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Baobab, L’arbre Mystique, Parrain De L’édition 2020

Le gouvernement du Sénégal, dans sa politique de la protection de la nature, a institué une Journée nationale d’arbre depuis 1983. La 37ème édition a été fêtée le 9 août 2020 avec comme arbre parrain le baobab.

Historique

Le Baobab aurait comme origine l’Egypte pharaonique, d’où il a été mentionné dans les textes de l’antiquité.

Il serait introduit au Sénégal, à partir du Foula Toro, pendant la première vague d’émigration des populations de la dynastie Dia-Ogo, à travers le Sinaï vers le sud. Et selon la légende, cette dynastie serait originaire de Cham dans la presqu’île arabe, notamment de la Syrie.

C’est grâce à Michel Adanson (1727-1806), le premier naturaliste français qui a exploré le Sénégal entre le 20 décembre 1748 et le 18 février 1754,que le baobab fut connu par les Européens.

Au cours de cette mission, il a été impressionné par la morphologie de cet arbre et il en a prélevé des échantillons, herbiers, qu’il présentera au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, créé au XVIIème siècle, pour qu’ils soient identifiés et classés dans l’une des familles botaniques.

Compte tenu de l’importance scientifique de cette mission, Michel Adanson était honoré par Bernard Jussieu en donnant son nom à la fois comme nom scientifique de l’arbre : Adansonia Digitata’’ qui fut classé dans la famille botanique des bombacacée, la tortue aquatique qui vivait au Nord du Sénégal, Pelusios adansonii et la sous-espèce d’abeilles africaines Apis mellifera adansonii et plus tard la revue botanique du Museum porte son nom d’Adansonia.

Cette mission fut sanctionnée par la publication d’un compte rendu de voyage en 1757 sous le titre : «Histoire naturelle du Sénégal» et en 1761, il publia un mémoire illustré d’un baobab qu’il décrit comme suit  : «Un arbre dont la grosseur prodigieuse attira mon attention. C’était un calebassier, autrement appelé pain-de-singe que les wolofs nomment goui dans leur langue.»

Son aire géographique

Le baobab est présent en Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Transval, on le trouve aussi à l’île de Madagascar sous forme de bouteille et dans les forêts ombrophiles d’Afrique centrale.

Place de baobab au Sénégal

Bien qu’il ne soit originaire du Sénégal, le baobab a été choisi comme symbole emblématique de la jeune République du Sénégal en 1960. Ce choix serait édicté par le souci du Président Senghor de montrer la grandeur de la Nation sénégalaise naissante, son hospitalité et sa générosité légendaire exprimées sous le vocable Terranga.

Le baobab est un indicateur des anciens emplacements des villages comme il est un marqueur de la mythologie sénégambienne.

Il servait, dans les pays sérères, de cimentière pour l’enterrement des griots, le refuge des guerriers-combattants, le réservoir d’eau, l’assemblée communautaire pour les cérémonies de divination, de circoncision, d’intronisation des rois, de déclaration de guerre, comme ce fut le cas à Kahone, capitale du Sine Saloum, entre les XVème et XVIème siècles, avec le célébré Guy-Gu-Rëy-Gui «le grand Baobab» ou Guy Njulli, «Baobab des circoncis». On peut citer dans le même sens le baobab sacré de Fadial.

Ses vertus

Cet arbre mythique, mystique et majestueux est plein de vertus nutritionnelles de par son fruit, ses feuillages comestibles verts en sauce ou asséchés et moulus (Lâlo Guy en opposition de lâlo Mbep : Sterculia setigera) utilisé dans la préparation du couscous à base de mil. Il est aussi parmi les plantes médicinales réputées et artisanales de par la confection de cordes, de sacs, de paniers à partir de son tronc fibreux dont les cernes se renouvellent chaque année ; ce qui lui donne une grande circonférence. C’est pourquoi, on peut l’utiliser, approximativement, pour la datation d’endrochronologie, car sa longévité peut atteindre 2000 ans.

En vertu de sa taille gigantesque et de son tronc mou, il sert d’adages wolofs comme Ragal du diam Guy, «le peureux ne peut atteindre, terrasser un baobab» pour dire qu’il ne faut pas être effrayé de la taille de l’adversaire, et : Lou gouye réy réy giuwa di ndeyam – «Si grand que soit le baobab, une simple graine est sa mère».

Les descendants de Mame Déthié Thiam, fondateur du village de Keur Déthié, appelé aujourd’hui Daarou Mbayène, sis dans la commune de Segré Ségo, région de Kaffrine, réputés être irrités devant l’injustice ont le Guy comme emblème ancestral qu’ils préservent jalousement. C’est pourquoi, lors de leur tour de famille, les graines sont servies alors que personne ne prend la parole sans avoir log «mis dans la bouche» une graine de Bouye pour la sucer.

