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Le Vacarme De La Déraison au-delà De L’orgueil : Teliko -juge Et Partisan

Le débat en cours, au sujet d’une allégation de conspiration des plus hautes autorités de la Justice contre le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), ne devrait laisser aucun citoyen indifférent objectivement au regard de la gravité des faits et des développements dont le principal concerné s’est rendu responsable en cherchant à mettre entre les mains du Garde des sceaux, l’arme avec laquelle il s’est tiré une balle dans les pieds.

Notre pays n’est pas un bazar du dimanche, il a pour socle un radier structurel sur lequel sont tressées en profondeur de solides Institutions, que chaque citoyen doit protéger, la Justice est sacrée. Elle est aux Institutions et à l’Etat ce que le cœur est au corps humain car quand elle s’arrête, tout s’estompe.

Le Manuel de déontologie des magistrats du Sénégal traite de l’indépendance de la Justice, mais également de toutes les questions essentielles touchant aux vertus liées à la fonction de magistrat, comme entre autres, l’intégrité, la loyauté, la dignité et l’honneur, la délicatesse, la réserve et la discrétion. La Loi organique numéro 2017-10 du 17 janvier 2017, portant statut des magistrats, notamment en ses articles 9,11,14,18, prescrit la réserve et la discrétion consistant pour le magistrat à adopter une retenue en toutes circonstances, de manière à préserver l’image de l’Institution judiciaire.

En effet, l’article 9 stipule qu’avant son installation dans ses premières fonctions, le magistrat prête serment en audience solennelle devant la Cour d’appel à laquelle il est affecté, en ces termes : «Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions de magistrat, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et des lois de la République, de garder scrupuleusement le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence des juridictions et d’observer, en tout, la réserve, l’honneur et la dignité que ces fonctions imposent.»

L’article 14 vient épurer le débat en disposant que  «les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique et toute manifestation politique leur est interdite. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de même que toute démonstration politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions, leur sont également interdites. Ils sont inéligibles aux assemblées politiques. Ils ne peuvent ni se constituer en syndicat ni exercer le droit de grève. Il leur est également interdit d’entreprendre une action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer».

J’ai lu les désopilantes contributions de quelques plumitifs mal inspirés dont la seule ligne de défense porte sur des accusations biscornues à l’encontre du Garde des sceaux ad personam. En embuscade, quelques plumes opportunistes, affûtées et trempées dans l’encre avant l’heure, pour des motivations diverses, attendent le moindre frémissement sur les flancs des Institutions, pour faire feu de tout bois et ainsi chercher à entretenir une «Affaire Teliko».

L’affaire Teliko, si tant est qu’elle en soit, est en effet un incendie allumé par un magistrat bavard et prétentieux à mon avis, dont la langue a fourché et qui, rattrapé par le vacarme causé par ses écarts, cherche vaille que vaille à ameuter toute sa corporation pour une faute professionnelle qu’il aurait pu assumer en toute responsabilité devant ses pairs. Il n’est ni le premier et ne sera pas le dernier à répondre devant cette instance de discipline instituée par le législateur pour connaître de ce genre de contentieux. Le magistrat qu’il est, de surcroît président de l’Ums, ne peut se soustraire aucunement aux obligations liées à l’exercice de cette haute et respectable fonction.

La Société civile, si prompte à épingler le pouvoir et à le vouer aux gémonies pour des peccadilles, est tombée dans le piège pieds joints, sans jamais se donner le temps d’analyser objectivement les situations à la lumière du droit, de la loi et de la jurisprudence. Elle est souvent adepte d’un réflexe connu : on condamne d’abord, on se renseigne après. L’enseignement, dès la première année de droit, du principe que «Nul n’est censé ignorer la Loi» traduit l’importance de la maîtrise des textes qui régissent la profession que les magistrats se sont choisie librement. En effet, la fonction de magistrat est une fonction d’une dignité et d’une vertu indiscutables.

C’est pourquoi, le devoir de réserve est primordial pour la noblesse de cette fonction. Le vedettariat, les feux de la rampe et les paillettes médiatiques, propres au Jury du festival de Cannes, aveuglent bien souvent certains dans l’exercice de leur mission.

Dans le cas qui nous concerne, les faits sont têtus et irréfutables, un juge, fut-il président d’une association de juges qui ne fait pas partie de l’ordonnancement institutionnel de la Justice, qui s’épanche sur des sujets qui relèvent de l’autorité de la chose jugée, s’expose à des sanctions prévues par les lois et règlements. Est-il nécessaire de rappeler que l’article 90 alinéa 2 de notre Charte fondamentale dispose que «les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de Loi».

