Il est encore trop tôt pour tirer tous les enseignements des manifestations populaires survenues dans notre pays, début mars et provoquées par l’affaire politico-judiciaire, dans laquelle le leader du PASTEF est cité. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elles traduisent le réveil des masses populaires – surtout des couches jeunes – après une longue période de léthargie politique de près de 9 ans et leur irruption remarquable sur la scène sociopolitique, ce qui n’est pas une nouveauté dans notre pays.
Citons, pour mémoire, les soulèvements populaires lors des élections municipales de 1960 ayant abouti à la dissolution/interdiction du PAI en juillet de la même, la crise politique de 1962 ayant opposé le président Senghor et Mamadou Dia, les fusillades de 1963 aux Allées du Centenaire avec des dizaines de morts, sans oublier les manifestations épiques de Mai 1968.
En 1988, on assista à une crise post-électorale très grave et en 1993, à l’assassinat du vice-président Conseil constitutionnel. Avec l’alternance de 2000, les mouvements de protestation prirent une tournure plus socio-économique, avec les révoltes des marchands ambulants du 21 novembre 2007 et les émeutes de l’électricité. Plus tard vers la fin du second mandat du président Abdoulaye Wade, la dynamique des Assises Nationales ramena les revendications démocratiques au-devant de la scène, avec le soulèvement historique du 23 juin 2011 et les mobilisations citoyennes contre le troisième mandat, sous la houlette du M23.
L’exacerbation de la tension sociopolitique observée au début de ce mois de Mars a donné lieu à des émeutes meurtrières dans tout le pays avec un lourd bilan de 13 morts, plus de 500 blessés et des centaines d’arrestations. Même si elles ont été déclenchées par l’affaire opposant le leader du PASTEF à une jeune masseuse, ces révoltes de la jeunesse posent, en fait, la problématique de l’instrumentalisation de la Justice par le régime de démission nationale de Benno Bokk Yakaar.
En effet, depuis son accession au pouvoir, le président Macky Sall, au lieu d’opérer les ruptures attendues sur les questions de démocratie, d’État de droit et de souveraineté économique, semble dérouler un agenda fortement inspiré par les enjeux ayant trait aux ressources pétrolières et gazières, sur lesquelles, il détenait des informations de première main.
Cette volonté de mainmise sur les ressources nationales au profit de son clan familial, des intérêts néocoloniaux français et des majors pétrolières pouvait difficilement s’accommoder d’avancées démocratiques telles que proposées par l’avant-projet de constitution de la CNRI. Le pouvoir néolibéral préfèrera tout simplement lui substituer un projet de réforme constitutionnelle, qu’il soumettra au référendum du 20 mars 2016, après l’avoir expurgé des principes essentiels d’une refondation institutionnelle bien comprise.
À ces dysfonctionnements institutionnels, source, à eux seuls, d’instabilité sociopolitique durable est venue se greffer une situation économique catastrophique aggravée par la pandémie de COVID-19 et caractérisée par des choix de gestion désastreux. Il s’agit de la création d’institutions budgétivores de même que la part belle faite à la construction d’infrastructures souvent non prioritaires, à l’origine d’une augmentation du train de vie de l’État et ponctuée de scandales financiers, par le biais de marchés de gré à gré…
L’incapacité du pouvoir actuel, tout comme ses prédécesseurs à mettre en œuvre une politique de formation-emploi adéquate est à l’origine du désœuvrement de la jeunesse de notre pays et des drames liés à l’émigration clandestine, avec son lot de morts.
Au vu de cette situation, le Comité pour la Plateforme de Réflexions « Dooleel Pit-Sénégal ngir defaraat reewmi » :
- S’incline devant la mémoire de nos martyrs, souhaite un prompt rétablissement aux blessés ;
- Salue le rôle de régulation joué par la société civile, notamment les guides religieux, ce qui a permis d’éviter le pire, tout en révélant une déliquescence de l’autorité de l’État ;
- Soutient les points inscrits dans le mémorandum du Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D), dont la satisfaction aidera à décrisper l’atmosphère sociopolitique ;
- Déplore le renchérissement du coût de la vie et les agressions consécutives à la crise sanitaire due à la COVID-19, subies par les travailleurs, notamment dans les secteurs de la Santé et de l’Éducation, dans l’hôtellerie, dans le secteur informel, etc. ;
- Invite à se démarquer de la ligne de collaboration de classe prônée par certains leaders syndicaux et politiques et à s’impliquer plus activement dans la lutte actuelle pour le renouveau démocratique de notre pays, ce qui sera le plus sûr garant contre le vandalisme et les dérives extrémistes.
Le Comité demeure plus que jamais convaincu de la nécessité, au-delà de la situation actuelle, d’instaurer un large débat national de toutes les forces vives du pays ; centré sur les questions de démocratie, de libertés, de la refondation institutionnelle, de justice sociale et de la souveraineté économique, dans l’esprit des Assises Nationales.
Cela devra se faire dans le cadre d’une concertation nationale délibérative, dont les décisions consensuelles devront être appliquées par le Chef de l’État.
Dakar, le 18 mars 2021
Le C.P.R « Dooleel PIT-Sénégal ngir defaraat reewmi »