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Les Usa De Donald Trump, La DÉmocratie En Danger

Le système politique engendré par la Constitution des Etats-Unis de 1887 repose sur quelques fondements dont un présidentialisme tempéré par l’indépendance de la justice, la reconnaissance des libertés, notamment des minorités et des émigrés et une presse indépendante et pluraliste.

Or ce qu’on pourrait appeler le Trumpisme est précisément une remise en cause au plan idéologique et au plan pratique de ces fondements à travers des actes qu’on croyait jusque-là l’apanage des « démocraties » immatures du Tiers Monde.

Concernant l’indépendance de la justice, Il y a de nombreux cas où le président est intervenu directement pour la contrarier. Il n’a pas hésité par exemple à s’en prendre directement au système judiciaire quand son ami et employé Roger Stone a été condamné à 40 mois de prison pour faux témoignage et obstruction de la justice en relation avec l’affaire de collusion entre la campagne du candidat Trump et la Russie .

Qualifiant la décision de justice « d’horrible et de très injuste », le président des Etats-Unis ajoutait « les véritables crimes sont de l’autre côté et comme rien n’est fait contre ceux-là, je ne peux pas permettre ce déni de justice… ». Et de gracier purement et simplement son ami.

Auparavant le ministère de la Justice s’était dessaisi du dossier d’accusation contre un conseiller du président (Michael T. Flynn) qui avait pourtant reconnu avoir menti au FBI, ce qui est généralement considéré comme un crime grave aux Etats-Unis.

Par ailleurs, un procureur fédéral, M.Geoffrey S.Berman qui avait initié des enquêtes contre les avocats personnels de M.Trump (M. Michael D. Cohen et Rudolph W. Giuliani) a été purement et simplement relevé de ses fonctions.

Ces interventions directes de l’Exécutif dans le fonctionnement de la justice caractéristique de démocraties du Tiers Monde, ont été vécues aux Etats-Unis particulièrement dans les milieux intellectuels et judiciaires comme des atteintes graves à l’équilibre des pouvoirs.

Le Juge Paul. L. Friedman, secrétaire général de l’American Law Institute, un institut de recherche et de plaidoyer en matière de justice, estime que Donald Trump « semble penser que les tribunaux sont des obstacles qu’il faut attaquer et renverser et non pas une branche du pouvoir politique qu’il faut respecter même quand on est en désaccord avec ses décisions ».

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Par ailleurs, le président Trump a totalement remis en cause le consensus national en vigueur depuis les mouvements pour les droits civiques des années 1960/1970, favorable à la mise en œuvre effective des revendications sociales, économiques et culturelles des Africains Américains et des autres minorités raciales et culturelles.

S’il est vrai que la situation sociale et économique des Africains Américains est le fait de plusieurs décennies de racisme systémique, le président Trump n’a pas contribué à l’améliorer spécifiquement. Si bien que les Africains Américains sont encore au bas de la société américaine sur plusieurs plans.

Omari Swinton, directeur du département d’économie à l’Université Howard indique ainsi que « les Noirs américains sont 10 fois plus pauvres que les Blancs américains, ils gagnent des revenus annuels 40 % moins élevés que les Blancs. Et ils ont 2,6 fois plus de risques de vivre sous le seuil de la pauvreté… »

En 2019, seuls 26.1% de la population africaine américaine âgée de 18 ans et plus, détient un diplôme universitaire contre 40.1% des Blancs.

Sur un autre plan, comme on le sait, la violence policière aux Etats-Unis affecte particulièrement les Noirs puisque « un homme noir court 2.5 fois plus de risque qu’un Blanc d’être tué par la police » ainsi que le souligne la revue Nature. Les meurtres récurrents ces dernières années de Noirs aux mains de la police s’inscrivent certes dans cette tendance mais la rhétorique du président Trump y a aussi contribué. Répondant à une question, en rapport avec la mort de George Floyd, il indiquait qu’en fait «plus de Blancs que de Noirs sont victimes de la police ». Il considère en outre que le mouvement de revendication noir Black Lives Matter est « un symbole de haine ».

S’il a été amené à un moment à condamner  » les nationalistes blancs, les suprématistes blancs, le Ku Klux Klan, les néonazis et les autres groupes prônant la haine », il a de suite tempéré son propos en ajoutant : »vous avez aussi des mecs plutôt méchants de l’autre côté ». Entendez du côté des manifestants contre le racisme.

Lors du premier débat de l’élection présidentielle en cours, face à son challenger Joe Biden, il s’est refusé tout net à condamner « les suprématistes blancs », pointant du doigt « la gauche » et appelant le groupe suprématiste « Proud Boys « à se tenir prêts ».

