Revisiter le répertoire musical de Thione est devenu , de mon point de vue, une exigence morale pour tout Sénégalais épris des valeurs de son peuple et souhaitant connaître son histoire .Cela est d’autant plus vrai que la leçon que je tire des chansons du Pharaon des Faramarènes est qu’il conforte ce que Pierre Brunel disait de l’écrivain à savoir : »la page qu’il écrit est inséparable du présent qu’il vit et d’un passé lointain dans lequel il plonge ses racines. » C’est dire que l’homme, dont la mort fut comme une secousse tellurique qui déposa dans le cœur des Sénégalais des myriades de scories incandescentes, est un homme qui sut jeter un pont entre le passé et le présent pour que , pour parler comme Gide , »la graine ne meure point ».
Thione Seck fit de son art le seul moyen pour l’homme de léguer son image à l’histoire. Il puisa dans les évènements passés pour construire le présent et scruter un avenir radieux .Si son franc-parler était rare , c’est qu’il comprit que le mensonge de l’artiste est pire que celui d’un roi. Dire la vérité était, pour lui, un devoir envers soi et les autres , mais aussi un sacerdoce .Des monuments comme Thione doivent être honorés , célèbres de leur vivant , pour que la jeunesse puisse apprendre de leur œuvre et de leur parcours.
En partance pour la Casamance ,en 2000, où je devais officier comme professeur de Lettres , j’emportai comme viatique ses chansons traditionnelles .Celle qui me marqua le plus est celle qu’il dédia à son père spirituel , Laye Mboup, dont il reprit quelques paroles pour magnifier la fécondité de ses thèmes et la beauté de ses paroles qui plaisent au cœur comme à l’oreille .Pour témoigner de sa fidélité à son maître, Thione seck ne chanta jamais dans le vide et ses chants ne s’adressaient point au profane . Philosophiques furent ses chansons qui, d’ailleurs, étaient d’une haute portée didactique et d’une haute facture esthétique .A cet homme qui est parti sur la pointe des pieds, je voudrais rendre un vibrant hommage. Je prie pieusement que Dieu l’accueille en son paradis le plus élevé .Il n’est pas mort , mais il s’est éclipsé : les artistes ne meurent .Ils survivent à travers leurs éternelles œuvres .
Félix MBOUP
Professeur de Lettres