Mes chers compatriotes,
L’affaire Ousmane Sonko révèle le vrai visage du régime de Macky Sall, qui cherche à transformer le Sénégal en dictature à ciel ouvert, sous couvert d’institutions démocratiques. Depuis son accession à la magistrature suprême en 2012, Macky Sall est habité par le sentiment quasi obsessionnel de brimer dans la violence, le sang et les larmes les droits constitutionnels des opposants, de vicier le processus électoral pour conserver le pouvoir, de restreindre les libertés civiles et publiques en utilisant les institutions de la république. Toutes ces pratiques ont pour finalité d’éliminer les voix dissidentes et les critiques contre sa gouvernance calamiteuse et autoritaire.
Les Sénégalais ont compris que les enjeux de la solidarité envers Ousmane Sonko vont bien au-delà de l’urgence de préserver le destin politique du leader du PASTEF, qui est à nouveau victime d’une cabale ignominieuse visant à l’éliminer politiquement et moralement. C’est la raison pour laquelle, nous appelons le peuple souverain du Sénégal à résister pour restaurer notre démocratie, qui vient de recevoir un nouveau coup de massue ; et surtout, l’éthique républicaine a été piétinée de manière répétitive par ceux qui détiennent un pouvoir qui ne se fixe aucune limite dans la malfaisance.
Une dictature ouverte et brutale !
Il est regrettable de constater qu’au Sénégal, les institutions de la république sont devenues des instruments au service d’un individu et de ses fantasmes les plus obscurs. Le parlement sénégalais installé en 2012 est très tôt embaumé et a perdu toute crédibilité. Il a cessé de représenter la nation sénégalaise. Les députés ont refusé d’être la voix du peuple pour devenir celle d’un homme. De même, le pouvoir judiciaire qui est censé appliquer la loi et jouer le rôle de contrepoids à certaines décisions liberticides de l’exécutif est désormais empêtré dans la corruption et la compromission. Que valent encore, pour l’opinion publique sénégalaise, ces institutions dont l’image et la crédibilité ont été ébranlées depuis le procès de Mamadou Dia en décembre 1962 ainsi que dans les « affaires » Karim Wade, Khalifa Sall, et aujourd’hui Ousmane Sonko ?
La convocation totalement illégale du député Ousmane Sonko à la section de recherche de la gendarmerie (au mépris de son immunité parlementaire), l’encerclement injustifié de son domicile par des chars de combat, le fiasco au sein de l’Assemblée nationale pour lever son immunité parlementaire afin de le livrer à une justice aux ordres, signalent une absence de justice équitable dans cette affaire dont le régime de Macky Sall est le principal commanditaire.
Les Sénégalais ont appris des affaires Karim Wade et Khalifa Sall, et à leurs dépens, que les juridictions du pays, sous Macky Sall, ne sont pas indépendantes pour arbitrer de manière équitable entre deux parties. Cette situation devient encore plus inquiétante quand cette réalité nous a été régulièrement rappelée par les juridictions internationales comme la CEDEAO ou les Nations Unies, sans qu’aucune mesure corrective ne soit apportée à cette justice soumise. De ce passé récent, nous présageons qu’elles ne seront pas de nouveau à la hauteur de la tâche dans cette « affaire Sonko » en raison de la nature de la relation institutionnelle entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, en particulier la soumission du premier au second. Dans un pays où les coupables affiliés au régime et épinglés par la justice sont libérés tandis que les innocents sont condamnés, les citoyens perdent leur confiance en la justice.
Tout dans les actions de Macky Sall indique qu’il cherche à restaurer un parti-État digne d’une époque révolue. Dans sa tentative de confisquer le pouvoir et de combler le déficit de légitimité de son régime, il agit de plus en plus de manière à compromettre les libertés politiques, le multipartisme et le pluralisme, principes fondamentaux de la démocratie. Les actes qui remettent en cause ce multipartisme et ce pluralisme se sont multipliés. D’une part, Macky Sall cherche à garder les alliés d’une faction présidentielle hétéroclite en utilisant de vieilles méthodes clientélistes et néo-patrimoniales qui ont créé un terrain propice à la mauvaise gouvernance. D’autre part, dans la mesure où cette coalition se fissure et conscient de son incapacité à gagner la confiance du peuple sénégalais qui s’érode de jour en jour, il poursuit une stratégie de concassage de l’opposition pour empêcher l’émergence d’une alternative viable et crédible.
