L’on dit des crises économiques et financières qu’elles sont surtout des crises de confiance. Quand la confiance diminue, les humains prennent des décisions motivées par la peur, ce qui n’est généralement pas bon. Ces décisions sont inspirées par notre cerveau primitif et non le néocortex. Ils vendent leurs actions en masse, entraînant la baisse des cours boursiers. Ils retirent leur argent des banques, créant une panique et la faillite des banques qui sont perçues comme les moins solides.
En 2007, lors de la crise des subprimes, inquiets à l’idée de perdre leurs dépôts bancaires, les clients firent la queue devant les différentes agences de la Northern Bank – une banque britannique – pour retirer leurs fonds. Les banques ne possèdent pas en liquide tout le montant déposé par les clients à cause de l’effet multiplicateur du crédit. Le multiplicateur de crédit est un indicateur mesurant le phénomène par lequel les établissements de crédit peuvent distribuer plus de crédits qu’ils ne reçoivent de dépôts de par leur pouvoir de création monétaire. Cette défiance des clients envers les banques aggrave la situation. Les banques les moins solides déposent le bilan, et par un effet domino, elles contaminent tout le système financier.
Comment les gouvernements réagissent pour lutter contre la crise économique ? Ils essaient de rétablir la confiance. Aux Etats-Unis, pour éviter la ruée aux guichets des banques, Roosevelt avait créé le Fdic – Federal deposit insurance corporation. Cette institution assure les dépôts bancaires, à hauteur de 250 mille dollars présentement. Supposons que je possède 100 mille dollars dans ma banque ! J’entends dire qu’elle rencontre des difficultés financières. Parce que je sais que le Fdic assure les dépôts à hauteur de 250 mille dollars, je ne me rendrai pas dans les guichets de la banque pour retirer mes fonds. Tout cela participe au maintien de la confiance.
La confiance est le fuel des relations humaines. Acheter et vendre, prêter et emprunter. Toutes ces actions humaines basiques ont comme prérequis la confiance. Quand j’achète sur Amazon ou Jumia, je me réfère à la notation du produit. Plus cette notation est élevée, plus j’ai confiance en le vendeur et au produit. Dans les sites d’achat en ligne, la confiance est encore plus importante parce qu’acheteurs et vendeurs ne se rencontrent pas. Quand la majorité des commentaires envers un vendeur sont élogieux, les acheteurs le choisiront plus que les autres qui, d’après les commentaires, semblent manquer de fiabilité.
La confiance envers les institutions d’un pays est l’un des déterminants du civisme de sa population. Quand les dirigeants tiennent leurs promesses, quand ils ne s’octroient pas des privilèges immérités, les populations ont plus confiance envers le pays, respectent davantage les lois. Les pays nordiques – Suède, Norvège, Danemark – ont la réputation d’être les moins corrompus, où les gouvernants ne peuvent utiliser n’importe comment les deniers publics. Ce sont aussi les pays les plus civiques, parce qu’il y a un contrat simple et sain : vous faites ce que vous devez faire, nous faisons ce que nous devons faire.
Mais imaginons un pays où le gouvernement, en pleine crise économique, ne diminue pas son train de vie ! Il veut imposer des sacrifices à la population, mais ne se l’impose pas. C’est la version du «faites ce que je vous dis, pas ce que je fais». Comment pourra-t-il décemment imposer à la population le respect des règles ? Il y a beaucoup de controverses sur le décret nommant une dame comme Présidente d’honneur d’une institution de la République. Je ne sais pas si ce décret est vrai. Mais si c’est le cas, il est indécent et scandaleux. Le citoyen lambda avait reçu des sacs de riz, de l’huile, ce qui ne coûte pas 100 mille. Comment peut-on octroyer autant d’avantages à une personne ? Au même moment, on demande l’annulation de la dette parce qu’on rencontre des difficultés financières à cause de la Covid-19.
C’est ce genre d’actions qui détruisent la confiance envers un gouvernement et poussent la population à adopter une attitude de défiance. Les gouvernants doivent être les premiers à se sacrifier. Quand il y a une crise, ils doivent être au front, c’est ce qui rassure la population et développe sa confiance envers les institutions républicaines. Dans le cas contraire, elle perdra son respect envers l’Etat et doutera de ses paroles.
Il n’y a pas de réalité objective. Tout est interprétable et tout est interprété. Si l’on regarde un match de catch, un des lutteurs, après avoir été très dominé, se ressaisit et domine à son tour son adversaire. Tout cela se passe en un laps de temps très court. Encore, si l’on observe les retournements de situation spectaculaire au cours de confiance, on se rend compte qu’elle a changé de camp. L’équipe dominée prend soudainement confiance et se transcende, car elle a décidé qu’elle peut gagner et qu’elle gagnera.
Aussi les situations dépendent-elles de comment on les interprète. J’écrivais plus haut que les crises économiques sont surtout celles de confiance. On les résout en rétablissant la confiance. Quand il y a la confiance, on prend des risques, on investit, on se projette avec optimisme dans le futur, on est plus généreux de son temps et de son argent. Quand il y a un manque de confiance, c’est tout le contraire.
Cela concerne aussi bien les personnes physiques que les entités – Etats, entreprises, équipes, groupes. Leur comportement quand elles ont confiance diffère totalement de celui quand elles sont en manque de confiance. Par exemple, c’est cette confiance qui manque aux pays africains. Un pays qui a confiance en lui sait qu’il se développera. Cette conviction de se développer le poussera à entreprendre des actions pour y parvenir. Il cessera de compter sur les autres. Il arrêtera de prendre des décisions stupides. Il investira sur sa population. Il luttera plus efficacement contre la corruption. En résumé, il prendra des décisions qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Une personne physique fera exactement la même chose si elle veut améliorer sa vie et aller de l’avant.
A travers les crises économiques, les sursauts d’un Etat ou d’une personne, nous avons appris comment la confiance est l’essence des relations humaines. C’est la confiance qui fait que des inconnus échangent, se marient. Le manque de confiance est une tare qui détruit les relations humaines et sociales. Un Etat en qui ses populations ont confiance est un Etat qui peut mobiliser ses forces pour atteindre ses objectifs. C’est par les décisions judicieuses des gouvernants qu’il peut y parvenir. Gouverner n’est pas jouir de privilèges, mais être le premier au front pour montrer l’exemple aux populations. Ce que doit comprendre le Sénégal.
Moussa SYLLA