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40 Ans D’existence Du Super Étoile: Le Fruit D’un Leadership Et D’une Compétence Collective (cheikh Faye)

40 Ans D’existence Du Super Étoile: Le Fruit D’un Leadership Et D’une Compétence Collective (cheikh Faye)

1981 – 2021, le Super Étoile de Youssou Ndour célèbre ses 40 ans d’existence cette année. Un record qui mérite d’être souligné, célébré et donné en exemple. Après 40 années, les membres fondateurs, piliers du groupe, sont toujours aux avant-postes (Pape Oumar NGom, Mamadou Mbaye dit Jimmy, Assane Thiam, Mbaye Dièye Faye) et ceux qui ont intégré le groupe, quelques d’années après sa mise sur pied, répondent toujours présents (Ibou Cissé, El-Hadji Faye, Moustapha Faye, Thio Mbaye, Abdoulaye Lô). Seuls manquent à l’appel ceux qu’Allah SWT a arrachés, prématurément, à notre affection (feus Alla Seck, Marc Sambou et l’inoubliable Habib Faye) ou devenus malades (Ousseynou Ndiaye). À notre connaissance, en 40 ans de présence sur la scène musicale, seuls deux membres fondateurs ont quitté le Super Étoile : Maguette Dieng (drums) et Kabou Gueye (basiste et arrangeur). En plus de cette ossature inoxydable et résistant à l’usure du temps, le groupe a compté sur la collaboration, de façon ponctuelle ou selon des durées plus ou moins longues, de ténors de la musique sénégalaise tels que Thierno Kouyaté (Saxo), Oumar Sow (Guitar – arrangement), Adama Faye (keyboards), etc. Tout cela fait du Super Étoile le groupe le plus stable que n’ait connu l’histoire musicale sénégalaise, voire africaine.

La faiblesse du taux de rotation dans une organisation renseigne sur l’efficacité de celle-ci. Selon plusieurs études, le caractère objectif du taux de rotation, fait de cet indicateur une bonne mesure des effets d’un dirigeant sur son personnel. Scientifiquement, il est établi, dans le domaine du management, que le développement et la longévité d’une organisation empruntent des processus complexes et dépendent de plusieurs facteurs inter-reliés. Le Super Étoile n’échappe à cette règle tautologique. Sa longévité et son essor semblent résulter de la combinaison de plusieurs facteurs importants parmi lesquels nous en retiendrons deux, certes différents, mais complémentaires : le leadership de Youssou Ndour et la compétence collective que le groupe est parvenue à se forger.

La colonne vertébrale du Super Étoile : le leadership de Youssou NDour

Il existe plusieurs définitions du concept « leadership ». D’une manière générale, on peut retenir que le leadership renvoie à la capacité d’une personne ou catégories de personnes à influencer, inspirer, mobiliser et guider un groupe d’individus dans le but d’atteindre des objectifs déterminés. Aujourd’hui, parmi les éléments identifiés, au plan scientifique, comme étant à la base d’un leadership efficace figurent notamment la vision (être capable de se projeter sur l’avenir), l’influence (partager sa vision, susciter l’adhésion et l’implication), l’action (initier le mouvement et favoriser la motivation) et la liaison (fédérer les membres du groupe et favoriser des relations entre eux).

De la vision, Youssou Ndour en avait depuis la création du Super Étoile. Nous pouvons même dire que c’est sa vision qui l’avait amené à rompre les amarres, en 1981, avec l’Étoile de Dakar qui trônait sur la scène musicale d’alors (avec le Number One et l’Orchestra le Baobab) pour fonder, en solo, le Super Étoile. Il avait vu très tôt que les membres de l’Étoile de Dakar étaient grisés par le succès et commençaient à s’installer dans la routine. Il a eu la prémonition de voir que la musique sénégalaise disposait d’une grande marge de progression, pourvu qu’elle acceptât de s’engager dans un professionnalisme intégral et de s’ouvrir au reste du monde. Les faits lui ont donné raison. Aujourd’hui, la musique n’est plus considérée comme le dépotoir des personnes ayant mal tourné dans la vie, mais elle est devenue un métier artistique à part entière. Beaucoup de compatriotes établis à l’étranger ou qui voyagent régulièrement à travers le monde entendent, régulièrement, avec un brin fierté certain, la musique de Youssou Ndour et du Super Étoile dans les centres commerciaux, dans les lieux publics et à la télévision. C’est la concrétisation d’une vision.

