Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires Etrangères, est à Beyrouth. Dans sa valise diplomatique des sanctions contre les acteurs politiques qui bloquent la formation du gouvernent tant attendu pour sortir le pays du cèdre de la crise sociopolitique qu’il traverse depuis 2019.
Mercredi 5 mai. Tard dans la nuit, sur son compte Twitter Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, annonce qu’il se rend au Liban avec « un message de grande fermeté aux responsables politiques et un message de pleine solidarité aux Libanais ». La fermeté s’adresse à ceux qui bloquent la formation du gouvernement. La France décide de sanctionner ces derniers en leur interdisant l’accès à son territoire. « Nous avons pris des mesures nationales, et ce n’est qu’un début » avertit le diplomate.
Des Libanais commentent sa venue. « Et si on commençait par l’autre bout de la chaine ?», réagit un beyrouthin qui propose au diplomate français de prendre avec lui « Les empêcheurs de gouverner qui profitent sans scrupules de cette situation ». Il estime qu’une fois débarrassés de ceux qu’il qualifie « d’incapables », les Libanais placeraient à la direction de leur pays « un président, un chef de Parlement et de gouvernement, des ministres etc. ayant les compétences pour leur fonction ». Notre interlocuteur termine son propos plus virulent : « Plus besoin de médiateurs moralisateurs accourant pour nous apprendre comment diriger notre pays ».
Après l’épisode I de l’initiative française portée par Emmanuel Macron, l’épisode II est incarné par Jean-Yves Le Drian. Le ministre a pris en main le dossier libanais. Il semble déterminé à passer à la vitesse supérieure avec des sanctions à l’encontre d’acteurs politiques. Mais pour quelle efficacité ? L’administration Trump avait déjà pris des sanctions à l’encontre de leaders du Hezbollah qui, aux dires de certains éditorialistes, n’ont donné aucun résultat. Des sanctions françaises seront-elles plus efficaces ? A Beyrouth, la rue n’y croit pas vraiment.
Comment résoudre le casse-tête libanais, un pays que la France ne peut ni « sauver ni abandonner » ? Car entre la France et le Liban, c’est une question d’amour. La France ne peut se montrer plus sévère contre cet unique pays francophone de la région attaché à la Métropole depuis très longtemps. En 1920, au lendemain de la Première guerre mondiale, le Liban qui vient de se débarrasser des Ottomans est placé sous mandat français. Depuis lors, la France sent le devoir de répondre présent lorsque le Liban est en crise. Seulement, la France n’est pas seule au Liban. Il y a plusieurs autres acteurs internationaux qui pèsent de tout leur poids et qui parfois tirent les ficelles dans un sens comme dans un autre, au gré de leurs intérêts. La polarisation de la société libanaise selon les 18 communautés confessionnelles et culturelles qui impacte l’animation sociopolitique complique encore davantage les choses pour la France qui peine à faire taire les querelles entre les responsables politiques pour privilégier l’intérêt général.
Avec ce énième voyage, Jean-Yves Le Drian tente le tout pour le tout pour sauver l’initiative française des méandres de la politique libanaise. Il y a neuf mois, Emmanuel Macron avait mis la barre très haut, suscitant de grandes attentes de la part de la population. Son ministre des Affaires Etrangères trouve des Libanais qui ne veulent rien d’autre que des résultats. Ils sont finis les « temps des meilleures formules », disent-ils. Pour ce qui est du programme de cette visite, Le Drian a rencontré jeudi le président de la République, Michel Aoun, et celui du Parlement, Nabih Berry. Une rencontre est prévue ce vendredi 7 avec des représentants de collectifs de la société civile.
Pierre BOUBANE