Je le dis sans détour, écrire un papier sur la gouvernance de l’information numérique dans les organisations publiques à l’ère des gouvernements ouverts est enivrant pour un professionnel de l’information comme moi, passionné de la chose publique. La décision de coucher ce papier résulte d’une observation fine dans un contexte particulier où l’information est au cœur des missions des pouvoirs publics. Comme le stipule le sociologue Manuel Castells, « la société de l’information est une forme particulière d’organisation sociale, dans laquelle la création, le traitement et la transmission de l’information deviennent les sources premières de productivité et du pouvoir. [1]» Les organisations publiques ont un grand besoin en matière d’information. Cette dernière leur permet de mieux répondre aux attentes des administrés, car la valeur information est un outil d’éclairage et d’aide à la décision eu égard des politiques publiques établies, etc. Mais il arrive que ces organisations rencontrent des difficultés majeures avec ce matériau indispensable, qu’est l’information. En effet, les organisations publiques évoluent dans une société dite informationnelle. Cette dernière est caractérisée par une surabondance, une explosion considérable des données et une multiplication des sources. Tous les segments qui composent cette société connaissent cet état de fait. Et les organisations publiques sont concernées. Elles reçoivent un trop-plein d’informations qui nécessitent une bonne gestion. L’essor des technologies de l’information et de la communication (TIC) ont changé profondément le mode de fonctionnement des services publics. Quelle que soit leur taille, les organisations publiques doivent organiser l’accès et le partage de l’information. Car ce double travail est aussi un gage de sécurité à l’aune de la fuite de données à caractère personnel.
C’est quoi la gouvernance de l’information ?
A l’époque de l’open data, la gouvernance de l’information est devenue un sujet majeur dans la vie des organisations publiques. Car elle apporte des réponses aux risques informationnels auxquels ils sont confrontés, que cela soit à des fins de sécurité, de conformité ou de performance[2]. Par ailleurs, la gouvernance de l’information donne un cadre stratégique composé de processus, de normes, de rôles et paramètres qui appuient les services publics dans la gestion de l’information.
Le concept de gouvernance de l’information est un phénomène récent. Il a gagné en popularité vers 2008 dans les pays anglo-saxon avant de se répandre en France. En effet, la gouvernance de l’information est une discipline qui a une mutation profonde et culturelle de l’usage de l’information. Elle offre aux organisations qui l’appliquent une approche plus large de leur environnement, d’avoir une vue globale de l’information, de mieux saisir les angles morts et maitriser les risques aux regards des menaces et d’en saisir des opportunités[3]. Autrement dit, la gouvernance de l’information donne aux organisations un cadre bien structuré afin de maitriser l’information durant tout son cycle de vie. Mais pour y parvenir, la gouvernance de l’information doit s’adosser sur une stratégie claire avec en toile de fond des politiques, des normes et des standards.
Les enjeux de la gouvernance de l’information à l’ère de l’open data
Au début des années 2010, le développement de l’open data s’est accéléré en France. Beaucoup de colloques, de séminaires, de journées d’étude sont organisés donnant naissance à des rapports, des articles, des livres pour sensibiliser les acteurs publics. Car les enjeux liés à l’information dans les services publics sont nombreux. La révolution numérique avec son lot de données a profondément bousculé le mode de fonctionnement des organisations publiques. Les données détenues par les services publics sont ouvertes afin de favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique. Conscient de cet état de fait, une ville comme Paris a appliqué un processus d’ouverture des données[4]. En effet, depuis 2011, la municipalité de Paris a ouvert une plateforme dénommée « Paris Data » pour permettre à tout citoyen de Paris par-delà la France d’accéder aux données numériques de la municipalité : informations transports, statistiques, textes réglementaires, etc. Une panoplie de thématiques sur la réutilisation des données est alimentée comme le montre le tableau en illustration de ce texte.
La gouvernance de l’information peut-être un bras armé efficace de l’Etat du Sénégal dans son pilotage des politiques publiques
La gouvernance de l’information est une notion holistique, définie par SerdaLab comme une stratégie mise en place pour une meilleure gestion de l’information (documents, données, etc.) nécessaire au bon fonctionnement de toute organisation[5]. Une politique qui porte sur la gouvernance de l’information numérique est fort important pour les organisations publiques sénégalaises. Car elle regorge plusieurs crédits. Une politique de gouvernance de l’information permettra davantage à l’administration sénégalaise d’être efficace dans son travail quotidien surtout dans la gestion des documents. Elle sera aussi plus résiliente et proactive sur la gestion des risques liés à plusieurs facteurs comme la fuite des données. Par ailleurs, une politique de gouvernance de l’information aidera l’administration sénégalaise à identifier les grandes orientations qui apporteront de nouvelles pratiques dans son fonctionnement. En outre, cette politique lui permettra de développer son agilité mais aussi de mieux gérer la gouvernance des données publiques comme par exemple la protection des données personnelles. En sus de cela, à l’aune de l’open data, une telle politique permettra à l’administration de réduire les redondances liées à l’information, d’être plus résiliente, d’améliorer au sein de ses différents services, ce qu’on appelle le Knowledge management avec la mise en place de communautés de pratique pour relier les connaissances et faciliter le travail collaboratif. La gestion publique sera plus horizontale. Mieux, les citoyens sénégalais pourront être des vigies de l’action des services publics et de voir les dysfonctionnements, gage d’une démocratie substantielle. Le Sénégal promeut le développement durable dans ses politiques publiques. Pilotée par l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE), la gouvernance de l’information peut jouer un rôle de premier plan dans cette démarche de développement durable afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
[1] ACCART, Jean Philippe. Le sommet mondial sur la société de de l’information. In Bulletin des bibliothèques de France, 2004, n°6, p.68-73. Disponible en ligne : Le sommet mondial sur la société de l’information | Bulletin des bibliothèques de France (enssib.fr)
[2] Zwarich Natasha, Maurel Dominique. La gouvernance de l’information : Et ses impacts sur la formation des professionnels de l’information au Québec. In. Information, données & documents 2020/1, n° 1, p.51-55. Disponible en ligne : La gouvernance de l’information | Cairn.info
[3] Livre-blanc-sur-la-gouvernance-de-linformation-observatoire-GouvInfo-2012-V9.pdf
[4] Courmont Antoine. Ce que l’open data fait à l’administration municipale : La fabrique de la politique métropolitaine de la donnée. In Réseaux, 2019/6, n° 218), p.77-103. Disponible en ligne : Ce que l’open data fait à l’administration municipale | Cairn.info
Birane Diop est Spécialiste en Information numérique (GED)