Au moment où le regard projeté sur le Sénégal à travers les Unes de la presse nationale et internationale lui vaut une inquiétude quant à sa stabilité, on peut s’étonner, compte tenu de la violence inouïe et son lot de morts, de commerces détruits, de biens publics et privés vandalisés qui ont secoué le pays, de voir un parti politique, « Pastef-Les Patriotes », tel un bulldozer, bousculant l’observation de toute période de décence, remettre au goût du jour certains axes de son programme.
Il aurait certainement mieux valu s’atteler à panser les plaies, réconcilier les cœurs, remettre à flot les fondamentaux qui fondent notre République et grandement mis en exergue dans les conclusions des Assises nationales.
Au contraire, sans pour autant remettre en cause son rôle de médiation, force est de constater de plus en plus le retour magistral de la religion dans le jeu politique, au grand dam des citoyens, décidément plus avancés que celles et ceux qui ont la prétention de vouloir les diriger.
En effet, tout en étant dévoués à leurs guides spirituels, ces derniers ont depuis plusieurs années montré qu’ils savaient faire la différence entre ces deux instances. C’est ainsi qu’ils ont contribué à rendre quelque peu inefficiente le « ndigël » en politique. Et puis, à cette allure où les partis politiques et autres mouvements sociaux font dans la surenchère, d’aucuns seraient certainement tentés de demander aux marabouts, (puisqu’on nous servira que les prêtres et autres saltigués, sont fortement minoritaires), de venir diriger le pays.
En attendant, les images de ces derniers jours, d’un palais présidentiel et autres bâtiments administratifs protégés par des militaires trônant sur des chars positionnés avec des mitrailleuses prêtes à vomir leurs rafales sur d’improbables manifestants, continuent d’interroger, tant elles sont l’indication de la fragilisation des institutions et des risques de voir le pays se déliter et sombrer dans les abysses de l’aventure. Une situation d’autant plus inquiétante que le Sénégal est entouré par nombre de pays ouest-africains comme le Mali, le Niger, le Burkina Faso voire le géant Nigéria, en proie aux assauts répétées de bandes armées salafistes.
Cela est d’autant plus à considérer que plusieurs alertes font état de réseaux dormants attendant tranquillement, s’ils n’y contribuent, de pouvoir se déployer à la faveur d’un chaos organisé. Aussi, les camps de gendarmerie et les bâtiments administratifs vandalisés ces derniers jours dans différentes régions du pays, les militaires qui ont sauté sur une mine en Casamance, nous obligent-ils à une plus grande prise de conscience de nos responsabilités partagées. Celles de bâtir des institutions fortes, de contribuer au renforcement d’une appartenance commune autour d’un ancrage local et global qui fait que, nés quelque part, nous puissions nous percevoir comme le produit d’un brassage territorial et exogamique.
Lequel se manifeste par une circulation des personnes, participe à la construction d’une identité plurielle dont plusieurs de nos villes comme Ziguinchor, Dakar, SaintLouis, Thiès, etc., cosmopolites et multiculturelles, sont des témoins vivants. Cela est d’autant plus important qu’il souffle présentement un vent de dérèglement avec une rationalité de plus en plus mise à mal, à l’image de cette édifiante contradiction qui, tout en affirmant se battre pour la séparation des pouvoirs, demande de “ mettre fin au complot politico-judiciaire contre Ousmane Sonko”.
Vaine tentative consistant à vouloir faire oublier qu’au début de tout cet imbroglio se trouve une affaire strictement privée opposant un citoyen à une autre citoyenne. Et qu’à ce titre, Adji Sarr a la même dignité que n’importe qui et mérite que sa saisine soit prise en compte par la justice. En allant ainsi jusqu’au bout de ce qui lui incombe, cette dernière se révèlera alors comme un ultime rempart.
A l’évidence dans les entrailles de ce pays, gronde comme qui dirait une soif d’excellence, un besoin de s’en sortir et de voir définitivement enterrés des problèmes ayant trait à la pauvreté, à des élections truquées, à la précarité, à la dépendance vis-à-vis de quelques pays, que ce soit la France, la Chine, la Turquie ou autres, pour se focaliser sur nos intérêts propres et ceux du continent. 61 ans après les indépendances, il fleure bon en effet de tourner les pages désespérantes des attentes déçues pour ouvrir celles qui embrassent l’espoir véritable avec la politique retrouvant enfin sa noblesse nourricière.
Et pour cela, doit s’édifier un véritable leadership, refusant de se laisser aveugler par les courtisans et par une soif de puissance, insufflant aux Sénégalais de toutes conditions, l’idée selon laquelle rien de grand ne peut s’édifier dans la tricherie et la facilité mais dans la sueur et l’effort. Aussi, revient-il au chef de l’Etat, de décrypter le message qui s’est exprimé sur l’ensemble du territoire national, de prendre avec hauteur et responsabilité les mesures appropriées en vue de rétablir la confiance, montrant ainsi à ses compatriotes et au monde que la seule chose qui le taraude désormais est de contribuer à ce que le Sénégal sorte de l’ornière, en s’employant à lutter contre la corruption, la concussion, le népotisme.
A moins de 3 ans de la prochaine élection présidentielle, il est encore donné au chef de l’Etat des plages d’opportunités pour se révéler en véritable leader soucieux de la transparence, qui refuse toutes sortes de manipulations de quelque bord que ce soit, respecte scrupuleusement l’esprit de la Constitution.
Aussi, serait-il souhaitable que la compétition présidentielle à venir puisse se dérouler dans le calme et la tranquillité, de sorte que les électeurs puissent faire le choix entre différentes offres politiques, en lieu et place d’une sainte alliance contre une candidature. Et demain, pour que le Sénégal continue d’avancer, s’impose plus que jamais une introspection. Tel est l’enjeu. C’est le seul qui vaille.