« La différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération » (James Freeman Clarke.
Chérir le pouvoir est l’apanage d’un chef d’Etat, courtiser l’histoire celui d’un homme d’Etat. Le même prince peut faire les deux sans être l’arbitre d’un duel intérieur que peut induire ces deux comportements, rarement compatibles quand celui qui gouverne n’a pas un caractère trempé.
L’exercice du pouvoir impose son rythme avec les coteries, les urgences des préoccupations citoyennes. Il expose notre moi profond, met à nu nos désirs et nos décisions dans le choix des collaborateurs, explique la face cachée des projets de société et surtout leur mise en œuvre.
L’histoire peut être considérée comme la fin d’un parcours soumis au jugement des hommes toujours en quête d’éternité Un parcours que maints dirigeants espèrent terminer dans quelque panthéon. Ce haut lieu accueille également d’autres personnalités qui se sont illustrées, en dehors de l’espace politique, par la Science, les Lettres, l’Art, l’Humanisme, etc.
Pour celui qui gouverne, l’entrée au panthéon, exige qu’il sache quitter son magistère et ses privilèges à temps et volontairement, en déjouer les pièges, résister à la complaisance, maitriser ses penchants, dominer ses sentiments, s’imposer l’impartialité, obéir à la justice, dompter ses préférences. Il doit aussi savoir maîtriser ses pulsions et empêcher que ne prospèrent les intérêts personnels de son entourage. Ce sont là les aspects-clés du leadership. Auxquels s’ajoutent des vertus morales spartiates qui distinguent l’homme d’Etat du chef d’Etat. De telles empreintes indélébiles ouvrent les portes de l’histoire.
Selon le théologien et écrivain américain du 19è siècle, James Freeman Clarke : « La différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération ».
Miroir aux alouettes
L’intégrité morale de l’homme qui exerce la plus haute charge de l’Etat est mise à l’épreuve à chaque instant, face aux tentations, aux miroirs aux alouettes brandis par des experts en génuflexion, dont on attend des conseils avisés et qui, loin de vos attentes, vous cernent pour vous rendre inaccessible. Ils vous serinent que votre destin est unique, s’improvisent en protecteurs de votre prétendue vulnérabilité face à de simples adversaires politiques évidemment décrits comme d’irréductibles ennemis tapis dans l’ombre.
Les mêmes conseillers vous contournent et vous détournent des valeurs essentielles qui ouvrent les portes de l’histoire, vous font trahir votre serment et piétiner les simples principes d’une gouvernance vertueuse. Insensiblement, l’arrogance devient votre marque.
L’homme d’État refuse le favoritisme, fait le tri entre ses affaires personnelles et celles du pouvoir, ses émotions et les raisons d’Etat. Il sait résister aux pièges des biens matériels, sait dire non à la vanité de l’homme providentiel. Il a pour devoir de ne pas succomber au vertige du pouvoir qui guette quiconque tient dans ses mains cette puissance dont le non initié ne soupçonne pas l’étendue.
Y-a-t-il un vaccin contre cette maladie aigüe du pouvoir, la « pouvoirite », néologisme osé ? Non, mais il existe un antidote : fidélité au serment, obéissance stricte aux lois et règlements qui doivent s’appliquer à tous avec la même impartialité. Le détenteur du pouvoir doit être sans complaisance, rigoureux dans son exercice, inflexible sur les qualités morales et techniques de ses collaborateurs au-dessus de tout soupçon, garde-fous pendant les moments de défaillance humaine.
Autrement, la perception du citoyen des collaborateurs du dirigeant au pouvoir ne peut qu’être négative, chargés qu’ils seront de tous les maux d’Israël à l’inverse du chef qui doit être un parangon de vertu. En fait, le choix de collaborateurs incapables et incompétents révèle l’incapacité de son auteur à se hisser au niveau de ses hautes fonctions.
Symphonie harmonieuse
Tel un chef d’orchestre, l’homme d’Etat doit réussir une symphonie harmonieuse en détectant les meilleurs instrumentistes et en installant chacun à la place qu’il faut pour éviter les fausses notes.
L’enjeu est de rassembler dans la même équipe des acteurs d’horizons divers, de formation différente et d’intérêts parfois divergents, et de faire de leur enrichissante diversité un atout au profit de l’intérêt général, le seul qui vaille lorsque l’on a en charge la conduite de tout un peuple.
Les collaborateurs et autres conseillers doivent admirer, craindre et respecter celui qui est à leur tête. S’ils décèlent ses défauts, ses faiblesses humaines, ses décisions fondées sur l’affect, ils deviennent des béni oui oui, incapables de dévier les désirs du chef en allant, au contraire, jusqu’à les anticiper.
Les causes de telles dérives morales sont simples. L’entourage est coopté en fonction d’affinités amicales, familiales, sociales et ethniques ou de penchants étrangers à l’efficacité.
L’exercice du pouvoir s’apparente, très souvent, à une lutte contre soi-même à travers un compagnon encombrant appelé l’Ego. Il gonfle de manière soudaine lorsque vous ne vous rappelez pas souvent vous-même à l’ordre. Il tend à la démesure dès que vous cessez d’être humble et que la volupté de vos fonctions vous enivre.
Impartiale, l’histoire ouvre ses portes à tout prince qui accède au pouvoir. Il les franchit ou butte devant elles en fonction de sa vision et de sa gouvernance. C’est à l’aune de cet exercice que le peuple juge. Il est aussi le marqueur des empreintes à léguer à la postérité.