Le programme Sénégal vert

L’ambitieux programme du président de la République, Monsieur Macky Sall, pour faire du Sénégal un pays vert, est salutaire, louable et requiert une importance capitale.

Cependant, il faut signaler qu’il est beau de planter des arbres, mais il est plus important de préserver ce qui existe déjà depuis des millénaires et mieux d’entretenir ce qui a été déjà planté depuis belle lurette.

L’idée audacieuse d’assujettir la délivrance des autorisations de construire à l’engagement indéfectible du demandeur à planter au moins un arbre devant sa maison est encore un manifeste de foi pour rendre le Sénégal verdâtre mais il serait aussi pertinent que l’autorisation de lotir et d’abattre un arbre soit aussi assujettie.

Compte tenu de la croissance démographique galopante, le Sénégal aujourd’hui avec plus de 16 millions d’habitants, et l’urbanisation rapide due à l’attraction des villes, la volonté des autorités sénégalaises d’offrir à chaque citoyen un toit ne manque pas d’effets négatifs sur l’écosystème.

La question qu’on se pose est comment faire du Sénégal un pays émergent, minier, pétrolier et industrialisé, agricole et pastoral aussi bien moderne que divers avec la préservation de un écosystème aussi fragile que le nôtre.

Pour atteindre cet objectif d’émergence visé, il faut changer le paradigme pour que l’abattage des arbres tant dans les villes que dans le monde rural ne se fasse plus délibérément, mais qu’il obéisse désormais à une réglementation stricte, appliquée dans sa rigueur.

La dégradation progressive du couvert végétal du Sénégal par divers facteurs dont les feux de brousse, culture sur brûlis, émondage d’arbres pour nourrir les bétails, le pastoralisme nomadisme, ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été décrite par Michel Adanson en 1749 en soulignant la densité de la forêt dans la moyenne vallée du Fleuve peuplée alors peuplée d’éléphants et d’autres animaux féroces.

Il dit dans son rapport : «Je crus ne pouvoir rien faire de plus avantageux pour moi et pour les Français qui viendraient par la suite se promener dans ce dangereux endroit, que d’y mettre le feu’’ et ‘’ … avec une grande satisfaction à la lueur du feu que j’avais allumé ; et j’appris huit jours après qu’il brule encore et qu’il avait découvert plusieurs lieues de pays.»

Le grand géographe, Trochain avait déploré en 1940 la déforestation accentuée au Sénégal comme il avait exprimé son amertume sur le phénomène d’émondage des arbres pour faire paitre les animaux.

Il faut signaler qu’avant la loi n°64-46 du 17 juin 1964 instituant le domaine national, le droit foncier s’acquérait par la hache ou le feu pratiqué par les Lamanes1«maîtres de la terre» en sérère.

L’enjeu de la terre au Sénégal

La terre devint l’objet de convoitises, du clientélisme politico-religieux et sources de conflits entre les élus locaux non préparés pour exercer les pouvoirs qui leur sont dévolus et peu formés à la gestion du foncier.

Il vient s’ajouter à tout cela la volonté de l’Etat de moderniser le secteur agricole et pastoral ; ce qui crée des heurts entre le pouvoir traditionnel qui se considère toujours comme le propriétaire absolu des terres et les collectivités locales ou les autorités étatiques.

Il gravite autour de la terre quatre acteurs d’intérêts différents :

Premièrement : L’Etat :

Vu la crise de logement au Sénégal et le volume d’exportation des denrées alimentaires, l’Etat veut offrir à chaque citoyen un toit et impulser une agriculture et un élevage modernes pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et développer l’exportation de certains produits horticoles.

Deuxièmement : Pouvoirs locaux :

La loi 1996 a confié, dans le cadre de la décentralisation, la gestion de la terre aux collectivités locales mais il est constaté que celles-ci exploitent la terre soit pour augmenter les recettes générées par le morcellement de plusieurs hectares, soit pour attirer l’investissement privé. Il ressort du constat que malgré la sensibilité du foncier, on trouve que, dans la plupart de cas, la gestion domaniale est confiée à des personnes non formées en la matière et ne maitrisant pas les textes réglementaires et les lois qui régissent ce domaine.

Troisièmement : investissements privés

Les investisseurs privés sont répartis en trois catégories : le premier s’active dans agrobusiness, le second, appelé le promoteur immobilier, s’intéresse à la vente des terrains, soit aux coopératives d’habitat, soit aux particuliers, le troisième est l’investisseur dans le domaine du minier.

