Malgré les cris d’orfraie et les nombreux cassandres qui avaient disserté doctement sur l’impossibilité de poursuivre l’année scolaire 2020, la première étape, oh combien symbolique des examens scolaires officiels, l’épreuve anticipée de philosophie, s’est déroulée sans anicroches et ceci, au grand soulagement des autorités scolaires, des élèves et de leurs parents.
D’abord, certains avaient prédit que le retour à l’école constituerait un danger pour les élèves et les populations, comme si les enseignants étaient une horde bardée de Covid 19 et devant faire cours dans des classes crépies au virus. Malgré les stigmatisations, les enseignements se déroulent normalement. On avait aussi évoqué l’hivernage et ses aléas comme si les élèves étaient différents de ceux qui jouent aux « navétane » sous la pluie, ou qui accompagnent leurs parents aux champs en passant la journée sous les intempéries ou suivent des cours de vacances chaque hivernage.
Enfin, d’aucuns avaient expliqué « scientifiquement » qu’on ne pourrait jamais rattraper le gap des programmes et que tout diplôme obtenu cette année serait sans valeur. Le présent article, loin de verser dans une vaine polémique est plutôt destiné à rassurer les élèves et leurs parents, en mettant l’accent sur la méthodologie utilisée pour valider l’année dans la plus grande transparence.
Le Sénégal aurait pu choisir la voix simpliste et catastrophique de l’année blanche. Cependant, une étude des programmes dispensés jusqu’à la fin du mois de mars a démontré que les compositions et les conseils de classes ont été bouclés et au moment de la fermeture des écoles, on en était à la dernière semaine avant les congés de la quinzaine de la jeunesse. Le deuxième semestre, qui ne l’est que de nom, devait s’étendre sur les mois d’avril et de mai.
Le mois de juin est généralement consacré, dans les classes d’examen, aux révisions, compositions et conseil de classes et le mois de juillet aux examens. Le Sénégal a donc opté pour une reprise des cours et un examen final. La France, elle a choisi de se contenter des notes de contrôle continu du 1° semestre et de l’examen du livret scolaire, ce qui a donné un taux de réussite ‘’ stalinien’’ de 97%. Ici, il a fallu procéder à un réaménagement des programmes pour les adapter à cette nouvelle donne. Le point de la progression des enseignements apprentissages a été fait avec précision dans chaque discipline et dans chaque inspection d’académie.
A l’issue de cet exercice, l’Inspection générale de l’Education et de la Formation a réuni les différentes commissions nationales pour procéder à un examen au cas par cas pour chaque discipline. Il convient de préciser que chaque programme à enseigner est élaboré par une commission nationale présidée par un inspecteur général de l’Education et de la Formation, professeur d’université ayant une ancienneté de dix ans dans l’enseignement supérieur et une expérience d’au moins cinq ans dans l’enseignement moyen secondaire ou l’enseignement élémentaire. Ces commissions regroupent tous les inspecteurs généraux de la discipline, des professeurs d’université, des inspecteurs de l’enseignement moyen secondaires, des didacticiens, des formateurs de la FASTEF et des Centres régionaux de formation des personnels de l’éducation ainsi que des professeurs officiant dans les lycées et collèges, donc en contact direct et quotidien avec les réalités de la classe et le niveau des élèves. Ces commissions qui ont défini et élaboré les programmes officiels sont revenues pour voir comment réaménager les programmes en fonction des objectifs fixés, des compétences exigibles, des critères d’évaluation et du temps disponible. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que les programmes ont été réaménagés et que les examens ont pu se dérouler sans anicroche.
Les bacheliers issus de ces promotions n’en ont jamais souffert. Soit dit en passant, les taux de réussite des bacheliers sénégalais à l’extérieur varient entre 85 et 90 % et ce n’est pas pour rien que chaque année les plus prestigieux lycées français viennent procéder à des tests de recrutements de bacheliers sénégalais pour leurs classes préparatoires. Il est de même du Collège du Monde uni qui recrute nos élèves après le BFEM. Ce sont ces mêmes inspecteurs généraux de l’éducation et de la formation qui seront chargés du choix des épreuves finales aux examens, épreuves proposées par les professeurs tenant les classes d’examen et triées par des commissions spécialisées. Avec autant de précautions, je crois que l’avis des profanes ne saurait primer sur celui de tous ces spécialistes choisis ès qualité.
