Notre pays, le Sénégal, est une de ces entités géographiques dont le bon Dieu a gratifié le monde en la plaçant en Afrique dans sa partie ouest la plus avancée. C’en est donc le nez, organe indispensable pour respirer. Quelle nécessité! Sur le plan historique, il n’a pas suffi que les fils de l’Afrique participent vaillamment aux deux grandes guerres pour sauver la mère-patrie, la France, pays de nos oncles ainsi que le dirait le sémillant Henri Lopes, auteur de Le pleurer-rire. Non, il fallait surtout les appeler Tirailleurs sénégalais. Qu’ils fussent venus du Lac Tchad ou des abords du Cap. Quelle veine!
Vinrent les indépendances lors desquelles nous eûmes comme Président, le plus intelligent et le plus diplômé, parce qu’étant agrégé, le premier s’il vous plaît, en grammaire.Leopold Sédar Senghor, d’extraction sociale et religieuse minoritaire commit l’exploit de diriger un pays à plus de 90 % de musulmans. Son pouvoir n’aurait rien représenté pourtant s’il n’avait pas bénéficié, dit-on, de l’accompagnement lumineux de nos vaillants marabouts tout droit sortis de l’Histoire où leurs parents directs ont chassé par diverses manières, l’envahisseur blanc. Honnies soient les mauvaises langues qui ont entretenu la méchante idée qu’ils ont plutôt été les collaborateurs de ce dernier.
L’école sénégalaise, dit-on, a aujourd’hui, produit des meilleurs cadres de ce monde qui vont partout semer le savoir ou démêler les équations les plus compliquées et les plus tendues dans les structures universelles les plus cotées.
Ici, dans le territoire, les clichés entre communautés ethnolinguistiques sont passées représentations, imaginaires et croyances dans l’absolu du narcissisme culturel très rentable á la foire de la représentativité politique. Si bien que, chaque groupe culturel ou religieux réclame sa part devenue légitime au sein de chaque équipe dirigeante parvenue au pouvoir grâce, surtout, aux prières de chacun pris dans l’aparté d’une manifestation familiale.
Tour à tour, au gré du temps, les groupes socio-professionnels ont, chacun á leur tour, occupé le terrain de l’affirmation de soi, négation parfaite de l’ambitieux commun vouloir de vie commune inscrit au tableau de l’oubli existentiel.
A chaque époque son lot de types indispensables juste refroidis et freinés dans leur élan vers la déification à l’ultime instant qui les sépare de la béatitude.
Dans ce pays, chacun s’est senti plus que citoyen, mais incontournable, quand son tour est arrivé. Tout le monde a eu sa part de ce qu’on appelerait aujourd’hui le buzz.
Était-ce une politique bien pensée des blancs et dignement héritée et pratiquée par les hommes du pouvoir politique d’après indépendances?. Y avait-il une autre manière de gérer cette patrie naissante sans tomber dans le parti pris?
Le Sénégal fut et reste encore le pays où chacun a eu droit à son heure de noblesse et de gloire. Quelle imagination ce fut, celle de partager le temps, cette valeur immatérielle, entre des millions de citoyens! Mais quelle prouesse était-ce que de faire de sorte que chacun ait eu son heure de jouissance pérennisée et impérissable du fait de griots toujours et partout complices et alliés du pouvoir.
Dans les interstices de cette texture presque parfaite que perforent de plus en plus les rayons lumineux du chaud soleil de la désillusion apparait l’ombre des failles millénaires grosses de toutes les formes d’insubordination. La tenue de l’homme de loi devient légère, avant elle la face du parent a déjà plongé dans les abysses de l’impuissance. Le marabout, courbé devant le Pouvoir dont il ignore encore la déliquescence, s’affaire à ramasser les débris de son pouvoir qui ne tient plus que dans les medias de l’ostentation lucrative.
Que reste-t-il de tout cela? La peur. La peur de ce que sera demain. Il reste la branche du baobab qui craquelle et dont on se demande avec anxiété quand elle va casser. Une société infidèle à ses valeurs d’antan, des communautés jalouses, des personnes ingrates et sans scrupules et une jeunesse en mal de repère, insubordonnée et sourde aux injonctions qu’elle n’a de cesse de fouler aux pieds dans un nihilisme complet du danger quotidien. Voila la compo du pays, le plus beau qui fut et, qui, tel un bateau ivre, se laisse aller au large de nos entêtements partagés.