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La Succession Des Victimes à L’émigration «clandestine» : Que Dit La Loi ?

La Succession Des Victimes à L’émigration «clandestine» : Que Dit La Loi ?

Au-delà de l’aspect social, économique et politique, un coin de l’approche juridique de cette situation préoccupante de l’émigration clandestine mérite d’être rappelé pour le respect des âmes des personnes dont les corps n’ont pas été jusque-là retrouvés ou identifiés pour pouvoir déclarer leur décès dans les conditions classiques prévues par la Loi.

Le Code de la Famille est sans équivoque. Il dispose en son article 1er que la personnalité juridique cesse au décès. C’est donc au décès et par le décès que s’éteint la personnalité, qu’elle se perd.

Généralement, les successions s’ouvrent par la mort de l’individu (art 397 et suivants du Code de la Famille). Néanmoins, il existe d’autres causes, au-delà de la mort naturelle, qui permettent d’ouvrir la succession. Mais il arrive qu’en l’absence de cadavre, le constat du décès soit impossible. Ces situations engendrent des incertitudes que le législateur sénégalais encadre dans les articles 16 et suivants du Code de la Famille. Cette incertitude peut résulter de l’absence de nouvelles d’une personne pendant une période relativement longue ou des circonstances dans lesquelles ce manque de nouvelles s’est produit. Ce sont respectivement l’absence et la disparition relativement définies ci-après :

Selon l’article 16 al. 1er du Code de la Famille, l’absence est la «situation de la personne dont le manque de nouvelles rend l’existence incertaine». Dans le langage vulgaire, commun, usuel, l’absent est un individu qui n’est pas présent dans un lieu où il aurait dû se trouver à un moment déterminé.

Légalement, l’absent est un individu dont on ne sait plus s’il est vivant ou mort parce qu’il a quitté son domicile depuis longtemps sans donner de ses nouvelles.

NB : La procédure relative au cas de l’absent est plus longue, elle peut durer 10 ans et se déroule en trois (03) phases avec des effets de droits : 1- La déclaration de présomption d’absence, 2- La déclaration d’absence, 3- La déclaration de décès ;

Concernant la disparition, contrairement à l’absence, le législateur a consacré un régime spécifique, fondé sur le raccourcissement et l’allégement de la procédure. Aux termes de l’article 16 al. 2, la disparition est la situation de la personne «dont l’absence s’est produite dans des circonstances mettant sa vie en danger, sans que son corps ait pu être retrouvé». Ces circonstances sont de nature à mettre sa vie en danger mais dont on n’a pas retrouvé le cadavre. (Naufrage, accident, guerre, catastrophe minière ou aérienne, incendie, etc.) La Loi attache à la disparition dans de telles circonstances, une présomption de décès.

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NB : La disparition est, selon le Code de la Famille, une cause d’ouverture de succession article 398 du CF.

Le certificat de décès est l’acte sans lequel on ne peut pas établir le jugement d’hérédité, document judiciaire qui constate toutes les personnes appelées à succéder au de cujus.

Important : Il convient de rappeler qu’en pareilles circonstances, aucun maire n’est compétent pour établir l’acte de décès d’une personne déclarée absente ou disparue sans un jugement déclaratif de décès prononcé par un Tribunal compétent. Les services municipaux doivent tout simplement transcrire la décision du Tribunal, seul habilité à en donner l’ordre. Tout maire qui outrepasse ses prérogatives, pourrait être poursuivi pour faux en écritures publiques et complicité de faux et usage de faux pour le/la demandeur de l’acte incriminé.

Au regard de ces deux définitions légales, on peut retenir que les volontaires à l’émigration clandestine et dont les corps n’ont pas pu être retrouvés ou identifiés par leurs familles sont considérés comme des disparus.

Les disparitions sont d’autant plus dramatiques qu’elles s’accompagnent de complications juridiques. En effet, l’acte de décès ne peut être rédigé et la famille du disparu se trouve dans l’impossibilité de gérer les problèmes urgents, tels que le règlement de la succession du présumé défunt ou encore la mise en jeu des assurances souscrites, les cotisations sociales, etc.

L’Etat a l’obligation de prendre toutes les diligences habituelles par le biais du Ministère Public ou le Parquet, pour diligenter les enquêtes et prendre toutes mesures utiles à la publication et publicité de la demande ou requête des familles, quel qu’en soit le support communicationnel et le lieu (audiovisuel, presse écrite, nationale et à l’étranger) (art. 18).

