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Enfin, Ce N’Était Pas Trop TÔt Monsieur Le PrÉsident

« Je comprends votre colère… » C’est un “ je ” très présidentiel. Comme pour incarner toute la fonction. Il sera martelé tout au long du solo télévisé le plus délicat et le plus attendu de sa présidence. Dans un discours confession qui marquera sans doute un tournant majeur du dernier virage de son ultime mandat, le président de la République déclare « avoir compris son peuple et plus particulièrement sa jeunesse ».

Le supplice du président

On est presque tenté d’ajouter, enfin… ouf ! Parce qu’il aura fallu attendre neuf ans, neuf longues années pour assister à ce coup de théâtre politico- émotionnel où pour la toute première fois, on a vu un président, souvent plus préoccupé par lui-même que par le destin de son peuple, enfiler son costume de père de la Nation.

Pour qui connait les capacités de l’homme à produire de l’empathie, lui l’ayatollah du « force restera à la loi », lui le mollah du « j’ai décidé, un point deux traits », lui qui souffre d’un sérieux déficit d’instinct démocratique, tenir un tel discours, seul face caméra, avec tant de zèle compatissant fut certainement un long et dur moment de supplice.

Percuté de plein fouet par une contestation inédite dont il n’avait prévu ni l’ampleur ni l’échelle, certainement heurté par l’effroi de cet adolescent arborant le drapeau national et froidement abattu à bout portant, voyant son régime à un niveau de fragilité jamais atteint, Macky Sall a su trouver les ressorts et les mots qu’il fallait pour se hisser à la hauteur de la situation. Le président de la République a compris qu’il n’y avait pas plus maladroit pour apaiser un peuple en colère et en révolte, que de le sermonner. Comme à son habitude.

Il s’est exprimé avec clarté et conviction. Une prise de parole maîtrisée avec un ton juste, une posture de rassembleur et quelques accents de sauveur de la patrie pour marquer l’imaginaire commun Sénégalais : « Tous, ensemble, taisons nos rancœurs et évitions la logique de l’affrontement qui mène au pire… J’ai vu nombre d’entre vous sortir dans la rue pour exprimer la colère de votre mal-vivre… Qu’une jeunesse confrontée à autant de privations exprime son mal-vivre me parait tout à fait ».

Le jour où le pays a failli basculer

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Lorsqu’il s’agira de faire l’inventaire des années Macky, son message à la Nation de ce 8 mars 2021 restera dans l’histoire, car clôturant une longue séquence d’une gouvernance de feu et d’acier, assumée par un homme saisi d’un vertige de plus en plus autoritaire et de plus en plus répressif, après neuf ans d’une présidence liberticide et tétanisante. Tantôt costumé en président absolu déguisé en démocrate, tantôt engoncé dans un manteau d’autocrate dur, Macky Sall a fini par étrangler l’État de droit jusqu’à sa quasi suffocation.

L’arrestation arbitraire de Sonko sur fond d’un complot d’Etat aux allures d’un « Watergate sénégalais », n’aura fait qu’allumer cette mèche qui a conduit à cette violente explosion politico-sociale. Ce jour là, le Sénégal a failli basculer dans un trou noir démocratique avec l’extinction de toutes les lumières de ses balises démocratiques.

Macky Sall, se relèvera t-il de cette crise

Ville barricadée, militaires lourdement armés, blindés positionnés au centre ville, policiers et gendarmes d’élite officiant aux côtés de miliciens armés, de mémoire de sénégalais, on n’a jamais vu ça. Ce 8 mars 2021, au moment où le monde entier célébrait la femme, le Sénégal plongeait dans une véritable spirale cathartique, offrant le spectacle d’un pays en guerre.

Tous ces morts, toute cette folie destructrice et toutes ces scènes de pillages un peu partout dans le pays ont tragiquement marqué les esprits et durablement renvoyé une image hideuse de l’exception démocratique sénégalaise. Ce 8 mars 2021 restera tristement gravé dans notre histoire comme le jour où des Sénégalais ont tiré à balles réelles sur d’autres Sénégalais qui ne faisaient qu’exprimer pacifiquement leur mal être et réclamer l’arrêt de cette vendetta judiciaire contre Ousmane Sonko et le rétablissement de l’État de droit.