Après avoir manœuvré âprement pour briser le Parti démocratique sénégalais(PDS), l’Alliance des forces du progrès (AFP) et le Parti socialiste (PS) en plusieurs tendances rivales, le régime de Macky Sall instrumentalise aujourd’hui la justice –dont l’indépendance n’existe dans l’imaginaire du peuple– à des fins de liquidations d’adversaires politiques. Ousmane Sonko est un homme politique de premier plan qui est arrivé troisième lors de la dernière élection présidentielle avec près de 16 % des suffrages. Aujourd’hui plus que jamais, il est un symbole de la conscience de rupture qui bouillonne chez des millions de Sénégalais. Son engagement et celui de nouveaux acteurs sur la scène politique est révélatrice d’une mutation profonde de notre société ; c’est un grand élan de changement que les tenants du pouvoir veulent briser. Aujourd’hui plus que jamais et mieux que jamais, le régime de Macky Sall veut utiliser cette cabale créée par lui-même comme prétexte pour frapper très fort au cœur du dispositif de PASTEF et ses soutiens afin de parachever son œuvre programmée de liquidation totale de l’opposition. En définitive, Macky Sall veut instaurer au Sénégal la réalité d’une démocratie sans adversaires.
Nous sommes convaincus que toute aspiration à un changement pacifique à la tête du pays doit passer par des élections libres et transparentes, mais les tenants du régime en place n’en ont cure. Ils ignorent que si Macky Sall est arrivé au pouvoir par les urnes, c’est parce qu’il y a un processus de libéralisation préalable du champ politique et une œuvre sans cesse renouvelée de perfection de règles du jeu qui ont permis au pays de tourner la page des émeutes post-électorales pour inaugurer une ère de transitions politiques pacifiques. Jusqu’en 2012, le peuple sénégalais pouvait encore espérer que l’expression de son vote ouvrirait un univers des possibles, où l’opposition aurait des chances réelles de participer au jeu électoral et d’espérer gagner contre un candidat au pouvoir. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, les possibilités pour les citoyens de choisir librement entre plusieurs candidats et partis sont restreintes. L’élimination de milliers de jeunes du processus électoral, la confiscation de milliers de cartes dans les zones supposées hostiles au pouvoir et dans la diaspora, l’instauration de deux types de Sénégalais, en l’occurrence ceux ayant le droit de vote et ceux n’ayant plus ce droit, en sont quelques exemples assez éloquents.
Aujourd’hui, le processus électoral est perverti et le calendrier républicain violé de manière permanente. Le régime en place a tout fait pour repousser les élections locales (initialement prévues en mars 2021) qu’il cherche à coupler avec les élections législatives prévues en juillet 2022. Le gouvernement savait que ces échéances électorales se profilaient à l’horizon, mais il a préféré jouer au dilatoire pour imposer un report du scrutin. Les autorités électorales n’ont pas pris les devants à temps pour faire l’évaluation du processus et l’audit du fichier électoral, ouvrir une période de révision exceptionnelle des listes électorales, et intégrer les nouveaux inscrits sur une liste finale. Aucune de ces conditions préalables n’est en place pour pouvoir organiser les élections dans les délais prévus par le calendrier républicain.
Les libertés confisquées
L’adhésion à l’État de droit suppose que l’égalité de tous les membres de la société devant la loi soit garantie, que la puissance publique soit elle-même régie par plusieurs limites constitutionnelles à l’exercice du pouvoir et qu’elle respecte les principes constitutionnels, que l’existence de tribunaux indépendants soit une réalité et que les droits fondamentaux des citoyens soient respectés et protégés. Mais le Sénégal sous Macky Sall est un état de droit de vernis, c’est-à-dire, un État de police fondé sur la violence et l’oppression. Les libertés sont violées sans cesse : le régime profite du couvre-feu et de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 pour restreindre davantage les libertés individuelles. Si la détention de citoyens ayant exprimé leurs opinions contre des officiels du gouvernement est une violation de la liberté d’opinion, ce sont surtout les restrictions à la liberté de la presse qui marquent le début d’une dérive vers la mise en place de la pensée unique. La liberté d’expression est menacée : des journalistes et des hommes politiques sont emprisonnés. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le régime de Macky Sall utilise constamment des lois répressives pour dissuader les citoyens de critiquer les abus du régime et pour confisquer les libertés par le biais de la détention préventive prolongée. L’affaire Boubacar Seye (de l’ONG Horizons sans Frontières) en est l’exemple récent qui manifeste la violence du régime qui nous gouverne. Sans aucun doute, Macky Sall est devenu le chef de file de la nouvelle internationale de l’autoritarisme, aidé en cela par ses pairs comme Alpha Condé et Alassane Ouattara.
