Au commencement le monde n’existait pas…
Au commencement le football n’existait pas…
Un jour, le 31 mai 2002, un vendredi, à Séoul en Corée du Sud, au «Seoul World Cup Stadium», à la trentième minute du match d’ouverture de la Coupe du monde de football, qui opposait la France au Sénégal, le «footballeur céleste», comme les «hommes célestes» de la Corée mythique, Papa Bouba Diop a inscrit un «but céleste»…
Des millions de Sénégalais s’étaient levés aux aurores, fort décalage horaire obligeait.
Certains n’avaient pas fermé l’œil de la nuit et ceux qui avaient pu trouver le sommeil avaient déjà joué le match plusieurs fois dans leur tête…
Cet événement -la victoire du Sénégal sur la France- restera unique dans la vie nationale du Sénégal.
«Apportez-moi mes tennis»…
Ainsi s’était écriée celle qui regardait, le cœur battant, la retransmission, depuis Séoul, du match à la télévision sénégalaise.
Il reste quelques secondes à jouer mais ces secondes s’étirent comme le temps primordial infini, tout devient soudainement infini…
Et puis retentit le coup de sifflet final de l’arbitre, M. Ali Bujsaim, qui va littéralement jeter des milliers de supporters dans les rues de Dakar, de Rufisque et du Sénégal…
Les «tennis» sont enfilés, avec frénésie et rapidité car le temps s’est remis à tourner et puis toutes les portes des maisons, subitement et de manière synchrone, s’ouvrent…
Cette femme «aux semelles de vent», sort alors dans la rue qui s’éveille et ses deux enfants, très jeunes, sont avec elle : ils vont courir, ensemble et traverser la ville de Dakar avec des milliers de Sénégalais, en direction du palais de la République…
Papa Bouba Diop : le «footballeur céleste» a rendu possible l’éclatement, comme un coup de tonnerre, de cette joie infinie, sans bornes, sur toute l’étendue du territoire et aussi en Afrique ; le Sénégal et l’Afrique dansent…
Après l’inscription de son «but céleste», servi par un centre en retrait inoubliable de El Hadj Diouf qui s’était élancé, côté gauche avant d’offrir sur un plateau vert -la pelouse- le ballon au «footballeur céleste», Pape Bouba Diop qui marque en deux temps, le temps du stade et le temps du Sénégal, prend la direction du «poteau de corner»…
La danse, une danse trépidante, commence : «vert, jaune, rouge…», un maillot a été lancé sur la pelouse du Stade, ce stade magnifique de 66 704 places plein, ce jour-là, 31 mai 2002, à 97 %…
Le «lion a rugi» à Séoul et son long rugissement se fait encore entendre dans toutes les villes et villages du Sénégal ; toutes les mémoires ont enregistré, pour l’éternité, ces images qui venaient de Corée alors que le Sénégal s’éveillait…
Etait-ce un rêve ou la promesse d’un rêve ?
Ni l’un ni l’autre, tout simplement un exploit rendu possible par le «footballeur céleste», un nouveau dieu du panthéon Coréen, Pape Bouba Diop, le natif de Rufisque…
La route du bonheur est passée par Séoul, dans cette ville où El Hadj Amadou Dia Bâ, un autre «athlète céleste», nous avait fait aussi rêver le 25 septembre 1988 en décrochant une médaille d’argent, la première du Sénégal aux Jeux Olympiques (mais pas la première d’un Sénégalais car le sprinter Abdou Sèye avait été médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Rome en 1960).
Les athlètes que nous avons été ont suivi sa course retransmise à la télévision, «debout» pour l’accompagner, par la pensée, jusqu’à la ligne d’arrivée…
Ce matin, à Dakar, 30 novembre 2020, lorsque j’arrive dans cette Administration sénégalaise pour y déposer un dossier, le vigile me tend un numéro : le numéro 19…
Pape Bouba Diop portait au dos de son maillot le numéro 19…
Je comprends alors le message qui vient de loin, le message qui vient de Lens en France : j’écrirai quelques lignes pour lui, comme j’ai écrit quelques lignes pour Jules François Bocandé en 2012, il y a huit ans…
Ce matin encore, lorsque j’arrive dans cette structure d’optique médicale sise au Plateau dans la ville de Dakar, j’aperçois en face de moi, alors que je suis assis, la photo d’un ballon et je demande la permission de prendre une photo de la photo du ballon…
Double message du «footballeur céleste» : j’écrirai ton nom, Pape Bouba Diop…
Et je dirai à tous les Sénégalais que tu avais rendez-vous le vendredi 31 mai 2002, avec «l’histoire générale du Sénégal mais aussi l’histoire de France…» et l’histoire de la Coupe du monde de football…
Au Stade de Séoul, le 31 mai 2002, un «tandem de feu» a fonctionné, quelques secondes avant la trentième minute : le tandem El Hadji Ousseynou Diouf, Pape Bouba Diop…
Ce «tandem de feu» a vécu : El Hadji Ousseynou Diouf est désormais orphelin sportif…
Aliou Cissé, l’actuel coach de l’Equipe du Sénégal, était également dans ce match du siècle, ce «match de feu» ; l’équipe de football du Sénégal et son coach ainsi que tout son encadrement en commençant par le président de la Fédération sénégalaise de football, nous doivent une coupe continentale ou mondiale (osons rêver), pour honorer la mémoire de Pape Bouba Diop…
Papa Bouba Diop n’est plus mais un soleil ne s’éteint jamais, il brille pour l’éternité…
Les amis de Pape Bouba Diop seront demain 4 décembre 2020, à l’accueil pour porter son cercueil…
Ses amis poseront un ‘’ballon d’or’’ sur le cercueil du ‘’footballeur céleste’’, Pape Bouba Diop…
Henri Camara nous a raconté avec émotion, comment il avait eu à parler de son frère Pape Bouba Diop, à Bruno Metsu, dans un avion ; la suite est connue…
Bruno Metsu, le coach de Séoul, avec ses cheveux longs, l’attend dans un espace céleste, pour le remercier, à nouveau, de cette joie immense et inoubliable, la joie du vendredi 31 mai 2002…
Jules François Bocandé, Christophe Sagna, Pape Diop, le coach du Caire en 1986, l’attendent aussi…
Au commencement le monde n’existait pas…
Au commencement le football n’existait pas…
Dieureudieuf Pape Bouba Diop…
‘’Merci Bro’’ : ses dernières paroles à son ami Henri Camara…
Pape Bouba Diop sera enterré à côté de sa mère : le cordon ombilical éternel…
Jean Michel SECK
Dakar