«Personne n’est en retard. Personne n’est en avance. Chacun est dans son fuseau horaire.» Ainsi est l’agenda imperturbable et jamais connu de la mort.
La mort est insoluble ! La vie est mortelle. La mort immortelle. Tel est le cycle voulu par Dieu !
Le corps c’est l’emballage, le reste est le plus précieux. C’est ce que l’on garde de vous, de ce que vous avez été et de ce que vous resterez auprès de ceux qui vous ont connu et aimé. On jette toujours l’emballage et on garde ce qu’il contient. C’est cela l’âme visible et invisible à la fois ! L’emballage disparaît toujours. Reste l’esprit. Reste l’âme. Reste les héritages du cœur.
Il est des Sénégalais qui sont «un passeport universel transfrontalier qui n’a pas besoin de visa». Abdoul Aziz Mbaye était de ceux-là. Il était l’homme qui «croyait aux étoiles». Il était brillant le jour. Il était brillant la nuit. Il était brillant en toutes saisons.
De l’Afrique, il pensait que nous ne devrions pas «être indigne de ce que l’humanité a fait de nous» : des êtres qui ont été au commencement du monde et qui ont été durement punis par des puissances coloniales, esclavagistes, impérialistes et barbares.
Abdoul Aziz était généreux. Il pensait qu’il fallait «refuser la part de toi qui ne pense qu’à toi». Avec lui, j’ai appris que l’humanité n’est pas la civilisation.
«La mort d’une personne chère n’emporte pas que l’être perdu. Elle emporte aussi une grande part de nous qui l’avons tant aimé.»
Abdoul Aziz Mbaye Aziz n’était pas seulement une ampoule qui éclaire. Il était aussi une ampoule qui réchauffe. C’était une belle et grande âme. L’Afrique a perdu un fils qui savait la défendre et la protéger. Il rayonnait, il irradiait quand il prenait la parole. Il rendait fier le Sénégal. Le Président Macky Sall ne s’était pas trompé en l’appelant à ses côtés d’abord comme directeur de son Cabinet, puis comme son ministre de la Culture et enfin comme son Conseiller spécial.
«Né le 18 octobre 1954 à Dakar, il fut diplomate et homme politique. Lors du remaniement ministériel du 29 octobre 2012, il est nommé ministre de la Culture. Notons qu’il fut le premier subsaharien à intégrer, comme chargé de recherches titulaire, la section Mathématiques et physique de base du Centre national de la recherche scientifique en 1983, il est titulaire d’un doctorat d’Etat ès Sciences en 1984 à l’Université Paris- Sud Orsay, d’un master en politique internationale de l’Université libre de Bruxelles, d’un master en management public de la Solvay Business School et d’un diplôme de 3e cycle en sciences économiques de l’Université catholique de Louvain. Diplomate de carrière, il est fonctionnaire scientifique en 1988 à la Commission européenne pour le Programme stratégique européen de recherche et de développement relatif aux technologies de l’information (ESPRIT) puis administrateur principal à la Direction générale de l’industrie. Il est ensuite en 1996 conseiller économique et politique dans la délégation de la Commission européenne en Afrique du Sud. Il a également été ambassadeur de l’Union européenne dans le Pacifique, installé aux îles Fidji. En 1991, il lance la Biennale des sciences de Dakar (Afristech).»
Ceci devait être dit, noté et connu.
Voilà que tout est fini, que tout s’achève. Comme la vie. Toutes les vies. Mais il était encore jeune Abdoul Aziz Mbaye ! Jeune et brillant pour nous quitter ainsi sur la pointe des pieds.
Comme Pca de la Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée, nous avions de beaux chantiers en cours avec lui. Il y a peu, lors d’une séance de travail au téléphone, il se hâtait de trouver des fonds interafricains pour aider à la réalisation de ce projet de Mémorial. Oui, le plus cher à ton cœur était la construction du Mémorial de Gorée !
Dors sans crainte. Le Président Macky Sall veille et sa veille est admirable et pleine de promesses. Ton frère qui t’aime tant et qui te pleure, le ministre Abdoulaye Diop, se souviendra. Tu te rappelles de notre rencontre dans son bureau ? Quelle belle amitié entre vous deux ! Quelle noble fidélité entre vous !
«Le Mémorial se fera» selon la prophétie de l’architecte Mamadou Berthé face à un prince belliqueux des années 2000 ! Nous ne t’oublierons pas Abdoul Aziz Mbaye !
Tu avais le courage de «dégager l’activité intellectuelle de son instrumentalisation par la politique». Tu savais et croyais que «c’est dans l’autonomie de la pensée que réside l’utilité politique et civique d’un peuple». Comme ministre de la Culture, tu avais cette vision noble et cette pratique si honorable.
«Alors que s’agrandit sans cesse le champ de nos connaissances, un domaine reste inaccessible à la science, celui de la foi.» C’est adossé à cette foi qui est notre boussole, notre refuge, notre espérance, que je salue ta mémoire, celle d’un grand fils du Sénégal et de l’Afrique. Tu avais encore tellement de choses à nous dire, à nous apporter !
67 ans, c’est si peu, si court, surtout quand le soleil est si haut sur votre front ! Il y avait encore tant de terres arables à féconder ! Mais nous ne serons jamais de taille pour vaincre la mort !
Vous avez été très cher à nos cœurs si chers Abdoul Aziz Mbaye !
Combien de temps nous faut-il, nous les vivants, avant que la banquise ne fonde ? Nous prions pour toi, qui a franchi le mur de l’invisible. Prie pour nous que tes yeux voient.
Amadou Lamine SALL
Poète