Tous les observateurs des faits de société qui s’efforcent d’analyser les causes qui sont à la base du comportement social des individus et des peuples, admettent unanimement, aujourd’hui, que la société sénégalaise est dans une phase à la fois de crise et de mutation profonde et multidimensionnelle. Tous soulignent que les changements importants se sont opérés particulièrement à la cour de ces dernières années, dans la manière de penser, d’agir et de réagir du sénégalais en général. Et dans ce changement brutal du comportement social, tout indique que ce sont bien les enfants qui en sont d’abord les premières victimes innocentes. Des familles innombrables se sont disloquées, laissant derrière elles des enfants désorientés. Les conditions nouvelles de vie sociale et familiale, notamment marquée par la concentration urbaine ont fini par altérer dangereusement l’autorité parentale. Trop de parents, fatigués et énervés, sont devenus incapables de discernement pour dispenser sans mesure, l’affection à laquelle tout enfant a droit. Cet enfant ou cet adolescent encore mineur, chassé d’un logement trop étroit vit et joue dans la rue sans aucune surveillance, exposé à l’excitation des affiches ou des publicités érotiques qui s’étaient aux devantures des kiosques à journaux : que dire des films diffusés par nos propres chaines de télévision, prêchant l’homosexualité, le libertinage sexuel, laissant libre cours aux danses les plus obscènes au vu et au su de toutes les autorités étatiques et religieuses de ce pays. On garde le silence pendant qu’une large frange de la jeunesse du peuple danse de sa déchéance par un art de l’inculte qui se veut culture. A cela s’ajoute le chômage des jeunes et des adultes qui ont perdu leur emploi, le désœuvrement et la peur de lendemain. Bon nombre d’étudiants ont perdu l’enthousiasme et la passion des études, beaucoup d’autres jeunes employés et ouvriers cherchent encore leur voie parce que mécontent du travail que le hasard leur a offert, impatients qu’ils sont de jouir de la vie car la nature a fait d’eux des hommes prématurés majeurs comparativement aux générations précédents, alors que les conditions de vie économique sont au-delà des limites raisonnables. Tous ces facteurs socio-économiques et psychologiques ne pouvaient évidement ne pas avoir d’incidences sur la vie sociale et sexuelle des gens, ce qui se traduit par raréfaction des mariages, le taux élevé de divorce, un prolongement considérable du célibataire (par option, ou par manque de solution), la tendance de plus en plus marquée des jeunes à vivre en concubinage ….
Cette modification profonde de la sexualité dans la vie de la plupart des jeunes sénégalais, dépasse le niveau d’une simple évolution silencieuse, une coupure authentique d’avec les symboles, les mythes, les normes et les comportements propres à une société, il y a seulement vingt ans. Cette libération sexuelle ne s’est pas non plus accomplie à vase clos : au contraire, elle s’est préparée et s’est réalisée en communion avec le mode extérieur, principalement l’occident et par l’entremise de la télévision et d’internet. Avec une éthique sexuelle très autonome, les jeunes sénégalais d’aujourd’hui, admettent de plus en plus difficilement la notion de « péché» qui a taxé bien des altitudes et des comportements sexuels qui étaient encore en vigueur dans nos pays jusqu’à une certaine époque. Ce changement se situe au-delà de l’exhibition sexuelle que l’on perçoit à travers le mode d’habillement des jeunes filles et des jugements conscients de la sexualité: il plonge ses racines dans les couches souterraines l’inconscience, là où les pulsions, vitales surgissent et bouillonnent. Bon nombre de sénégalais n’acceptent plus, dans la strate consciente ou subconsciente de leur moi. Le caractère peccamineux attribué autrefois à plusieurs manifestations de la sexualité. La jeunesse est entrain, au contraire de se forger dans le feu de l’action de la vie, de nouvelles normes morales relatives à la sexualité et à bien d’autre domaines de la vie sociale.
Moussa Ba