La période postcoloniale au Sénégal est caractérisée par une sorte d’euphorie où, dans une dynamique de reconstruction nationale, le pays indépendant depuis 1960 met en place, au fur et à mesure, des universités pour former les nouvelles élites du pays.
Avec une réelle dynamique dans les milieux universitaires animés par des associations de mathématiciens, d’historiens, de sociologues, de politologues, de philosophes, d’économistes… Ces élites étaient convaincues que la consolidation de l’Etat-Nation était le moteur du développement économique et social du pays…. Cet optimisme de départ fut détruit par des échecs économiques et parfois des événements sociaux imprévisibles.
Le 4 octobre 1958, Mamadou Dia lance l’idée d’un plan de développement. L’objectif principal était une relance du développement sénégalais. L’idée sous-tendant un tel plan n’était pas d’importer une doctrine économique toute prête, mais de réadapter les méthodes susmentionnées afin d’en tirer un modèle solide, scientifiquement validé et qui s’adapte aux réalités socio-économiques du pays. Ce n’est qu’après ce diagnostic que des stratégies vont être développées pour être éventuellement mises en place, selon Dia. Il nomme cette entreprise «construction nationale» et est fier de démontrer que le Sénégal pourrait être le premier jeune Etat à présenter au monde un tel plan de développement basé sur des recherches scientifiques…
Aujourd’hui, force est de constater que cette proposition de Mamadou Dia reste plus que jamais une urgence nationale dans une société où l’élite intellectuelle est plus que jamais motivée pour démarcher et proposer des solutions sur les problématiques socio-économiques les plus essentielles. Cela, dans une dynamique de réflexions inclusives et indépendantes afin d’échanger et de confronter des idées pour en sélectionner celles qui permettent de tracer un schéma clair menant vers l’émergence. Pour cela, il serait nécessaire que l’action publique gouvernementale réagisse avec notamment la mise en place de politiques pour créer et encourager la création de centres de réflexions, où philosophes, mathématiciens, historiens, informaticiens… se réunissent pour réfléchir et proposer de nouveaux modèles afin d’apporter des solutions sur des problématiques sociales, éducationnelles, économiques, structurelles bien identifiées…
Ces centres de réflexion ne sont rien d’autre que des think tanks
Un think tank, groupe de réflexion, laboratoire d’idées, cerveau politique, cabinet d’experts, cercle de réflexion… comme on l’appelle souvent dans le monde francophone, est une organisation ou structure, indépendante de l’Etat et/ou de toutes autres puissances, réunissant des experts, vouée à la recherche d’idées nouvelles, et cherchant à peser sur les affaires politiques et publiques. Il mène des études et émet des propositions le plus souvent dans le domaine des politiques publiques et de l’économie.
La participation active à la bonne gouvernance implique de disposer de visions et de solutions relatives aux principales problématiques qui, mondialisation oblige, frappent avant tout les zones les plus faibles. Les gouvernements ne parviennent qu’à intervenir dans des cas d’urgence et gérer les problèmes ordinaires. Ils n’ont pas le temps de mettre véritablement en place des politiques à long terme. Les gouvernements ne peuvent pas comprendre, en toute sincérité, les situations que vit le Peuple – ils n’ont pas de solutions à tous les problèmes. Les gouvernements ont «une vision très limitée sur la durée de leurs mandats» : mener des réflexions poussées sur la construction d’universités, d’usines, d’entreprises… afin de garantir l’avenir de la génération encore très jeune dans les vingt ans à venir, ils ne le font pas. L’avenir des populations ne sera que garanti par l’existence de vrais think tanks, des think tanks capables de soumettre les programmes, les politiques publiques, les projets de tout gouvernement, susceptibles d’avoir des effets systématiques sur le développement socio-économique des populations à des analyses et évaluations très vigoureuses et, par la suite, proposer des solutions et recommandations aux problèmes identifiés en mettant au centre, les intérêts du Peuple.
Quel rôle peuvent véritablement jouer les think tanks au Sénégal ?
Dans un pays comme le Sénégal, les think tanks joueraient un rôle fondamental dans l’élaboration des programmes de politiques publiques. Ils mobilisent l’expertise, présentent des preuves, poussent à des changements innovants et créent des réseaux et des communautés grâce auxquels ils nourrissent et diffusent des idées et catalysent l’action. L’environnement actuel de transformations rapides et de défis de plus en plus complexes et imbriqués aux niveau national et mondial semblerait créer une toile de fond parfaite pour que les think tanks s’engagent de manière dynamique, en offrant des solutions politiques créatives, pragmatiques et exploitables sur des questions tangibles.
Comment les think tanks devraient-ils permettre une orientation claire de la société et des politiques publiques ?
Premièrement, ils s’engagent à assumer la fonction indispensable de présenter de manière répétée, constructive et audacieuse des évaluations fondées sur des données factuelles.
Deuxièmement, ils ont un rôle essentiel à jouer pour affronter le piège de la «pensée automatique», de la pensée de groupe et du biais de confirmation. Ainsi le rôle des think tanks est de remettre en question les modèles de pensées automatiques et centralisées en fournissant une plate-forme pour introduire de nouvelles idées, en élargissant la portée du débat et des participants.
Les think tanks bénéficient de cinq manières à la politique publique :
*ils font naître des options politiques et des idées originales.
*ils mettent à la disposition du gouvernement une poignée d’experts prêts à le servir.
*ils offrent un espace où les idées et les nouvelles approches peuvent être débattues et testées.
*ils tiennent un rôle pédagogique aussi bien à l’échelle des élites que des citoyens, tout en aidant à éclairer le débat public.
A l’avenir, il serait intéressant d’analyser l’impact d’une éventuelle création de think tanks sur la nature de l’évolution de la politique des idées au Sénégal. Une telle analyse pourrait, en outre, examiner de plus près l’une des principales conclusions de la présente contribution, à savoir l’existence d’un lien quasiment organique entre, d’une part les think tanks et leurs pratiques d’expertise, et de l’autre le rôle crucial des idées dans l’élaboration des politiques publiques.
Ndiaye DIA – Final year student at Ecole
polytechnique Vice-Président at X-Afrique
ndiaye.dia@polytechnique.edu