Ces trois acteurs cherchent le bénéfice en faisant fi, généralement, du code de l’environnement et souvent avec la complicité des autorités.

Quatrièmement : Les populations autochtones

Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et du Centre, les populations rentrent en conflit et en rébellion contre les trois autres acteurs pour préserver leur patrimoine foncier et le terroir de leurs ancêtres, parfois au détriment de leur intérêt.

Conséquences

Compte tenu de la diversité des activités et de la divergence d’intérêts entre ces quatre acteurs, la terre est devenue une bombe à retardement, du fait qu’elle est aujourd’hui l’objet de convoitises, de contestations et de confrontations.

Place de l’arbre dans la société

L’arbre fait partie intégrante du patrimoine national, c’est pourquoi sa préservation incombe à chacun des citoyens.

C’est pourquoi, les essences forestières à planter dans les cours des édifices publics, dans nos places publiques, nos espaces verts, nos avenues et nos artères doivent être sélectionnées de nos forêts pour que le citoyen vive en parfaite harmonie avec son milieu naturel.

L’arbre faisant partie de l’environnement touristique naturel, il faut protéger et valoriser les sites peuplés par des baobabs ou d’autres espèces comme le Venne (pterocarpus erinanceus), les Khayes, les ‘’soto’’ figuiers, le fromager, etc.

Il a été conseillé aux autorités coloniales, en 1937, la plantation du khays ‘’khaya senegalensis’’ aux bords des avenues pour atténuer le bruit des moteurs et sur les routes comme une haie vive contre les feux de brousse. On trouve aujourd’hui quelques résidus de ce programme à Thiès, Khombole, Tivaouane, Kavil et ailleurs.

L’absence de ce choix intrigue plusieurs paysagistes, urbanistes, environnementalistes comme l’a bien exprimé Assane Guèye : «On assiste depuis peu à une toute petite végétalisation urbaine, pourquoi utiliser des cocotiers, palmiers ou autres arbustes qui n’ont absolument rien à voir avec les origines du Sénégal, ils ont peu d’intérêt, pour le sol,… Planter des baobabs ou des kaïlcedrats au milieu des ronds-points serait magnifique pour plusieurs générations2.»

Il faut signaler que l’enlèvement des plantes pour la pharmacopée doit être contrôlé et règlementé car on trouve, à Dakar, dans une cantine de deux mètres carrés, tant d’espèces végétales qu’on ne trouve pas sur 10 voire 20 hectares dans nos savanes actuelles. Il arrive que les villageois viennent acheter une plante réputée pour sa vertu médicinale en ville alors qu’il y a moins de 30 ans, cette plante peuplait leurs localités, c’est le cas du laydour (Cassia italica), kèl (Grewiabicolor), des plantes à fruit comestible comme le alom (Diospyrosmes­pillifor­mis), keung (securinegavirosa), Neo (Parinarimacrophylla), netté (Parkiabiglobosa), etc.

La vente des ‘’cure-dents’’ dans les villes par les jeunes halpulars ou les femmes sérères, pour blanchir les dents, qui fait partie de la beauté des sahéliens est également recommandée par l’Islam, a causé des dégâts aux arbustes.

En conclusion

Il ressort de ce bref exposé que l’Etat est appelé plus que jamais à évaluer judicieusement sa politique environnementale et à replacer l’arbre dans son contexte historique et patrimonial au lieu de le considérer comme un simple élément de fourrage, d’ornementation, d’ombrage, de combustible…

La plupart des espèces végétales introduites au Sénégal depuis l’indépendance jusqu’à nos jours ne font qu’appauvrir la fertilité de nos sols, comme le neeme.

Il est constaté que chaque pouvoir soucieux de la protection de la nature est le plus béni, plus riche et plus instable socialement.

La plantation d’arbres, notamment fruitiers, est l’une des actions dont l’auteur continue de tirer intérêt même dans sa tombe ; une des dernières recommandations du Prophète Mouhamed (Psl) à faire le jour du dernier rassemblement devant Allah.

Que Dieu nous garde de l’aveuglement de vivre toute une vie sans planter un arbre, à la base de l’aliment qui nourrit depuis toujours le fils de l’homme et toutes les créatures.

Dr El Hadji Ibrahima THIAM

Anthracologue – environnementaliste

De L’Imep de la Faculté des Science

Et Technique Saint-Jérôme – Marseille.

thiamsane@yahoo.fr

/www.au-senegal.com/les-figuiers-du-senegal-un-tresor-agroforestier-meconnu,15637.html

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