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AlgÉrie, Rwanda, La Repentance À Petites GorgÉes

AlgÉrie, Rwanda, La Repentance À Petites GorgÉes

Emmanuel Macron a donc reconnu, «au nom de la France», que l’avocat algérien Ali Boumendjel avait été «torturé et assassiné» par l’armée française en 1957. Ce n’est pas un scoop puisqu’il y a vingt ans déjà que l’exécuteur en chef de ce crime l’avait dit et écrit, précisant même, pour ajouter à l’horreur, qu’il avait fait transférer le résistant algérien du rez de chaussée de l’immeuble où il était détenu, au sixième étage, pour rendre crédible la thèse officielle du suicide !

La vérité c’est que la France a toujours mal à son passé colonial, alors par intervalles réguliers, elle distribue des remèdes homéopathiques, comme le font toutes les autres nations dont la prospérité a été fondée sur l’une ou plusieurs de ces trois grandes tragédies humaines :

-la traite négrière, la transaction commerciale qui, dans l’histoire de l’Humanité, a connu le plus fort taux de profit, ce qui explique qu’elle ait pu durer trois siècles ;

-l’extermination des Amérindiens, plus meurtrière encore, puisque, selon un historien, le nombre de ses victimes était si massif que cela a provoqué… un refroidissement du continent américain ;

-l’exploitation coloniale, dont certains pays, notamment en Afrique, ne se relèvent toujours pas.

C’est toujours en trainant les pieds, en ordre dispersé et de manière inégale que les Etats qui portent ce lourd fardeau ont assumé leurs responsabilités. Le plus puissant d’entre eux, les Etats-Unis d’Amérique, ont tardé à faire leur mea culpa, mais quand ils ont franchi le pas, ils ont manifesté leur contrition sans ambages. Les présidents Clinton, à Kampala, et Bush, à Dakar, ont l’un , exprimé «  ses regrets  (pour la traite des esclaves), pire péché » des Etats-Unis, l’autre affirmé que celle-ci avait été «  un des plus grands crimes de l’histoire ».

La Chambre des Représentants puis le Sénat américains, Démocrates et Républicains confondus, ont adopté des résolutions présentant les « excuses » du gouvernement et du peuple américains pour « l’injustice fondamentale, la cruauté, la brutalité et l’inhumanité  de l’esclavage et de la ségrégation raciale envers les Noirs» ! Les Noirs ne sont pas les seuls bénéficiaires de cette compassion puisque qu’une « politique de réconciliation » a aussi été adoptée en direction des peuples amérindiens, auxquels on a promis d’accorder plus de pouvoirs ou de visibilité. Pour les Indiens, comme pour les Noirs, tous les engagements n’ont pas été respectés, Donald Trump s’est même permis de tourner en dérision les racines cherokees d’Elisabeth Warren en la qualifiant de Pocohantas, il n’en reste pas moins que la décision de Joe Biden de nommer une personnalité de souche amérindienne à un poste ministériel important constitue une première historique. Ce n’est pas rien, puisqu’en cent cinquante ans de République française, aucun Français ressortissant d’Afrique ou de l’Outre-Mer n’a accédé à des fonctions ministérielles dans un domaine de souveraineté, à l’exception de Christiane Taubira…

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Parmi les anciennes puissances coloniales, le Royaume-Uni est le pays qui a exprimé sa contrition de la manière la plus originale. Au niveau local, une municipalité, celle de Liverpool, ancien port négrier, a pour la première fois au monde, présenté ses « excuses officielles » pour sa participation au commerce des esclaves.

Au niveau central, le gouvernement britannique a, entre autres aveux, reconnu « la brutalité de la répression » que son pays avait menée au Kenya contre les Mau-Mau et pris l’engagement d’indemniser les victimes et de déclassifier ses archives. Enfin, des entreprises, publiques ou privées (banques, sociétés d’assurances…) ont tenu à s’excuser pour «  les liens qu’elles ont pu avoir avec l’esclavage. » Citons, pour terminer ce survol rapide, le cas de la Belgique, qui, non contente de reconnaitre sa responsabilité dans l’assassinat de Patrice Lumumba, a, par la voix de son roi, présenté à la RDC ses « regrets » pour la douleur infligée au peuple congolais. Ce ne sont pas tout à fait des «  excuses  », mais personne en Belgique ne refuse que le débat soit ouvert.

