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Conjurer La MalÉdiction De Dalal Jamm

Conjurer La MalÉdiction De Dalal Jamm

Parmi les multiples répercussions de la COVID-19, on peut aussi noter l’exacerbation des contradictions au sein du système sanitaire, poussant certains acteurs, parmi les plus respectables, à poser des actions d’éclat héroïques, contrairement à leurs vieilles habitudes de réserve républicaine. Il faut reconnaître que certains actes posés, depuis toujours, par la classe politique, défient parfois le bon sens le plus élémentaire et feraient sortir de ses gonds le plus zen des moines bouddhistes.

Primat de diktats politiciens sur les critères techniques

Comment imaginer, en effet, qu’un bijou comme l’hôpital de Dalal Jamm, d’un coût de 51 milliards financé par l’État du Sénégal, la BADEA, l’OFID, la BID, le FSD, achevé pendant que le président Wade était au pouvoir, ne soit toujours pas entièrement opérationnel ?

Comment comprendre cette pseudo-inauguration du vendredi 22 juillet 2016, alors qu’aucune condition préalable n’était remplie, sur le plan des ressources humaines et de l’équipement ? Qu’a-t-on fait des sommations itératives de l’Association Guédiawaye Priorité Santé, invitant les autorités à respecter leurs engagements de rendre cet hôpital fonctionnel au début de 2017 ?

Le cas de Dalal Jamm ne constitue qu’un exemple, parmi tant d’autres, où, pour des raisons purement politiciennes et électoralistes, on a tordu le cou aux normes techniques. Combien de postes de santé se sont-ils subitement métamorphosés en centres de santé sans le plateau technique requis (service d’hospitalisation, laboratoire… ), attendant pendant de longues années d’être reconstruits et mis aux normes ? Combien de structures sanitaires ont été inaugurées en grande pompe, sans être entièrement fonctionnelles, comme celles de Fatick, Matam, Ziguinchor, etc. sans parler du scandale de l’hôpital-fantôme de Touba, où un détournement de 14 milliards, dans lequel 3 ministres et 3 chefs religieux sont cités, ont empêché la construction de la structure.

Au service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Le Dantec, les prestataires de soins se sont également plaints, dans les réseaux sociaux, au mois de Juillet dernier, de l’impossibilité pour eux, de disposer des examens complémentaires les plus courants et indispensables pour les soins en réanimation, par manque de réactifs ou en raison de pannes de certains appareils. Toujours, selon eux, il arrive même, que pour des examens spécialisés comme la gazométrie artérielle ou la fibroscopie, les parents du patient fassent appel au privé avec des coûts exorbitants. Et d’en appeler aux professionnels de la santé de refuser de travailler dans des conditions aussi déplorables.

Le PCA de Dalal Jamm a donc parfaitement raison de déplorer la non-fonctionnalité des structures essentielles de ce que devrait être le plateau technique d’un hôpital à vocation sous-régionale.

Vers la paralysie du système sanitaire

À mesure que la pandémie progresse, à un rythme certes moins soutenu que dans d’autres parties du monde, les personnes douées de raison se rendent bien compte, que le système sanitaire pourrait s’acheminer lentement mais sûrement vers un dépassement de son seuil de résilience. En effet, si les stratégies actuelles ne sont pas revues et corrigées, notre pays va au-devant de graves difficultés, aussi bien sur le plan sanitaire en termes de morbi-mortalité et d’invalidité que sur le plan économique avec extension de la pauvreté.

Cela pourrait entraîner l’effondrement du système de santé avec paralysie des structures ou une régression, comme c’est le cas actuellement, avec l’impossibilité pour le système de faire face à l’afflux des patients COVID, tout en menant à bien ses autres tâches. Il s’agit d’activités de prévention et de promotion de la santé mais aussi de la prise en charge correcte des autres pathologies comme les maladies non-transmissibles ou transmissibles (tuberculose, paludisme…).

Les capacités de prestations de services de santé vont être limitées du fait de ruptures de stocks ou de pénuries en ressources humaines, entraînant une baisse de la qualité et une détérioration de la continuité des services.

Même le plan d’investissement d’urgence pour un système de santé et d’action sociale résilient et durable 2020-2024, censé atténuer les inextricables problèmes causés par de considérables retards d’investissement difficiles à rattraper en un laps de temps si court, peine à se mettre en place. Quand il ne sert pas de prétexte à des effets d’annonce comme le recrutement sur la période 2020-2021 de cinq cent (500) médecins et mille (1000) agents professionnels de la santé, il donne lieu à des foires d’empoigne où certains spécialistes ou des groupes de pression ne prêchent que pour leurs propres chapelles.

Bizarre, tout de même, qu’au moment où notre système sanitaire risque d’être submergé par des cas graves, au moment où un hôpital de niveau 4 peine à assurer les examens complémentaires les plus basiques pour ses patients, certains plaident pour la construction de centres dédiés à des soins quaternaires comme la greffe de la moelle osseuse ou la procréation médicalement assistée. L’urgence serait plutôt au renforcement de nos capacités en santé communautaire pour stopper la propagation du coronavirus et en anesthésie-réanimation, quitte à faire appel à des médecins chinois ou cubains, en attendant de réorienter de fond en comble notre politique sanitaire.

Pour une nouvelle politique sanitaire

Il faut, d’ores et déjà, dans la perspective de l’après-COVID, initier des réformes audacieuses  pour renforcer les systèmes de santé et ce, d’autant plus que cette pandémie nous apprend, que nous devrons de plus en plus nous passer de l’aide au développement.

La paralysie de larges secteurs et la perte drastique de points de croissance dans la région africaine suggèrent de plus en plus fortement que la santé – un peu avant la culture – est bel et bien au début et à la fin du développement socio-économique.

Il se confirme, de plus en plus, que le plaidoyer en faveur d’un financement conséquent du système sanitaire doit aider à faire face aux menaces connues mais aussi anticiper sur les chocs éventuels, de plus en plus vraisemblables, tant le niveau actuel de la globalisation atteint a accentué les risques de pandémie.

C’est dire qu’il est temps de rompre avec le pilotage à vue observé depuis plusieurs décennies et d’adopter une approche proactive, en adaptant les besoins de santé aux contextes socio-économiques et environnemental. Une approche sanitaire large et inclusive doit, de plus en plus, évincer celle prônant une médicalisation outrancière, qui nous a valu bien des déboires dans notre lutte laborieuse contre la COVID-19.

La pandémie repose, avec acuité, la nécessité maintes fois réaffirmée par la Coalition pour la Santé et l’Action sociale (COSAS) de doter notre pays d’une politique de santé, avec une vision novatrice, sur le long terme. Il y a, en effet, une nécessité urgente de réactualiser la politique nationale de santé du Sénégal, dont la dernière version a été élaborée en 1989.

Le cadre de gouvernance doit également être rénové pour maximiser l’efficacité de notre système de santé en établissant des normes et standards à respecter et faire respecter par tous les intervenants. Il faudra garantir le suivi, l’évaluation et la mise à jour périodique de la politique de santé et des différents plans élaborés à cet effet.

La résolution de la crise sanitaire dépendra, pour une grande part de l’existence d’un système sanitaire résilient et pérenne. La pandémie de COVID-19 nous confirme le fait, que pour y arriver, les approches sectaires et corporatistes doivent céder le pas à de larges concertations inclusives entre les diverses parties prenantes (prestataires, syndicalistes, usagers ou consommateurs, décideurs, organisations communautaires de base ou de la société civile, leaders communautaires ou autres personnes-ressources…).

 







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