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S’agissant de l’influence, un nombre important de recherches souligne l’impact de celle-ci sur la performance d’un groupe, d’une organisation. La stabilité du Super Étoile est le résultat, sans conteste, de valeurs partagées, d’objectifs en commun et d’unicité de la vision entre ses membres. Aucune personne douée d’intelligence et dotée d’un minimum de rationalité ne resterait dans un groupe pendant 40 ans si elle ne partageait pas la vision et les valeurs qui y sont véhiculées, en particulier celles prônées et incarnées par son leader. Également, c’est ce rôle d’influence qui a permis à Youssou Ndour de construire des ponts entre des univers culturels différents notamment en collaborant avec des sommités mondiales tels Peter Gabriel, Paul Simon, Neneh Cherry, Axelle Red, etc.

En ce qui concerne l’action, si nous nous fions à celles et à ceux qui le connaissent, Youssou Ndour est décrit comme un forcené du travail, un adepte du travail bien fait, un homme ponctuel, méthodique et un passionné par ce qu’il fait. Bref, c’est un professionnel, toujours obnubilé par la qualité et l’efficacité. Il est facile de corroborer tout cela lorsqu’on le voit se produire sur scène avec ses musiciens. En effet, l’aisance et la complicité qui se dégagent entre les membres du groupe ne sont, en fait, que le résultat d’un travail acharné, rigoureux et assidu. De plus, l’innovation semble être le principal moteur du groupe, lequel sait s’adapter et tirer profit des contingences du contexte. La série de concerts gratuits en direct, au plus fort de la pandémie de la Covid-19 sous les concepts de Fiitey et du Grand bal en ligne, est là pour le prouver.

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Enfin, pour la liaison, la longévité du groupe et celle de ses membres en constituent une preuve irréfutable. Regrouper, ménager et coordonner, pendant 40 ans, des personnalités aussi diverses que différentes de celle de la sienne, relèvent d’une prouesse. Cela témoigne, si besoin est, de la capacité de Youssou Ndour à fédérer les membres de son groupe autour de l’essentiel. Ces éléments factuels (stabilité du groupe depuis 40 ans et faiblesse du taux de rotation des membres) battent en brèche les caricatures ou allégations répandues d’un homme égoïste et nombriliste à travers lesquelles des personnes malveillantes le décrivent. Lorsqu’une personne parvient à implanter et à développer un groupe de professionnels aux talents immenses pendant 40 ans, c’est la preuve qu’elle dispose, au-delà de ses capacités managériales, des compétences sociales et relationnelles indéniables qui s’adossent sur des valeurs fortes comme le respect, la fidélité, la solidarité, la générosité et la tolérance. Affirmer le contraire relève de l’affabulation ou d’une intention de nuire.

Plus intéressant, un regard plus poussé permet d’affirmer, sans ambages, que Youssou Ndour exerce au sein du Super Étoile un leadership partagé, c’est-à-dire un leadership horizontal par opposition au leadership vertical. Par leadership partagé, on entend généralement, le processus dynamique par lequel le leadership peut être assuré, simultanément ou de façon consécutive, par plusieurs membres d’un groupe dans le but d’atteindre des objectifs fixés. En effet, la marge de manœuvre dont bénéficient des membres du groupe (Mamadou Mbaye dit Jimmy, Pape Oumar NGom, Mbaye Dièye Faye, feu Habib Faye, etc.) et leurs apports dans le processus de création artistique illustrent l’existence d’un leadership partagé au sein du Super Étoile. Nombreuses sont les études qui ont établi une corrélation positive entre le leadership partagé et la performance d’un groupe. En effet, le leadership partagé favorise la circulation et le partage de l’information au sein d’un groupe, stimule les interactions entre membres du groupe, facilite leur participation et accroît leurs capacités de résolution des problèmes rencontrés.