Alors quid de la France ?

La France ne s’excuse ni ne se repent  : qui peut imaginer que le Général de Gaulle présente ses excuses pour l’assassinat de Ruben Um Niobé et Felix Moumié par l’armée et le contre-espionnage français ? En réalité le refus de la contrition est dans les gênes du personnel politique français et on ne peut pas non plus imaginer Macron s’excuser pour ses tâtonnements dans la gestion du Covid, ce qu’a fait Angela Merkel, ou pour les bavures commises par son armée au Mali, même si elles sont attestées par l’institution qui est le garant du droit international !Ses prédécesseurs avaient ,après de longues hésitations, pris des positions courageuses sur la déportation des Juifs, mais aucun président français n’est apparemment prêt à tenir sur la colonisation et l’esclavage un discours comparable à celui de Chirac sur la rafle du Vel d’Hiv.

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Les plus courageux ont préféré s’abriter derrière des lois votées au Parlement ou prendre en compte les travaux des historiens, car, selon Nicolas Sarkozy, «  la repentance est une haine de soi ! » Pour que tout soit clair, François Fillon avait surenchéri : la France « n’a pas inventé l’esclavage  », et la colonisation a été pour elle un acte humanitaire, l’occasion de « faire profiter sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique » …

Le rapport Duclert sur le Rwanda pourrait n’être, comme tous les travaux de mémoire qui l’ont précédé, qu’un outil politique, d’autant que ,nous rappelle Paul Valéry, « chaque historien nous tend une tête coupée qui est l’objet de ses préférences ».Le document affirme certes que la France a des « responsabilités lourdes et accablantes » dans la tragédie rwandaise, mais ajoute, pour la dédouaner, qu’elle n’est pas « complice », raisonnement pour le moins curieux car, dans les tribunaux ordinaires, la peine infligée aux responsables est généralement plus forte que celle que celle des complices ! Peut-on même réfuter la complicité de la France après avoir affirmé qu’elle a apporté « un soutien aveugle » à un régime « raciste, corrompu et violent », que son président a ignoré sciemment la réalité, que son ambassade, ses forces armées se sont impliquées dans la formation d’un gouvernement intérimaire et dans la fuite des génocidaires ? Pourtant tout cela ne vaut pas une once de repentance en France, mais au fond, le débat sur ce sujet a-t-il encore de l’intérêt au vu des résultats obtenus dans les pays où elle a été exprimée ?

Le rapport Duclert n’apporte pas fondamentalement de connaissances nouvelles, ses auteurs, de leur propre aveu, n’ont pas épuisé le sujet, la question est donc de savoir quelle suite lui sera donnée. Il marquerait un grand pas si, pour une fois, il donne lieu à une procédure judiciaire à l’encontre des personnes suspectées de crimes ou de complicité de crime. Si on prend en considération l’inculture profonde des dirigeants politiques français sur l’Afrique et ses peuples, qu’il a confirmée et qu’avait déjà mis en évidence l’insultant discours de Nicolas Sarkozy à Dakar. Si ce constat peut pousser les Français à cesser de croire que les sentences jupitériennes de leurs dirigeants peuvent changer notre existence, et que l’histoire de l’Afrique c’est l’histoire de la France en Afrique.

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S’ils réalisent que l’on ne peut pas remplacer une supercherie par une supercherie et que, par exemple, rendre un sabre saisi dans les bagages d’un chef vaincu, ce n’est pas restituer une œuvre d’art, qui est l’expression du génie d’un peuple  !Si les dirigeants français décident de ne plus attendre qu’on leur torde la main pour reconnaitre les dérives de leurs politiques africaines : il y a les intraitables, Algérie et Rwanda, mais il y a aussi d’autres foyers de violence qui sont passés sous silence  : Madagascar Cameroun …Thiaroye. S’ils se décident, enfin, à démomifier leurs archives coloniales et, quand elles ne sont pas rapatriées, à les ouvrir à tous les chercheurs. Les chercheurs africains doivent y avoir un accès facile et pouvoir donner leurs avis sans attendre le verdict de l’Elysée. Car nous nous inspirerons désormais de Saint Thomas : nous ne croirons que ce que nous aurons vérifié par nous-mêmes !







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