Monsieur Teliko s’est volontairement éloigné de la sphère judiciaire et de ses obligations pour déblatérer sur des décisions de justice rendues par ses collègues. Là on peut s’arrêter pour dire aux avocats qui se sont commis d’office pour défendre l’intéressé, pour leur demander que serait-il advenu de notre Justice, si chaque magistrat pouvait se prononcer et juger de la pertinence et de la validité des décisions rendues dans les conditions régulières par les cours et tribunaux.

En effet, la verbosité de Monsieur Teliko concerne plus la magistrature en tant qu’Institution que la personne du Garde des sceaux, car comme le dit à juste titre Paul Valéry : «Qui ne peut attaquer le raisonnement, attaque le raisonneur.» C’est pourquoi, loin du nihilisme de saison, il faut avoir le courage citoyen de saluer objectivement la pertinence de la posture républicaine du Garde des sceaux.

Il n’est pas nécessaire de rajouter au juridisme ambiant et de compiler toute la panoplie de textes et règlements qui démontrent à suffisance la gravité des faits. La chancellerie est un secteur de souveraineté aux dossiers sensibles. En effet, le silence est la condition souveraine du savoir et c’est pourquoi, l’Abbé Dinouart avertit que «l’homme ne se possède jamais mieux que dans le silence» : le silence de la vérité, de la Justice, de la raison, de la sagesse, de la sérénité et de la solennité.

C’est pourquoi, je révère la mémoire des grands magistrats taiseux qui, la réserve et la retenue en bandoulière, ont servi avec abnégation, engagement la République et salue le professionnalisme et l’indépendance de ceux qui, aujourd’hui, continuent, dans la rigueur et la discrétion, à poursuivre cette œuvre inlassable de grandeur et de sacrifice. Il est des moments dans la vie d’une Nation où chaque acteur public et privé doit mesurer la hauteur de ses responsabilités relativement à ses devoirs et ses obligations vis-à-vis de son pays. Le respect des Institutions est un principe sacré auquel il ne faut déroger en aucune circonstance. Il en est de même pour la Charte fondamentale, dont le Général De gaulle disait : «Si l’on est contraint de toucher à la Constitution, il faut le faire avec une main tremblante.»

On est en droit de nous inquiéter au regard des dérives instinctives éculées que nous constatons, pour inviter les acteurs à prendre plus de hauteur quand on aborde des questions de principe qui sont si vitales pour la bonne marche d’un Etat de droit, moderne et respectueux des dispositions législatives et réglementaires.

Il est à souligner que la question du droit de réserve des fonctionnaires n’est pas une équation propre à la Chancellerie.

La plaie est assez profonde, en effet, on a assisté récemment à des déclarations à l’emporte-pièce sur le mandat présidentiel et d’autres plus graves portant sur notre politique étrangère du Sénégal, domaine réservé, du chef de l’Etat, par de très hauts fonctionnaires qui ont été sanctionnés immédiatement par l’Autorité. Je n’en citerai aucun par décence, ce n’est pas très utile.

Ce qui est constructif pour la Justice de notre pays, c’est une «décrispation» de la situation par un retour, de la part de certains magistrats, à plus de sérénité et de responsabilité pour ne pas mettre en danger leur vertu, leur respectabilité et leur crédibilité. A travers cette attitude républicaine, ils donneront un signal fort à leurs concitoyens, pour leur sens élevé du devoir et leur humilité face aux intérêts supérieurs de notre pays. Nous devons sur les chemins escarpés qui mènent à l’émergence, pas uniquement par le bourgeonnement des infrastructures, mais aussi par la verticalité des esprits, faire preuve de solidarité, de persévérance et de sérénité. Nous devons arrêter les pyromanes déprimés et les médiocres.

Monsieur Teliko devrait se délester de tout orgueil, se retirer seul avec sa conscience, gagner en courage et en humilité afin de répondre sans craintes ni préjugés aux instances judiciaires qui l’ont convoqué. Le fait de solliciter des soutiens tous azimuts auprès des acteurs de la vie politique et de la société civile ne lui évitera pas de passer devant le Conseil de discipline animé exclusivement par ses pairs et au nom de qui il prétend incarner l’idée qu’il se fait de la «Justice-spectacle». Il devrait par conséquent être en confiance et combattre cette phobie qui le gagne jour après jour. Quand arrive le temps des épreuves, il faut faire face avec Foi, Grandeur et Courage.

A l’adresse de ces magistrats, le Premier président de la Cour suprême vient, par son communiqué, de «rappeler, fort opportunément, que le ministre de la Justice ne dispose, en cette matière, d’aucun pouvoir disciplinaire», sifflant ainsi la fin de la récréation.

A bon entendeur……

Saër Ousmane FALL

Consultant

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