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Le président de la République avait promis de réduire son opposition à sa plus simple expression. Mais c’était sans compter avec Adji Sarr qui vient réduire son désir de troisième mandat à sa plus simple impossibilité. La jeune « masseuse » de vingt ans, celle par qui toute cette tragédie est arrivée, victime muette d’une grossière instrumentalisation avec cette fausse histoire de viol, a ruiné toute velléité de Macky Sall de se maintenir au pouvoir.

Ce complot pitoyable, bâclé de bout en bout, coproduit par une petite bande d’imbéciles sans foi ni loi pour discréditer Ousmane Sonko, a déclenché la plus grave crise politique sous la présidence Macky Sall. Trois jours d’émeutes meurtrières qui ont sérieusement fait vaciller son régime. Alors question d’après-crise :  le président, s’y révélera-t-il ou s’y anéantira t-il ?

Karim et Khalifa, le retour…

Une chose est sûre, s’il veut encore laisser une trace autre que celle qu’il nous a dessinée jusque-là, le chef de l’État devra frapper fort en changeant sa diligence gouvernementale devenue une immense bulle d’incompétence. Il devra surtout se séparer de ce trio maléfique constitué de son ministre de l’Intérieur, celui de la Justice et du procureur de la République.

Leur irresponsabilité dans la gestion de l’affaire Adji Sarr est en grande partie à l’origine des évènements sans précédent que le Sénégal a vécus. Aux abois, le jusqu’au boutisme de ces enivrés de pouvoir a poussé le président dans une voie sans issue.

Pour se sortir de cette impasse politico-judiciaire, le chef de l’État doit impérativement se réinventer en dessinant les contours d’une nouvelle gouvernance. Ce qui passera impérativement par un aggiornamento du champ politique en permettant à tous ses acteurs, en l’occurrence Ousmane Sonko, Karim Meissa Wade et Khalifa Sall de pouvoir participer aux compétitions électorales à venir.  

Cette crise aura surtout servi de révélateur au chef de l’État que sa firme politique siglée BBY (Benno Bok Yakaar), aujourd’hui en bout de course et à bout de souffle, n’est en fait qu’une reptation de spéculateurs politiques qui l’ont lâchement abandonné à la première bourrasque. Quid de son nouvel allié Idrissa Seck qui, avec sa foi de nouveau converti au Mackisme est devenu l’incarnation de l’apostasie politique avec ses versets hagiographiques pieusement débités pour plaire à son patrons. Chacune de ses apparitions publiques provoque un tsunami de haut le cœur chez les Sénégalais. L’image toxique du président de Rewmi ne passe désormais plus dans l’opinion.

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Comment les conseillers en communication de la présidence peuvent- ils encore aujourd’hui, laisser Macky Sall s’afficher médiatiquement et politiquement avec Idrissa Seck ? Comment se fait-il que le plus informé des Sénégalais soit le dernier à savoir qu’il est plus aisé d’apporter des preuves de l’existence de Dieu que de trouver une preuve de l’utilité d’Idrissa Seck en tant qu’allié.

Son indécente proposition de médiateur de la crise a été un fiasco absolu. Le président s’en est sorti tout seul comme un grand. Il n’a eu besoin d’aucun allié ou partisan politique pour parler à sa jeunesse et se retrouver avec son peuple.

Mais le chef de l’État risque de lourdement se tromper en analysant les récents événements sous un prisme intrinsèquement économique. La tragique séquence que notre pays vient de traverser est avant tout symptomatique de sa gouvernance absolutiste, oubliant que nous sommes un pays où ne ferme pas sa gueule, une Nation qui se gouverne au biceps.

Mais au-delà de cette crise, c’est la succession de Macky Sall et son héritage qui risquent de se jouer dans un avenir pas très lointain. L’image positive ou négative que le président de la République laissera à la postérité dépendra de sa capacité à désormais prendre conscience de ses responsabilités suprêmes. Incarner le peuple du Sénégal dans toute sa diversité. Défendre et respecter la Constitution de son pays. Notre pays. Le Sénégal.

 Malick Sy est journaliste







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