Au camarade Macky SALL, président de l’Alliance Pour la République/yaakar
Je voudrais d’emblée saluer et vous féliciter de la bonne compréhension que vous avez faite des récentes manifestations que notre pays a connues, qui étaient de larmes, de feu et de sang. Votre adresse à la nation, le 8 mars 2021, en tant que chef de l’Etat, montre que vous avez su décrypter le message du peuple exprimé à travers ces manifestions notamment dans sa fraction jeune. Elle est porteuse d’espoir quant à la résolution ferme que vous avez prise pour résoudre les problèmes sous-jacents qui ont contribué à l’amplification des manifestations.
Mais permettez-moi camarade d’aborder la crise dans sa dimension politique sinon, de vous faire part de l’analyse que j’en fais quant à la responsabilité de notre parti l’Alliance pour la république/ yaakar sans vouloir assimiler le parti à l’appareil d’Etat. Car si la cause principale est une affaire de mœurs dans laquelle serait impliquée un opposant ; les causes secondaires, elles tirent leur source des difficultés socio-économiques des populations -ce que vous avez compris à juste mesure- ; mais les ‘’causes-causantes’’ proviennent -je le pense sincèrement- du fonctionnement de notre parti, de l’attitude et du comportement des certains de ses responsables.
Camarade,
Un parti politique au pouvoir a fondamentalement pour rôle de servir de pont entre le peuple et le gouvernement que le peule a élu, et entre le gouvernement et le peuple que le gouvernement veut servir. Le parti doit aider le peuple à comprendre ce que le gouvernement est en train de faire et pourquoi il le fait ; il doit aider le peuple à coopérer avec le gouvernement…Mais le parti doit faire en sorte que le gouvernement reste en contact étroit avec les sentiments, les difficultés et les aspirations du peuple. Et il doit éduquer le peuple et l’aider à voir ce que les actions du gouvernement signifient en termes de réalisations et de possibilités futures pour le peuple.
Force est de reconnaître que notre formation politique, de manière générale, ne joue pas ce rôle. C’est pourquoi je vous fais modestement huit recommandations qu’on pourrait envisager afin de redorer le blason de l’Apr :
1.Faire revenir les personnalités fortes du parti frustrées ou écartées de la gestion des affaires publiques -Moustapha Diakhaté, Moustapha Cissé Lo, Alioune Badara Cissé, Aminata Touré, Makhtar Cissé, Amadou Ba, Omar Youm…-
Si unis nous sommes forts ; désunis, nous ne pouvons qu’être faibles. Nous sommes à l’ère du leadership au pluriel. Je suis convaincu qu’une foultitude de personnalités charismatiques autour de vous, loin de vous affaiblir vous renforcera. Il est vrai que l’action politique est dynamique. Et la nouvelle recomposition a fait que vous avez de nouveaux collaborateurs -ce que je salue-, mais pour autant, il serait regrettable que vous soyez séparé des gens qui se sont battus avec courage, par leurs personnes et leurs moyens pour votre accession à la magistrature suprême.
2.Structurer le parti de la base jusqu’au sommet
Étant donné que la noblesse en politique est la majorité ; les plus représentatifs devraient être devant. Ce désordre -personne n’est responsable de personne- qui prévaut dans le parti nous cause un grand problème. En effet, le manque de coordination dans les discours et dans l’action politique, causé par les querelles internes qui s’expliquent, en partie, par la non structuration du parti tourne à notre désavantage surtout dans la bataille de l’opinion.
3.Redynamiser les structures du parti notamment celles des jeunes, des enseignants et des cadres
Il faut le constater pour le regretter que depuis 2012 notre parti recrute très peu ou pas de jeunes et d’intellectuels d’où la nécessite d’insuffler de nouvelles dynamiques au niveau de ces structures sentinelles et avant-gardistes pour rendre le parti plus attrayant.
4.Imposer aux responsables un code de bonne conduite et veiller à son application stricte
Trop souvent des membres du gouvernement, du parlement et de l’administration -et même du parti-, tenus par l’ivresse du pouvoir, ne montrent pas par leurs actions et leurs paroles qu’ils ont le souci des gens. L’arrogance, la suffisance et la distance de certains responsables vis-à-vis des populations qu’ils sont sensés servir ne contribuent pas à embellir l’image du régime aux yeux de l’opinion.
5.Responsabiliser et/ou renforcer les plus compétents, plus légitimes et loyaux
La promotion à grande échelle de la médiocrité et/ou des gens moins représentatifs du point de vue électoral constitue un handicap majeur pour le parti. Cette crise, bien qu’éphémère, a montré, d’une part, le déficit de leadership des uns dans leurs bases, et, d’autre part, la manque de loyauté notoire des autres -la majorité des responsables promus ne se sont pas engagés dans la bataille ne serait-ce que d’aller sur les plateaux pour prêcher la bonne parole-.
6.Promouvoir davantage les jeunes du parti
Ceci contribuerait au rajeunissement tant souhaité par les sénégalais du personnel politique et nous permettra également d’avoir une ‘’armée’’ de jeunes dynamiques, compétents et très engagés qui soit en mesure de faire face à l’opposition par l’occupation du terrain politique, par la promotion de l’action gouvernementale et qui vous servira de bouclier tout en vous accompagnant dans vos choix stratégiques.
7.Repenser la communication du parti
L’Apr en tant que parti majoritaire devrait dicter le tempo du débat politique national. Mais hélas, on est sur la défense, dans la réaction. Il faudrait donc :
-définir les grandes orientations, selon le contexte, et les partager avec les différentes structures et la base et veiller à ce qu’elles restent sur la ligne du parti ;
-s’investir avec plus d’acuité sur la communication digitale -la cible, à priori hostile au régime, ne pourra être touchée qu’avec une présence accrue, intelligente et parfois agressive sur les réseaux sociaux- ;
-choisir les débatteurs que le parti envoie sur les plateaux en fonction de leurs profils, leurs aptitudes communicationnelles et les sujets à débattre.
8.Ne pas reconduire certains maires, présidents de conseils départementaux et députés lors des prochaines échéances électorales
Beaucoup parmi eux ont perdu toute légitimité -certains n’en ont jamais eu d’ailleurs- et sont désavoués par leurs bases, et quelques soient les combinaisons que le parti pourra faire ; ils ne pourront plus gagner d’élection dont leurs noms auront été directement associés.
Ayant adhéré à l’Apr depuis sa création et étant convaincu que si toutefois on perdait le pouvoir j’y resterai pour m’opposer, je vous prie, camarade Macky SALL, de prendre toutes les mesures idoines pour ‘’refaire’’ de l’Apr un parti fort, massif et attrayant.
Je vous renouvelle mon soutien et mon engagement indéfectible et prie que Dieu vous éloigne de la foule vaine et menteuse qui entoure très souvent les dirigeants Africains et qui leur font perdre la plupart des cas.
Ibrahima Thioune,
Responsable politique Apr,
Commune de Keur Mboucki/ Département de Birkilane