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Honneur Et Patrie

Honneur Et Patrie

Mon enfance à Pikine a été rythmée par les courses vers le tristement célèbre camp militaire de Thiaroye où des centaines de tirailleurs sénégalais périrent en 1944 ; leur seul crime était constitué d’une réclamation de solde à l’Administration coloniale. Le vieux Fokker de l’Armée de l’air crachait des petits points noirs, puis le voile se libérait subitement. Les parachutistes, parmi eux le héros des gamins de Pikine, le capitaine Adama Ndiaye alias Dina, décédé en 2004 au Liberia, nous donnaient ainsi rendez-vous au terrain de football du camp. D’un seul corps, nous courrions vers le point de chute de ces humains volants. Plus tard, je me suis trouvé des amis au bataillon des parachutistes que j’aimais fréquenter pour écouter les récits de leurs opérations dans la forêt en Casamance.

Il me plairait de retourner me promener au camp de Thiaroye pour épier les militaires et les admirer de loin, malgré leur mine sévère et leur rudesse inamicale. De ces beaux moments de communion de mon enfance, j’ai gardé une fascination pour l’institution militaire que mes convictions de gauche n’ont jamais pu effacer. Chaque défilé du 4 avril, je suis étreint par l’émotion quand je vois l’Armée parader, montrant que nous sommes une Nation debout, prête à défendre l’intégrité du territoire ainsi que les biens et les personnes jusqu’au sacrifice du sang. Je souffre à chaque fois que l’information d’un jambaar tué ou blessé me parvient. Ces hommes sont des compagnons de route de quelque chose qui nous dépasse, quelque chose de très grand : la Nation.

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C’est parce que je sanctifie l’Armée que les agissements de ce capitaine de la Section de recherches de Colobane m’ont choqué. Un officier déloyal, quel que soit ce qu’il prétend défendre, ne mérite ni égard ni soutien. Le serment «Honneur et patrie» ne doit jamais quitter un militaire. C’est un précédent dangereux pour notre pays qui illustre encore l’abaissement de l’Etat et l’affaissement de la République. L’Armée est le dernier symbole de l’honneur, du courage et de la grandeur. La place d’un militaire qui trahit son serment n’est pas dans un studio de radio pour recevoir célébrations et félicitations. Manque-t-on à ce point de héros pour célébrer un homme déloyal qui a trahi son serment ? Célébrer aujourd’hui ce capitaine, c’est demain pleurer sur les ruines d’un pays qui aura disparu.

Pendant que le capitaine pérorait sur Facebook et paradait sur YouTube, un valeureux concitoyen est mort au front. Un soldat est tombé sur le champ d’honneur dans la zone que l’Armée vient de reprendre, après quarante ans, aux irrédentistes du Mfdc. Ce soldat est mort dans l’anonymat, entre Sikoun et Bilass. Qui connaît son nom ? Qui imagine les larmes de sa mère ? Qui devine le désarroi de sa famille ? Ce soldat représente le courage, l’honneur et le sens du sacrifice.

Les médias devraient davantage parler de lui pour que son sacrifice pour la Nation soit érigé en modèle pour nos enfants. Il faut parler à nos enfants du capitaine Mbaye Diagne, du capitaine Dina Ndiaye, du soldat du Gign Mohamed Kâ, symboles du courage et de la dignité, de l’honneur et du sentiment sacrificiel pour cette grande cause qu’est la Nation. Je n’ai vu dans notre pays que des militaires mus par le devoir de servir et le sens de l’honneur. Leurs conditions de vie sont difficiles, mais ces hommes tiennent, la tenue impeccable, le buste droit et la posture digne. Ils représentent la République, c’est-à-dire ce qui nous restera quand tout se sera affaissé.

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Ce pourquoi ces hommes qui se battent les dépasse. Ils sont conscients de faire partie de quelque chose de plus grand qu’eux, de plus élevé que leurs petites frustrations et leurs ego. Ce quelque chose qui les dépasse s’appelle Sénégal. Cette allégeance commune qui surpasse nos appartenances politiques, ethniques, confessionnelles ou confrériques.

Dans des moments de crise, il faut toujours s’arrêter et se rappeler pourquoi nous nous battons. Je pense qu’il s’agit d’honorer la transmission. Transmettre le Sénégal que nous avons reçu en héritage à nos enfants, pour que toujours nous soyons une Nation debout, prête à donner et recevoir afin de contribuer à la grande aventure humaine.

La conscience républicaine fait que des gens se battent seuls sans témoin pour non pas leur gloire, mais pour préserver notre pays et contribuer à renforcer sa grandeur.

Avec l’instituteur, le soldat est le pilier de la République. Les deux, de manière anonyme, garantissent la promesse républicaine dans une classe à Pikine ou dans une tranchée à Nyassia.







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