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On se croirait dans l’Afrique du Sud des années 1980 avec la montée du mouvement néo-nazi « Mouvement de Résistance Afrikaner AWB » d’Eugène Terre’ Blanche et le premier ministre Pieter Botha incapable de rompre franchement avec l’apartheid.

Pour ce qui est des émigrés, il s’en est tour à tour et régulièrement pris aux Mexicains, aux Porto Ricains, aux réfugiés syriens, aux Africains, aux femmes députés « de couleur » notamment. On se souvient qu’il a mis en place à un moment des restrictions de visas, visant spécifiquement plusieurs pays musulmans dont le Nigeria, la Tanzanie et l’Erythrée. Il a tenté de mettre fin au programme qui protège de la déportation les « Dreamers », ces émigrés arrivés aux Etats-Unis en bas âge et qui y ont grandi.  Michael Waltman, un professeur de Communication à l’Université de Caroline du Nord, estime que « sa politique (la politique du président Trump) en matière d’émigration est basée essentiellement sur la xénophobie ».

Concernant les médias et le pluralisme de l’information, le « trumpisme » s’est mis dès l’accession de M. Trump à la Maison Blanche à attaquer la « presse mainstream », en particulier le New York Times, CNN et le Washington Post, qualifiée « d’ennemis du peuple » et de propagateurs de « fake news ».

Dans le même temps, il se constitue lui-même en média alternatif, à travers son compte Twitter, devenu de fait la première agence d’information du pays tout en faisant la promotion des médias d’extrême droite (principalement Fox News) et des médias dits « alternatifs » diffusant une « information alternative » construite en fait à partir de positions idéologiques d’extrême droite et de « théories du complot ».

Le président Trump a ainsi semé la confusion dans les esprits de nombreux américains et les a dressé contre la République et la démocratie telle que compris et pratiqués jusqu’à présent.

Que se passera-t-il le 3 Novembre et les jours d’après ?

Cette question se pose en effet avec acuité puisque au bout de quatre ans de Trumpisme, les Américains sont divisés non pas simplement en Républicains et Démocrates mais en deux camps qui se voient comme diamétralement antagonistes et irréconciliables.

La question se pose d’autant plus que le président de la République a utilisé la campagne électorale pour jeter le doute sur la sincérité du scrutin et fait encore monter la tension à travers le pays. Il a ainsi lui-même dénoncé d’avance les résultats de l’élection qui seraient le fait de « fraudes massives » s’ils ne lui étaient pas favorables, appelant pratiquement à la désobéissance civile.  

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En outre, ses juristes et législateurs ont introduit une série d’amendements pour que les bulletins de vote envoyés par la poste ne soient pris en compte que s’ils arrivent aux lieux de dépouillement le 3 novembre et non plus s’ils ont été affranchis avant cette date. Ceci permettrait compte tenu de la lenteur des services postaux, d’éliminer un certain nombre de votes.

Par ailleurs, il faut se rappeler que l’administration Trump s’est bien gardée de revenir sur les dispositions anciennes qui suspendent le droit de vote des personnes qui ont été condamnées pour un quelconque forfait, même après avoir purgé leurs peines. Ceci a affecté 6 millions d’Américains en 2016 dont une proportion importante de Noirs.

Ainsi, il apparaît que la stratégie du président des Etats-Unis consiste en fait à créer une situation telle qu’il ait un contentieux électoral et que l’issue de l’élection soit décidée par la Cour Suprême. Il l’a d’ailleurs déclaré sans ambages, il y a un mois : « je pense que ça finira à la Cour Suprême », disait-il.

On comprend dès lors pourquoi le camp du président a imposé la nomination en « fast track » d’un nouveau juge conservateur à la Cour Suprême, à quelques jours seulement de l’élection présidentielle. Il s’agit de constituer un bloc de 6 juges conservateurs face à trois progressistes.

Le chaos après les élections ?

Le dernier rapport Rasmussen publié en juin dernier, indique que 34% des électeurs américains, dont 40% de démocrates, s’attendent à une guerre civile dans les cinq années.

Marie Kaplan, historienne américaine, professeur de littérature française à Yale, autrice de « Turbulences USA, 2016-2020 », s’interroge au micro de France Culture, « sur ce qui se passerait en cas de défaite du président à l’élection du 3 novembre » et évoque même le spectre d’un coup d’état.

« Devons-nous nous préparer à des protestations dont l’ampleur dépasserait tout ce que l’Amérique a connu ? Avant les coups d’Etat, c’était toujours ceux des autres ».

abathily@seneplus.com







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