes ou citoyennes», explique Papis Diop qui souligne que «les  projets visaient à  appuyer la sensibilisation du public aux gestes barrières ainsi qu’à toutes les recommandations de l’Etat sénégalais de développer des actions citoyennes en direction des populations les plus fragiles et de favoriser l’émergence d’actions artistiques compatibles avec les contraintes du contexte actuel». «Au moment même où je réfléchissais à ce projet, l’Institut français avait lancé son appel à projets. Je me suis dit que c’était une occasion à saisir pour le mettre en œuvre. Au bout de 2 mois, ils m’ont annoncé que le projet a été retenu et qu’ils ont beaucoup apprécié le volet expressif et  didactique», confie-t-il.

Correspondances entre 4 collèges

Parlant des étapes qui ont jalonné la mise en place de ce projet, Papis Diop indique que cela s’est fait en 3 phases. Avec l’appui de «Du Benn», un collectif d’artistes dont il fait partie et composé de Djibril Ndiaye, Assane Sar, René Gomis, Moustapha Badiane et Papa Amady Ndiaye le manager, un stock de matériels a d’abord été mis à la disposition des quatre collèges ciblés, à savoir le collège Keur Don Bosco de Nord-Foire où il est professeur, le Cem Thiaroye Azur avec le professeur d’éducation artistique Djibril Ndiaye, le Cem de Mboro avec Ousseynou Ba et le Cem de Bakel avec Baye Diouf Gning. «Ce stock permettra aux professeurs de pouvoir continuer à dispenser des cours en ayant à disposition le matériel qui fait souvent défaut. Une partie de ce stock sera offert aux élèves pour qu’ils puissent continuer de s’exprimer chez eux», soutient M. Diop qui souligne qu’une cinquantaine d’élèves de la 6ème à la 3ème a été sélectionnée. «Chaque élève se verra attribuer un correspondant. Nous mettons évidemment beaucoup de rigueur au respect des mesures barrières en classe», tient à noter le professeur d’éducation artistique qui souligne que «dans un deuxième temps les élèves de deux collèges Cem Thiaroye et Cem Mboro, Keur Don Bosco et Cem Bakel vont correspondre d’abord à travers une lettre écrite où ils expriment leur vécu depuis le début de la pandémie, ce qu’ils vivent chez eux, quand ils sortent, ce qu’ils voient à la télé etc.» La deuxième correspondance qui constitue la troisième phase est picturale. Et dans celle-ci, chaque élève s’exprimera à travers des dessins. «Bien que le thème principal reste le Covid-19, on a tenu à ce qu’ils aient une grande liberté d’expression aussi bien à travers les techniques utilisées que dans le contenu des dessins», souligne Papis Diop qui n’a pas manqué d’attirer l’attention sur le centre d’intérêt des élèves au moment d’aborder cette correspondance.  «Si d’aucuns se sont intéressés au couvre-feu, d’autres ont évoqué l’ennui de rester chez eux sans possibilité de voir leurs amis, ou le respect des gestes barrières. Beaucoup de dessins ont été axés sur la prévention. Ce qui prouve que le message est bien passé sur les moyens d’éviter la transmission de la maladie.»

Documenter le vécu des jeunes

Parlant du financement, le professeur d’éducation artistique de dire que cela s’est fait juste sur une présentation d’un budget pour la mise en œuvre du projet. «Par la suite, ils ont sélectionné et financé les projets qu’ils ont jugés plus intéressants. J’estime que c’est juste un moyen pour eux d’apporter leur pierre à l’édifice de la lutte contre la pandémie en appuyant les projets artistiques qui vont en ce sens.»  Papis Diop, qui a recueilli les avis des élèves sur la pandémie pour donner corps à ce projet, souligne que le point de vue des plus jeunes l’a toujours intéressé. «Au moment de l’arrêt des cours, je me suis toujours demandé comment mes élèves passaient leur temps. On ne s’en rend pas toujours compte, mais la situation que l’on vit est exceptionnelle et sans précédent. A coup sûr, le Covid-19 marquera l’histoire et on en parlera encore pendant des décennies. Et dans quelques décennies, ce sont les plus jeunes qui seront là pour en témoigner ; d’où l’importance de recueillir leurs points de vue», souligne l’enseignant qui estime toutefois que l’on n’implique pas assez les élèves dans la prévention et les informations. Papis Diop estime en effet que les jeunes écoutent beaucoup d’informations sur le Covid-19 à travers les médias. «Mais qui leur explique ce que signifie cas communautaire, distanciation physique, geste barrière etc. ?», s’interroge celui qui dit s’être «rendu compte qu’à travers leurs réalisations ils ont en effet tout compris et avec un point de vue bien à eux, qui s’accorde à leur innocence».

Pour capitaliser toute cette expérience, Papis Diop informe qu’une vidéo retraçant le déroulement du projet sera visible sur les réseaux sociaux. «Il est prévu à la fin de la pandémie un moyen de restituer le travail accompli par tous les élèves à travers une exposition», ajoute notre interlocuteur.

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