Concernant l’examen et la correction des épreuves, toutes les copies sont corrigées sous anonymat et seul le président de jury en détient la clé. Lors de la délibération, chaque correcteur reprend ses copies et l’anonymat est de rigueur toujours. Ce n’est qu’à l’issue de la délibération, après avoir procédé à tous les calculs, vérifications, repêchage et décerné les mentions, que le président du jury lève l’anonymat, en présence de tous les examinateurs qui vont signer le procès-verbal de délibération, dresser la liste définitive des admis au premier et deuxième groupe, plus la celle des ajournés. Le président de jury proclamera solennellement les résultats en faisant l’appel et en affichant publiquement les résultats.
Le ministère et le gouvernement seront donc les derniers informés. Cette précision, c’est pour montrer aux candidats et à leurs familles que, contrairement à des rumeurs perfides distillées, il n’y a aucun quota préétabli par les autorités. D’ailleurs, l’enseignement est un secteur avec des syndicats très puissants, gardiens jaloux de l’éthique et de la déontologie ; ils n’accepteront jamais une immixtion dans le processus d’évaluation des examens scolaires. Les parents et les élèves peuvent être rassurés quant à la qualité et au niveau des examens de la session 2020.
Les enseignants sont des parents d’élèves comme les autres sénégalais, avec les mêmes angoisses pour la réussite de leurs progénitures, les mêmes investissements et les mêmes attentes positives. Il n’y a pas des examens pour les fils d’enseignants, les filles de ministres ou les petits fils de marabouts : les épreuves sont nationales et les programmes égaux pour tous. Heureusement qu’en plus des mesures prises sur les programmes scolaires, il existe des ressources numériques basées sur les programmes officiels, accessibles en version papier, par smartphone, internet et par le canal de la télévision. Les enseignants aussi, en dehors des classes sont toujours à l’écoute des élèves pour tout appui pédagogique. C’est donc l’occasion de rendre un hommage mérité aux enseignants pour leur abnégation et leur engagement.
Au moment où la plupart de la population, dans un instinct de survie face au coronavirus se barricadaient, eux ont bravé la chaleur, l’état défectueux des routes et les conditions de transport dantesque pour rejoindre leurs postes, avec armes et bagages, souvent accompagnés de leurs familles exposées à tous les risques .Malgré la stigmatisation, ils sont restés en poste et continuent leurs enseignements. Ils poursuivent l’épopée glorieuse de leurs devanciers qui, au moment où le Sénégal n’avait ni routes carrossables, ni téléphone ou éclairage, sont allés porter la science et le savoir dans des hameaux inconnus des cartes d’état-major. Combien de jeunes, à peine sortis de l’adolescence ont été affectés dans des villages dont ils ignoraient la culture, la langue et les pratiques culinaires. Combien sont morts d’inanition parce que leurs réserves de biscuits étaient épuisées alors que le village le plus proche pour avoir de la nourriture était à une ou deux journées de marche, à travers les broussailles ou à gué ou à la nage ?
Malgré tout, ils ont accompli leur devoir et beaucoup de cadres actuels ou parmi ceux qui vitupèrent notre système éducatif ont dû leur réussite d’aujourd’hui à ces enseignants qui avaient accepté de renoncer à leur confort familial pour aller vivre dans les des milieux ‘’étrangers’’, parfois rétifs à l’école de la République. Jusqu’à présent, malgré toutes les difficultés de la vie, ils sont fidèles à leur engagement et à leur poste d’affectation.
Gloire aux enseignants de tous ordres ! Vos pères et grands parents avaient relevé le défi du départ de l’assistance technique française au début des indépendances ; malgré toutes les difficultés de l’heure, vous maintenez, levé, le flambeau du Savoir. En dépit des chants des sirènes, vous mènerez à bon port cette session 2020 pour le plus grand bien de nos élèves, de leurs parents, de notre système éducatif et pour le progrès de notre cher Sénégal.
Ndiogou FAYE
Doyen Honoraire de l’Inspection générale de l’Education et de la Formation