Fin d’un long suspense ! Il aura duré plus de cinq ans. Que d’angoisse, que de jours sombres, que de longues nuits sans sommeil pour Lamine Diack, ses parents et ses amis cinq ans durant. Je ne sais plus de qui sont ces mots : «Notre vie est un livre qui s’écrit tout seul, nous sommes les personnages d’un roman qui ne comprennent pas toujours très bien ce que veut l’auteur.» Bizarre, la vie… et l’envers du destin ; les choses se produisent rarement comme nous l’avions prévu, espéré. «Nul ne se connait tant qu’il n’a pas souffert ; c’est une loi suprême vieille comme le monde et la fatalité qu’il nous faut du malheur recevoir le baptême et qu’à ce triste prix tout doit être acheté», disait Alfred de Musset.
Jamais dans le pays, on a autant prié pour un homme qui avait des ennuis judiciaires :
-Chez Mor Yalli à la Médina, lors de la journée de prières organisée pour le repos des anciens footballeurs qui nous ont quittés.
-Chez la dame Sèye M’Bar Fall qui réunissait les Imams de Hann Yarakh.
-Au Collectif Lamine Diack avec Mame Touty, Yatma Diop, Falilou Kane, Majib Sène.
-A Kaparang, près de Bignona, en Casamance
-Au Fouta, précisément à Thilogne
-A Keur Diaraf avec le président Cheikh Seck, les membres et les sympathisants du club
-Dans les foyers religieux
-Au quartier de Rebeuss, aves les Imams et ce vieil homme sans doute plein de prières que l’on a vu sortir d’une mosquée et s’éloigner à pas lents avec ces mots : «Inch Allah Inch Allah»
La nuit de «Leylatoul Khadr» où les membres de l’Association d’entraide des anciens footballeurs, réunis autour de El Hadj Malick Sy Souris et l’Imam Saliou Dia, ont psalmodié des prières en mémoire de ceux qui ne sont plus et que toutes les pensées se sont ensuite tournées vers Lamine Diack.
A l’heure où l’appel du muezzin sonnait aussi l’adieu d’une nuit que l’on aurait voulu éternelle, où dans les cieux livides la lune au front argenté, reine des ténèbres, s’était retirée, tandis que l’aube bleuâtre apparaissait et qu’une immense bonté semblait descendre de là-haut, j’ai vu un ancien compagnon de Lamine Diack, chapelet à la main et les larmes aux yeux. Une image que je n’ai jamais su oublier. Grand merci à tous, vous avez prié du fond du cœur.
Lamine Diack, un homme pieux, franc et d’une générosité sans limites. Un homme de bien. Et Dieu ne rendra jamais le mal pour le bien. Cette faculté, Dieu l’a laissée aux hommes de ce monde d’hypocrisie, d’ingratitude et d’animosité. Lamine Diack a embrassé la politique et fut maire de la Ville de Dakar. La politique étant une guérilla où la déloyauté a acquis ses lettres de noblesse, la famille politique n’en est pas une.
La famille sportive elle, est une vraie famille. C’est dans le sport que cet homme a dû connaitre ses plus grandes joies, au surplus, il est des joies que seul le sport peut donner. Monument du football en Afrique, Monument de l’athlétisme en France et président de la Fédération internationale de l’Athlétisme : un parcours exceptionnel. J’ai connu l’homme au Foyer France Sénégal qu’il dirigeait avec Ibrahima Ba, haut fonctionnaire de l’Unesco et président du club, Maguette Diack, Alioune Diack, Ass Diack, «Assiko», Libasse, Cissé «belle descente». Nous formions l’équipe junior avec Louis Gomis, Issa Mbaye, Diakhaté, Limamou, Pape Ndiaye, Vieux Faye, Tapha «Doune» Sakho, Cheikh Tidjane, gaucher de charme et spécialiste du penalty.
Etant capitaine de cette équipe junior, j’ai également eu le privilège de jouer en équipe première avec Lamine Diack ; il était en fin de carrière. Nous avons eu la chance d’être managés par de grands éducateurs qui ont tout donné au sport sans rien demander et qui ont fait du Ffs un club modèle qui n’avait rien à voir avec ceux qui existent aujourd’hui. J’entends encore, le jeudi, quand je venais aux entrainements, la voix de Maguette Diack, qui tenait beaucoup à l’éducation, disant : «Nous sommes jeudi, mes élèves sont là.»
Ces illustres dirigeants disparus, à qui je rends hommage, ainsi que les anciens co-équipiers qui nous ont quittés, un bon nombre dans la fleur de l’âge, Seigneur, accueille-les dans ton paradis éternel. Bientôt «Inch Allah» le retour au bercail pour Lamine Diack. L’accueil sera sans doute chaleureux à l’Aibd.
Seront certainement de la partie les jeunes de Rebeuss, dont le retour du stade Assane Diouf dans leur giron est une éclatante victoire de la raison sur l’inconscience. Une affaire dans laquelle Lamine Diack s’est beaucoup investi. Après l’aéroport s’ensuivront les retrouvailles à la maison, les pleurs de joie, l’émotion et ensuite la douceur de la vie familiale enfin retrouvée. Quoi que la justice ou l’injustice puisse faire de Lamine Diack, il aura laissé à travers le monde, l’image d’un grand homme. Et cet ancien compagnon de Lamine Diack qui au moment où la divine «Nuit de Khadr» nous quittait, le chapelet en main, n’a pu retenir ses larmes. Il va retrouver le sourire. Après les larmes le sourire ; ainsi va la vie ! Dieu soit loué !