Chaque année, le 28 décembre, à Time Square à New York, est organisé le «Good riddance day» ou le jour du bon débarras. Le «Good riddance day» consiste à se débarrasser, dans un broyeur, des problèmes, mauvais souvenirs de l’année. Se débarrasser rituellement de ses soucis en les jetant dans le broyeur de Time Square pour commencer la nouvelle année sous de très bons auspices.
Chez nous aussi, nous avons notre broyeur psychologique, résumé dans cette prière : «Bou dewene naré niaw yallah na melni ren», c’est-à-dire si la nouvelle année ne devait pas bien se passer, prions qu’elle soit comme l’année qui se termine. Cette année, j’imagine que personne n’osera formuler pareil vœu, pareille prière qui relève d’un optimisme digne de la roue de Deming (performance continue) parce qu’on a toujours pensé que les choses ne pouvaient que s’améliorer.
Cette prière très courante dans notre culture sera confinée dans nos pensées parce que 2020 a été une annus horribilis pour tout le monde. 2021 ne peut que bien se passer parce qu’en 2020 le monde a touché le fond, et quand on touche le fond, on ne peut que rebondir. Autant au Sénégal notre traditionnelle prière optimiste sera confinée, autant j’imagine que le Covid-19 a été l’agneau du sacrifice du «Good riddance» 2020 à Time Square. A côté du Covid-19, j’imagine que beaucoup de New Yorkais ont mis dans le broyeur Donald Trump, responsable en grande partie de la propagation de cette pandémie qui a fait plus de morts que la guerre du Viet Nam. 2021 sera une excellente année pour deux raisons : aucune année ne peut être pire que 2020.
Deuxièmement, le vaccin marque le début de la fin du corona. L’arrivée du vaccin et la défaite de Trump auront été les rares bonnes nouvelles de 2020. 2020 marque la fin d’un monde, «le monde d’hier», comme aurait dit le grand Stephan Zweig et le début du monde d’après. Dans le monde post-corona, rien ne sera plus comme avant, car l’humanité va enfin comprendre que «même si n’avons pas le même passé, nous aurons le même avenir», comme le dit si bien Cheikh Hamidou Kane, repris par le président Sall dans son édito sur le Covid-19. Toute L’aventure ambiguë du Corona est résumée dans cette phrase de Cheikh Hamidou Kane. Nous avions des mondialisations sectorielles et partielles (mondialisation de la Finance qui excluait une partie du monde, mondialisation de l’info qui ne touchait pas tout le monde et la mondialisation des flux de populations que les Etats ont essayé d’entraver).
Les Etats peuvent toujours essayer de se prémunir des «3 flux» : population, finance et info qui ont structuré la mondialisation, mais aucun n’a réussi à le faire avec le 4e flux qu’a été le Covid-19. Ainsi, nous avons assisté en 2020 à une sorte de première mondialisation totale au sens propre du terme. Naturellement en 2021, nous allons voir des réminiscences de l’ancien monde comme l’inégalité des pays et des continents face au vaccin qui a commencé en Europe et en Amérique. Nous allons aussi assister en 2021 à la résurgence obscurantiste des théories du complot contre le vaccin, mais on peut faire confiance à notre corps médical qui a porté si haut les couleurs de notre pays dans la lutte mondiale contre le corona.
Si le Sénégal a été classé 2ème mondial, nous le devons aux médecins et à l’Administration qui ont été les 2 piliers de la lutte. Le corona nous rappelle que l’avantage absolu du Sénégal est la qualité de ses ressources humaines qui sont infiniment plus précieuses que le pétrole et le gaz. 2020 a été une annus horriblis, rien de tel que la mettre dans le broyeur, la poubelle de l’histoire en lisant le monde d’hier de Zweig sur fond de la 9e symphonie (hymne à la joie) de Beethoven pour commencer 2021 sous de très bons auspices. Hymne à la joie pour 2021 parce que nous n’en avons point eu en 2020.