Un devoir de résistance des forces vives de la nation
L’enjeu de l’affaire Sonko va bien au-delà de la personne de l’honorable député du PASTEF, qui est victime d’un complot d’État orchestré par le régime de Macky Sall. C’est la survie de tous les acteurs politiques qui ont une offre alternative qui est en jeu. Si ce coup de force conspirationniste passe, tous les porteurs de projets d’une transformation en profondeur de notre pays seront en sursis. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, nous devons sortir de nos aventures solitaires pour affronter dans les rues, dans les places publiques, dans les quartiers, à Dakar, à l’intérieur du pays, dans la diaspora, et partout le régime de Macky Sall, comme une opposition unie et déterminée à lutter pour la restauration des principes élémentaires de la démocratie qui sont aujourd’hui bafoués.
Le temps est venu pour les partis politiques, les organisations de la société civile et les forces vives de la nation de faire cause commune pour résister et affronter le régime de Macky Sall et faire échouer son projet d’« autocratisation » du Sénégal. Personne ne sait mieux que les Sénégalais eux-mêmes ce que veut dire la mort de notre démocratie. Les citoyens se sont battus pendant des décennies pour sortir la nation de la tutelle d’un parti unique qui se confondait avec l’appareil d’État, confisquant tout le pouvoir entre les mains d’un seul homme et restreignant les libertés civiles et politiques. Nous ne retournerons pas dans le passé, nous allons de l’avant parce que le destin démocratique du Sénégal n’est pas et ne sera jamais forclos. En vérité, le régime de Macky Sall ne peut pas arrêter la marche irréversible de notre peuple vers la démocratie radicale.
L’affaire Ousmane Sonko nous indique clairement et concrètement, objectivement et historiquement que l’heure est venue pour chaque Sénégalais de choisir son camp. Nous sommes venus ici au siège du PASTEF agressé, violenté et martyrisé pour déclarer devant la face du monde que nous avons choisi le camp de la justice contre l’injustice, le camp des valeurs contre les non-valeurs, le camp des démocrates et des défenseurs de la république contre les partisans d’une dictature déterminée à réduire l’opposition sénégalaise à sa « plus simple expression ». Nous sommes du côté des défenseurs des libertés contre ceux qui veulent détruire l’esprit critique et qui utilisent l’intimidation et les menaces sur fond d’instrumentalisation des institutions de l’État.
Nous nous battrons pour préserver le pluralisme politique en permettant l’émergence d’une opposition forte capable de proposer une offre politique alternative et qui a des chances égales de concourir et de gagner des élections de manière libre et transparente. Nous nous battrons pour exiger le respect du calendrier républicain. Nous nous battrons également pour exiger le rétablissement de l’État de droit et des libertés civiles et politiques. Enfin, nous nous battrons contre tout troisième mandat inconstitutionnel et illégitime. Nous exigeons l’arrêt immédiat des arrestations ciblées des leaders du PASTEF, de Guy Marius Sagna, Assane Diouf et Clédor Sène ainsi que la torture ignoble des militants du PASTEF dans les prisons.
Nous invitons Macky Sall et son régime à revenir à la raison et à mettre très rapidement un terme à cette affaire qui tend à renvoyer en arrière-plan tous les autres sujets importants de la vie nationale, y compris la pandémie avec son lot quotidien de contagions et de morts. Macky Sall prendra seul la responsabilité d’engager le pays dans cette aventure incertaine. En un mot, il menace la paix civile de notre pays. C’est pourquoi, nous disons que si Macky Sall emprisonne Ousmane Sonko sur la base de ce complot d’État, les hommes épris de justice résisteront par TOUS LES MOYENS. Il aura pris, lui seul, la responsabilité de brûler le pays.
Dans ce combat pour restaurer la dignité de notre démocratie et l’éthique républicaine, le peuple sénégalais ne faiblira pas. Il s’érigera en bouclier contre la propension « démocraticide » du régime, qui cherche à éliminer tous les rivaux politiques sérieux et crédibles pour imposer une troisième candidature au peuple sénégalais en 2024. Quelles que soient les manœuvres entreprises, la démocratie triomphera dans ce pays que nous aimons au prix du sacrifice suprême.
Vive la démocratie !
Vive le Sénégal !
Dakar, le 23 février 2021
Dr Babacar DIOP, Secrétaire Général de FDS-Les Guelwaars