L’ancien président Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz avait tout fait pour que le Sénégal ne soit pas membre du G5 Sahel, parce qu’il avait peur d’une certaine prééminence sénégalaise dans l’organisation. Le nouveau président Mauritanien Ghazouani a convié le Président du Sénégal à la réunion du G5 à Ndjamena et tout fait pour que le Sénégal intègre l’organisation, parce qu’il est convaincu qu’il est un acteur incontournable sur le plan militaire. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts entre les positions de Aziz et de Ghazouani, mais pendant tout ce temps, le Sénégal a continué à blinder sa frontière et à se préparer à la guerre de l’Est contre les jihadistes. C’est la bonne attitude.
C’est la meilleure doctrine militaire qui a toujours sauvé l’Angleterre. Elle a été résumée par Lord Palmerson : «L’Angleterre n’a pas d’alliés ou d’ennemis permanents, la seule constante est de se donner les moyens de défendre l’île.» C’est cette doctrine qui a sauvé notre pays de la partition, car ayant permis à l’Armée de gagner la guerre en Casamance.
Aujourd’hui, la Gambie et la Guinée Bissau qui sont nos plus grands alliés dans la sous-région ont été les plus grands soutiens du Mfdc, qui utilisait ces pays comme base arrière en plus des armes mises à la disposition des maquisards. Cette constante qui consiste à nous donner les moyens de défendre notre territoire avec ou sans le soutien d’alliés doit être la règle dans la préparation de la guerre de l’Est.
Ce qui fait de notre appartenance ou pas au G5 Sahel une simple variable. Si on y entre, allons-y avec les moyens de défendre notre territoire même si nos alliés sont défaillants. La débâcle de la France en juin 40 n’a pas empêché à l’Angleterre de faire face à l’armada nazie, lors des batailles d’Angleterre ou de l’Atlantique. Malgré la mise au pas par Napoléon Bonaparte de toute l’Europe continentale, la petite Angleterre s’est donné les moyens de résister et même de renverser la tendance en mettant fin au «règne du Dieu de la guerre» à Waterloo.
C’est du bon sens stratégique, car compter d’abord sur soi et refuser de sous-traiter sa sécurité permet de faire face à tous les scénarii, même les plus catastrophiques. Le Sénégal doit travailler à l’hypothèse de l’effondrement du Mali, avec des hordes jihadistes à Kayes, voulant continuer leur marche vers l’Atlantique. On doit travailler à l’hypothèse d’un retrait de la France, dont l’engagement au Mali nous a donné un sursis stratégique face aux jihadistes.
La plus grande implication de Tchad (1 200 hommes) est le signe annonciateur du retrait progressif de la France qui veut africaniser la lutte, comme les Américains ont à un certain moment vietnamisé la guerre du Vietnam pour se retirer. De toute façon, le départ de la France est juste une question de temps qui joue en faveur des jihadistes. Il interviendra soit à la suite d’une alternance politique en France ou d’une exigence de l’opinion après un attentat comme celui du Drakkar à Beyrouth.
Pour la France, le Mali est peut-être un problème de politique extérieure, mais pour nous c’est un problème de sécurité nationale, car si le Mali tombe, nous sommes la prochaine cible et nous serons en première ligne face à des jihadistes qui rêvent déjà de tremper leurs pieds dans l’Atlantique.
Le Tchad renforce sa présence pour, entre autres, les beaux yeux de Marianne, mais pour le Sénégal, c’est pour notre propre sécurité. C’est pourquoi nous devons nous donner les moyens de défendre notre territoire, mais aussi aider le Mali, le Tchad et la France à fixer les jihadistes sur place, car mieux vaut les combattre à Kidal qu’à Kidira.