D’abord, aux fins d’assister les familles des victimes (d’obtenir que la disparition soit reconnue et commémorée, de recevoir un soutien économique, financier, psychique et psychosocial), conformément à la résolution 69/184 de l’Onu relative aux personnes disparues en date du 5 août 2016 et ratifiée par le Sénégal. Le ministère de la Justice doit jouer un rôle central dans la recherche des personnes disparues, et la création d’un registre national des personnes disparues.

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Ensuite, l’ouverture d’une enquête pour déterminer les circonstances des disparus, et assister les familles à obtenir des jugements déclaratifs de décès ainsi que les actes subséquents pour leur faciliter à liquider la succession des disparus résultant de ces événements maritimes regrettables.

La procédure de déclaration de décès du disparu

Qui peut demander la requête aux fins de jugement déclaratif de décès ?

Pour qu’une personne soit officiellement reconnue disparue, c’est le premier défenseur de la collectivité, le procureur de la République, de sa propre initiative ou à la requête de tout intéressé (conjoint, héritiers, créanciers, ami…bref toute personne qui a intérêt), de saisir le Tribunal de Grande instance (Tgi) du lieu de la disparition aux fins d’obtenir une déclaration judiciaire du décès de ce dernier.

La requête peut être introduite à tout moment (pas de délai) auprès du Tribunal du lieu de la disparition si celle-ci s’est produite sur le territoire sénégalais, sinon au Tribunal régional de Dakar si les circonstances des événements se sont produites à l’étranger.

Que ce soit à titre individuel soit collectivement en cas de disparition de plusieurs personnes, la procédure est faite dans les mêmes circonstances (Exemple : Cas du bateau Le Joola). Le jugement déclaratif de décès tient lieu d’acte de décès. Il produit exactement les mêmes effets. Ainsi, l’intéressé étant considéré comme mort, son mariage est dissous, le conjoint survivant, en général c’est la femme, elle peut donc se remarier sans violer l’article 333 du CF relatif à la bigamie.

Preuves et enquête :

Réservations, liste d’embarquement du bateau ou la pirogue, coupures de journaux, photos, vidéos, témoignages de rescapés…, tout est bon pour apporter une telle preuve au juge. Et si le Tribunal estime que le décès n’est pas suffisamment établi, il peut ordonner des recherches complémentaires, notamment une enquête administrative afin de faire la lumière sur les circonstances de la disparition.

La déclaration judiciaire du décès

Une fois le décès reconnu, le juge doit en déterminer la date, en tenant compte des circonstances liées à la disparition. Si cela est impossible, il retient généralement le jour de la catastrophe. Le jugement est ensuite transcrit sur les registres de l’état civil du lieu réel ou présumé du décès, ou, en cas de décès survenu à l’étranger, sur ceux du lieu du dernier domicile connu du défunt.

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NB : Le disparu est donc considéré comme mort à la date déterminée par le Tribunal et c’est à cette date que sera ouverte la succession, dans les conditions habituelles.

En cas de disparition, la procédure de déclaration judiciaire de décès est rapide, contrairement à celle suivie en cas d’absence.

Si le disparu réapparaissait ;

Si le disparu venait à réapparaître (art 27 et 28 CF), il devrait demander au Tribunal qui l’a déclaré disparu de prononcer un jugement d’annulation. Il reprendra alors ses biens dans l’état où ils se trouveront au jour de sa réapparition. S’ils ont été vendus, il doit en récupérer le prix de vente. En somme, les actes d’aliénation régulièrement passés lui sont opposables. Il en est ainsi si le retour intervient après le jugement, le nouveau mariage du conjoint ou le divorce éventuellement obtenu est opposable à l’absent.

Que le retour l’absent ou du disparu intervienne avant ou après le jugement, le régime de l’administration légale ou de la tutelle sur les enfants mineurs cesse.

NB : Toutes cette procédure est d’ordre public.

Par conséquent, le régime juridique diffère avant ou après le jugement déclaratif de décès.

En dépit du caractère non conventionnel qui entache cette émigration, l’Etat, par le biais de ses services compétents, a l’obligation d’assister les familles des victimes à régulariser leurs situations patrimoniales et extrapatrimoniales sur les plans juridique et administratif parce que, d’une part, certains d’entre eux avaient sans doute contracté des dettes pour les besoins du voyage, d’autres aussi, ont laissé des femmes, des enfants, des biens et autres que la loi a rigoureusement organisés d’autre part.

Que Dieu dans sa magnanimité ait pitié de leurs âmes !!!

«Nul n’est censé ignorer la loi»

Me El Amath THIAM,

Consultant en Droit,

Spécialiste du Contentieux des Affaires

thiamelamath@yahoo.fr

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