Aminata Touré, ex-Première ministre encore récemment présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ; Idrissa Seck, ancien chef de gouvernement et désormais président dudit CESE ; Macky Sall lui-même… Tous ont, en leur temps, dirigé la campagne d’un candidat à la magistrature suprême et avant de se lancer dans la course – ou du moins d’y songer très fortement.
Les deux séquences sont-elles liées ? La première est-elle une étape nécessaire avant d’envisager la seconde ? Macky Sall est devenu président de la République en 2012, Idrissa Seck s’est présenté à trois reprises et « Mimi » Touré ne fait plus mystère de ses intentions. Interrogée sur la suite de sa carrière politique alors qu’un décret venait de mettre fin à son mandat, elle n’y est pas allée par quatre chemins : « l’ambition n’est pas un délit », a-t-elle martelé dans la presse sénégalaise.
Ambition. Le mot est lâché. Pour les membres de ce trio, le rêve de diriger les destinées des Sénégalais(es) a pris forme tandis qu’ils exerçaient la fonction de directeur de campagne.
Comme dit l’adage, « il n’y a pas de grand homme pour son valet ». À servir les ambitions d’un autre dans la poursuite de la fonction suprême, ils ont tous fini par se dire : « Et pourquoi pas moi ? »
Idy le marabout
Le plus ancien à avoir exercé cette fonction est Idrissa Seck, 61 ans. En 1988, il cornaque Abdoulaye Wade lors de cette année de braise où le Parti socialiste (PS), quasi parti unique, est à son apogée.
« Idy » parvient à tenir la dragée haute aux socialistes et sa diction si particulière, quasi hypnotique, lui vaut le surnom de « mara » (« marabout »). Il mouille la chemise et n’hésite pas, en plein meeting, à tenir le micro pour Abdoulaye Wade.
Il remettra ça en 2000, avec cette fois davantage de succès, et Wade deviendra l’homme de l’Alternance avec un grand « A ».
« Mimi », premières armes dans le marxisme
Mimi Touré, 58 ans aujourd’hui, a quant à elle été directrice de campagne de Landing Savané, en 1993 – elle a été la première femme à se voir confier un tel poste au Sénégal. Landing Savané s’était lui-même surnommé « le candidat sans illusions » lors de sa précédente candidature, en 1988, mais il avait su s’entourer en s’appuyant sur cette jeune femme prometteuse, qui avait fait ses premières armes politiques dans le marxisme.
Après avoir divorcé de la gauche et rallié Macky Sall, Mimi Touré sera membre de son directoire de campagne en 2012. Mise au placard après avoir été gardienne des Sceaux et Première ministre, elle reviendra sur le devant de la scène en tant que directrice du cabinet de campagne de Macky Sall, en 2019.
Le 1er novembre dernier, Macky Sall lui a finalement rendu sa liberté : elle va donc pouvoir courir après son destin politique. À ses risques et périls.
Sall, fin politicien
Last but not least, Macky Sall, 58 ans. Il fut le directeur de la campagne victorieuse d’Abdoulaye Wade en 2007. Avant la disgrâce et son éviction de la présidence de l’Assemblée nationale l’année suivante par un procédé peu élégant qui aura certainement accéléré sa détermination (précoce) à accéder à la magistrature suprême. Poste qu’il décrochera lors du scrutin suivant, en 2012, devenant ainsi l’alternance au « régime de l’Alternance » de Wade.
En 2008, il avait fini de puiser dans les carnets d’adresses du Parti démocratique sénégalais (PDS) et dans ceux de Wade, et avait tout autant assimilé les fondamentaux de l’itinéraire efficace à suivre en campagne présidentielle. Ce qui fait qu’il passe désormais pour le plus fin politicien de l’histoire contemporaine du Sénégal, même s’il n’est pas considéré comme le plus grand homme politique du pays.
Qui a ses chances ?
On peut légitimement s’interroger sur les chances de Mimi Touré d’accéder à la présidence de la République. Elle a un beau pedigree, mais une élection ne se joue pas sur un CV. La magistrature suprême se gagne sur le terrain, en allant chercher la victoire avec les dents. Avec un fief, des foules de partisans et un appareil politique entièrement dévoué.
Quant à ce qu’il reste de chances à un Idy au destin présidentiel mis entre parenthèses, à défaut d’être forclos, on dira qu’il faut « laisser le temps au temps ».
Les membres de ce trio ont presque le même âge : il n’est pas sûr que, dans une même génération, il y ait de la place pour deux présidents successifs. Encore moins pour trois.