Comme un météorite, il a traversé cette vie fugace mais Dieu ce qu’il l’a bien remplie ! Amadou Saïdou Bâ, je ne l’ai pas connu depuis très longtemps, à peine une décennie. Cela m’a suffi toutefois pour apprécier le cadre compétent et l’homme généreux qu’il était. Nous nous sommes connus à Shanghai, en Chine, lors de l’Exposition universelle que cette métropole accueillit en 2010. Je m’y étais rendu en compagnie de l’alors ministre du Commerce du président Wade, Amadou Niang. Le hasard a fait que nous avons dîné ensemble dans un grand restaurant dont on dit que c’est l’un des meilleurs de cette ville. Il y avait là Khalifa Sall, maire de Dakar et aussi Mansour Cama, défunt président de la CNES.
Le courant est passé tout de suite entre nous si bien que jusqu’à la fin du séjour, nous étions tout le temps ensemble. A notre retour à Dakar, nous avons gardé le contact et au fil de nos rencontres nous avons fini par devenir des amis.
Régulièrement, nous nous retrouvions au restaurant pour échanger sur bien des sujets et il éclairait ma lanterne sur les questions économiques en particulier. Il avait une grande estime pour ma modeste personne et ne manquait pas de me le manifester. Nous sommes devenus plus proches encore l’un de l’autre lorsque nous avons découvert que nous avions une connaissance commune en la personne de Mamadou Diop « Diaranguel », originaire du même village que lui et qui travaillait comme animateur dans ma radio.
Amadou Saïdou Ba fut son grand mécène et ami à tel point qu’il m’a dit un jour ceci : « Ecoute, pour ne pas alourdir ta masse salariale, laisse-moi prendre en charge le salaire de Diop ! » J’avais refusé bien sûr tout en sachant que ce que je versais à mon animateur, c’étaient des clopinettes par rapport à ce que lui donnait Amadou Saïdou Ba tous les mois !
Ancien cadre à la multinationale pétrolière Mobil qu’il a servie dans des pays africains — après avoir travaillé aux ICS avant d’aller poursuivre ses études au Canada —, cet enfant de Pikine était revenu pour se mettre au service du Sénégal sur insistance de Mme Aminata Niane. A l’Apix d’abord où il a occupé les fonctions de directeur général adjoint, puis au Cetud en tant que président du conseil d’orientation ou d’administration avant d’atterrir au Cos-Pétrogaz.
Chaleureux, disponible, humble — je me rappelle que lorsque Diop avait perdu son épouse, il avait passé toute la journée à Guédiawaye puis y était revenu le lendemain alors qu’il aurait pu se contenter d’expédier une enveloppe —, Amadou Saïdou Ba était la générosité même. Il réglait en toute discrétion factures d’eau, d’électricité ou de téléphone, achetait des ordonnances, prenait en charge des frais d’hospitalisation. Une anecdote, une seule pour renseigner sur son infinie générosité. Tard un soir, au sortir d’un salon de thé, il avait remarqué une vieille dame qui tendait la main.
Emu et révolté, il s’était enquis de la situation de la dame et lui avait demandé quelle somme il lui fallait pour qu’elle cesse de faire la manche surtout à des heures aussi tardives pour une mère de famille. Il me semble que la dame, après un rapide calcul, lui avait répondu « 200.000 francs ». Il s’était engagé à la lui verser chaque mois et, effectivement, il avait tenu parole. Hélas, au bout de trois mois, il a retrouvé la même dame au même endroit où il l’avait rencontrée, en train de mendier ! Furieux, il l’avait interpelée et s’était vu servir une réponse qui l’avait scié : « Vous êtes un homme très généreux, je le reconnais, mais nak, franchement, la mendicité me rapporte plus que ce que vous me donnez ! » Comme quoi…
C’est de ce jour qu’Amadou Saïdou Ba avait arrêté de prendre en charge cette vieille dame. Juste pour donner une idée de la générosité de ce grand Monsieur ravi à l’attention des siens samedi dernier !
Mes sincères condoléances à toute sa famille et que Dieu l’accueille dans Son Paradis !