C’est l’inoubliable Ndiaga Mbaye qui disait : « Suul Ker duko tere feeñ », enterrez une ombre, elle sera toujours là.
Le 80e anniversaire de la diva des lettres sénégalaises a confirmé cet adage car la dimension de l’icône des lettres sénégalaises et africaines ne pouvait faire l’objet d’aucune discrimination surtout que cette dimension dépasse les frontières africaines. Pour appartenir à l’universel, Aminata Sow Fall transcende les considérations crypto-personnelles. Elle n’appartient à aucun clan, aucune secte, mais à tout un monde amoureux de la culture en général, de l’écriture en particulier. Mes relations avec Aminata Sow Fall ne sont ni conjoncturelles ni circonstancielles, mais elles datent de plus de 40 ans.
Aminata est d’abord une sœur, une ainée, une référence très liée avec ma sœur Ndella Bèye Sabara, qui était l’une des conseillères techniques du Ministre d’Etat Assane Seck. Aminata Sow Fall, avec qui j’ai toujours entretenu des relations fraternelles et professionnelles, m’a toujours montré son affection, son attachement tout en m’accordant sa confiance.
Avec feu Mamadou Traoré Diop, nous fumes ses collaborateurs les plus constants. Mon admiration pour Aminata n’est pas seulement humaine, elle est aussi professionnelle car son écriture qui nous unit est d’une qualité qui forge le respect dès les premiers signes. Son style montre son ancrage dans les valeurs trans-temporelles et s’inscrit toujours dans une dynamique d’enracinement sans renoncer à l’ouverture utile. Cette grande dame des lettres a toujours su se démarquer de toute influence occidentale pour la confirmation de son enracinement. Cela ne l’a pas empêchée d’être lauréate du Prix littéraire d’Afrique Noire (1976), du Prix International des Lettres Africaines, Lauréate du Prix de l’Académie française, Docteur honoris causa de plusieurs universités américaines et européennes … Ses romans (Le Revenant, La Grève des bàttu, L’Appel des arènes, l’Empire du mensonge….) sont tous des chefs d’œuvre, enseignés dans les plus grandes universités du monde et traduits dans plus de 20 langues étrangères.
Que dire d’Aminata Sow Fall sinon qu’elle est connue comme une femme de refus, ouverte, toujours accrochée aux racines de la terre première ? Présidente de l’AES, elle a été célébrée par l’Association des Ecrivains du Sénégal à l’occasion de l’édition 2012 de la Journée Internationale de l’Ecrivain Africain dont elle fut la marraine. Une Association dont le siège, Keur Birago, a souvent accueilli les cérémonies de dédicaces de certaines de ses œuvres. Sur le plan international, grâce à son appui, j’ai pu accéder pour la première fois au poste de Président de la FIDELF (Fédération Internationale des Ecrivains de Langue Française) et participer aux travaux de l’Union des jeunes écrivains Afro-asiatiques à Tachkent (URSS), sans compter son rôle déterminant dans l’organisation du 1ersymposium littéraire international de Brazzaville tenu en 1987 sur le thème : « Les écrivains accusent l’Apartheid ».
S’agissant de son premier roman « Le Revenant », qui lui a valu immédiatement une reconnaissance internationale, Aminata Sow Fall avait refusé systématiquement que les NEAS en tropicalisent le contenu. Et c’est au moment où elle était venu retirer son manuscrit dudit roman que les NEAS ont finalement cédé à ses exigences ; on connait la suite. Femme de principes, elle a démissionné du Haut Conseil de l’Audiovisuel (HCA) quand on a voulu lui imposer d’avaliser des choses qui heurtaient sa conscience. Elle fit la même chose à la CENA pour ne pas avaliser certaines dérives, renonçant ainsi à tous les avantages que lui conférait son statut de membre de cet organe. Membre du jury international du Prix des 5 Continents, elle avait encore démissionné de ce juteux poste pour préserver sa dignité d’écrivain et sa liberté de jugement.
Aminata Sow Fall mérite tous les témoignages faits à son endroit à l’occasion de son 80e anniversaire. Je félicite les confrères et consœurs qui ont contribué à cette page du « Témoin » dont le mérite revient au directeur de publication Mamadou Oumar Ndiaye et son Rédacteur en chef Diarra qui ont vite compris que Aminata Sow Fall n’est pas une pépite isolée mais plutôt un diamant noir au milieu de l’océan distillant ses rayons tous azimuts pour illuminer les espaces de liberté et de création.
Je profite de l’occasion pour féliciter Fadel Lô pour la grande page culturelle du « Témoin ». Aminata Sow Fall est un modèle pour les générations actuelles et à venir par son talent, son humilité, sa simplicité, son sens du partage et sa générosité légendaire. Elle a compris que même si l’écriture est un acte solitaire, la finalité est le partage des idées, des rêves incandescents et des hallucinations essentielles.
En conclusion de cet hommage, si j’ai un vœu à formuler, c’est que l’impératrice aux mains de velours Aminata Sow Fall vive longtemps pour fêter son centenaire dans la ferveur, l’allégresse et la fraternité absolue.