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Alpha CondÉ, Le Ressentiment Permanent

Alpha CondÉ, Le Ressentiment Permanent

Notre brillante compatriote, l’écrivaine Fatou Diome, dit souvent à la jeunesse africaine que «le ressentiment n’est pas un projet mais un frein à tout». Le Président Condé, qui n’est plus si jeune, devrait aussi s’approprier cette sagesse. En septembre 2020, le Président Alpha Condé ferma sa frontière avec le Sénégal. A Dakar, on ne s’en rendit même pas compte. Ce fut un non-évènement. Sept mois après, il a fallu que Condé en parle à Jeune Afrique pour que le Sénégal se rappelle et se souvienne que la frontière était toujours fermée. Ce qui confirme que la fermeture de la frontière guinéenne a été et demeure un non-évènement à Dakar. Si l’histoire des relations internationales est avant tout une question de rapport de force, on voit nettement où penche la balance.

Il avait affirmé lors de l’épidémie d’Ebola que le Sénégal avait fermé ses frontières alors que, selon lui, la Guinée nourrit le Sénégal. Depuis septembre 2020, la frontière est fermée et le Sénégal n’est pas mort de faim. Alpha Condé cherche une voie de sortie honorable pour ouvrir la frontière ? Et c’est parce que la sortie de Alpha Condé dans Jeune Afrique a été un non-évènement à Dakar qu’il a changé de stratégie en sortant le riti pour le 4 avril, en «nous assurant de sa ferme détermination à œuvrer de concert avec vous pour le renforcement et la diversification de nos liens d’amitié de fraternité, unissant si heureusement nos deux pays». Le Sénégal a très bien fait d’être constant en traitant toutes ces gesticulations de Condé comme des non-évènements. Il avait fermé unilatéralement sa frontière. S’il veut la rouvrir, il n’a qu’à le faire unilatéralement. Ce n’est pas au Sénégal de lui fournir un prétexte, ou une porte de sortie honorable.

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Comme je l’ai souligné dans ma dernière chronique, Condé poursuit le Sénégal d’un ressentiment tenace qui remonte d’avant les indépendances, à cause de frustrations d’étudiant à la Feanf. C’est ce ressentiment permanent qui explique sa joie à peine dissimulée lors des émeutes qui ont coûté la vie à une dizaine de nos compatriotes. C’est aussi ce ressentiment qui explique qu’il ait servi de bouclier pour sauver Yahya Jammeh, le Néron de Banjul, qui attisait le feu en Casamance pour une partition du Sénégal. Il y a un proverbe arabe qui dit : «Il est préférable de choisir le voisin avant la maison et le compagnon avant le voyage.» Un pays fait son histoire mais subit sa géographie. Donc, le Sénégal et la Guinée sont des voisins et aucun ne peut déménager, mais heureusement le compagnonnage avec Condé est limité dans le temps, s’il est probable qu’il va céder à la tentation du 4e mandat. Qui aimerait avoir un voisin qui se réjouit de vos malheurs (les émeutes qui ont fait une dizaine de morts) et va servir de bouclier pour sauver un de vos pires ennemis (Jammeh). Pour justifier son bras de fer avec Macky Sall, Condé invoque la vieille rivalité entre les deux titans Senghor et Sékou Touré. Il a raison. Tout est parti de là.

Sékou Touré a été, comme l’a écrit Sennen Andriamirado, un «un héros» avant de devenir un «tyran» sanguinaire. De Sékou Touré à Condé, la Guinée est passée de l’avant-garde incarnant le rêve et la fierté africaine, à l’arrière-garde. Sékou Touré a fait entrer la Guinée dans l’histoire en 1958, ses successeurs l’en ont fait sortir.

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Sékou Touré a brisé son élan et celui de la Guinée parce qu’il s’est enfermé dans le piège identitaire, avec une quête permanente de complots souvent imaginaires comme le fait Condé aujourd’hui. Contrairement à Sékou Touré et son obsession des complots, Senghor s’est courageusement mis à l’œuvre pour bâtir une Nation mais surtout un Etat, qui est aujourd’hui notre bien le plus précieux. C’est parce que Senghor s’est battu pour une Nation et un Etat que Diouf a consolidés, que le Sénégal a souvent été une terre d’asile démocratique pour Condé quand il était opposant. Ce Sénégal dont il se réjouit des malheurs et qui l’a pourtant sauvé des geôles de Lansana Conté. D’ailleurs, dans les milieux diplomatiques, on raconte l’anecdote que, «il n y a que Condé qui a réussi la prouesse d’énerver l’irréprochable Bruno Diatta, dont le flegme et le sang-froid étaient légendaires». Quand le Président Diouf en visite à Conakry, sauva Condé des geôles de Lansana Conté, il le ramena à Dakar dans son avion et le fit loger au Méridien. Condé appela Bruno Diatta, non pas pour le remercier des dispositions prises pour le loger mais pour protester qu’on ne lui ait pas donné une suite. Le Sénégal a toujours été une terre d’asile naturelle pour les opposants africains (de la Swapo à Condé), mais aussi refuge pour anciens dictateurs qui viennent chercher la protection de notre Droit et de nos lois qui étaient une denrée rare sur le continent.

Eyadema avait fait la querelle à Wade : «Mes opposants se réunissent à Dakar alors que tes opposants ne sont pas à Lomé.» Les opposants sénégalais n’ont pas besoin de terre d’asile parce qu’ils peuvent se réunir librement au vu et au su de tout le monde. Condé poursuit le Sénégal d’un ressentiment qui remonte aux années d’avant-indépendance. Vu l’ampleur et la profondeur de cette frustration et de ressentiment plus âgé que le Sénégal indépendant, on a qu’à remercier Dieu que Condé n’ait pas le pouvoir de dévier le cours du fleuve Sénégal et de l’empêcher de couler vers Saint-Louis.

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S’il en avait le pouvoir, il l’aurait fait sans hésiter. Remercions aussi Dieu de nous avoir donné Léopold Senghor qui, en plus d’avoir renforcé le sentiment national (le contraire de la Guinée) et de nous avoir laissé cet Etat qui est notre avantage absolu, et qui permet au Sénégal de rester à l’avant-garde des démocraties avec l’alternance devenue la respiration naturelle de notre démocratie. N’en déplaise à Condé, c’est parce que nous sommes à l’avant-garde que l’opinion internationale s’émeut des émeutes à Dakar, alors qu’elles sont une banalité dans d’autres pays. Les Sénégalais ne doivent jamais l’oublier. Quelles que soient nos différences politiques, notre pays a un rang à tenir car les autres se projettent sur nous et aspirent à atteindre nos standards democratiques.







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