La compétence collective du Super Étoile : une source de performance et d’avantages inimitables

Pendant longtemps, les spécialistes du management et de la gestion des ressources humaines ont considéré la compétence collective d’un groupe comme la somme des compétences individuelles de ses membres. Aujourd’hui, ils s’accordent à définir la compétence collective comme la capacité des membres d’un groupe à travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs et à obtenir des résultats qu’une personne ne saurait réaliser seule. Par conséquent, le fait de rassembler des personnes, individuellement talentueuses, ne suffirait pas pour faire émerger une compétence collective. Il faudrait plus notamment en favorisant le travail en groupe (teamwork).

Le Super Étoile est composé d’un ensemble d’individualités considérées comme des virtuoses, des personnes en totale maîtrise de leur art. Mieux, le Super Étoile présente, de l’extérieur, toutes les caractéristiques d’un travail en équipe. En effet, à voir ses membres évoluer, on se rend compte, facilement, qu’on a affaire à un groupe structuré, coordonné, soudé, cohérent et solidaire. Chaque membre apporte son expertise et le produit offert semble être le résultat d’un processus de maturation, d’échanges et de mutualisation de leurs différences. Leur complicité sur scène lève un coin du voile sur le niveau et la qualité de la communication qui règne entre les membres du groupe ainsi que leurs capacités à conjuguer leurs talents individuels dans un élan synergique et cohérent. 

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Il est important de ne pas perdre de vue que le Super Étoile ce n’est pas que Youssou Ndour et ses musiciens. Le groupe s’étend au-delà de ces personnes et intègre plusieurs autres compétences, qui travaillent dans l’ombre avec efficacité, pour faire de lui ce qu’il est aujourd’hui. Les premiers qui viennent à l’esprit, ce sont les logisticiens et les techniciens, car c’est grâce à eux que les déploiements et l’organisation matérielle des prestations du groupe sont possibles sans couacs. Il y a aussi d’autres compétences aux apports inestimables, qui ont beaucoup contribué au développement et à la réussite du groupe : les éminences grises. Il s’agit d’un ensemble de personnes discrètes, mais d’une grande utilité dans le fonctionnement du Super Étoile. Parmi ces hommes de l’ombre on peut citer Mady Dramé, le manager du groupe, Mara Dieng l’actuel Directeur de Cabinet de Youssou Ndour et Gaston Madeira, plus connu sous le nom de Charles Faye, le conseiller en communication. Il y a aussi les conseillers occultes, peu ou pas du tout connus, comme le fût feu le Ministre Abdoul Aziz Mbaye (paix à son âme).  

L’histoire du Super Étoile et celle de Youssou Ndour restent à écrire en allant au-delà des anecdotes et clichés de toute sorte. Nous devons le faire pour la postérité, car ils ont joué un rôle majeur dans la professionnalisation de la musique dans notre pays. Le Sénégal et tous les sénégalais leur doivent une fière chandelle, cela indépendamment de nos convictions et allégeances politiques ou autres. Outre leur apport dans l’évolution de la musique, le Super Étoile et Youssou Ndour demeurent, à ce jour, les meilleurs ambassadeurs du Sénégal. À l’étranger, à la question demandant où est que vous venez, lorsque vous répondez le Sénégal, votre interlocuteur(trice) réplique généralement « le pays de Youssou Ndour !». De telles personnes, nous leur devons reconnaissance et respect. Nous ne devons pas attendre leur mort pour les honorer et leur dire merci. C’est ici et maintenant qu’il faudrait le faire. Merci les artistes !

Cheikh Faye, Ph.D.

Professeur – UQAC

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