Spécialiste en Droit du sport, le Professeur Abdoulaye Sakho apporte sa contribution dans le débat lié à la non-homologation par la Caf de certains stades dont celui du stade Lat Dior de Thiès.
«La décision de la Caf sonne comme un avertissement pour les autorités en charge du sport dans notre pays, en premier, le département ministériel du sport. Elle fait certes mal à notre ego de Sénégalais parce qu’on croit toujours qu’on est ami avec le Bon Dieu et que rien ne nous arrivera. Et voilà ! Paf, au moment où on affirme partout que la prochaine Can nous appartient, la réalité nous rattrape. Difficile d’ailleurs de savoir sur quelles bases on se voit déjà victorieux de la prochaine Can. En tout cas, cela ressemble beaucoup à de la prétention démesurée et un manque total de respect pour les autres nations qui y seront. En tout état de cause, cette décision de la Caf exige une analyse lucide et dépassionnée. Ce qui n’est pas une qualité bien de chez nous. Et pourtant il le faut ! On va le faire en deux temps avec d’une part, les arguments qui donnent raison à la Caf et d’autre part, les arguments qui peuvent justifier l’état de nos stades de football. Si la décision permet de mettre à nu certaines de nos carences, elle révèle les difficiles arbitrages qui se dressent devant le décideur politique dans un pays en développement comme le nôtre.
1 – Oui, la décision nous permet de reconnaître (avec humilité ?) nos limites :
Reconnaître d’abord que les infrastructures de football du Sénégal ne sont pas du tout à la hauteur du rang que le Sénégal revendique dans le monde du football. Le fait que le seul stade potable ait été déclaré inapte à recevoir des rencontres de C coupe du monde est révélateur de cet état de fait. Reconnaître ensuite que le mode de gestion de ces infrastructures relève d’un système qui n’a pas changé depuis les premières années de notre indépendance. En effet, c’est dans une direction du ministère que l’on retrouve la question des infrastructures alors que, dans beaucoup de pays, ce sont des organismes plus ou moins autonomes par rapport à l’Aadministration centrale qui s’occupent de la construction, de l’entretien et de la gestion de ces infrastructures. Reconnaître enfin, par souci d’honnêteté intellectuelle, que ces infrastructures du football ne sont que le reflet de l’état réel de développement de notre football intérieur qui éprouve toutes les peines du monde pour s’imposer sur le continent malgré les grands espoirs (démesurés ?) placés de manière opportuniste dans le Jaraaf de Dakar. Le rang de notre Equipe nationale au classement Fifa ne doit pas faire illusion. Il n’est pas dû à un quelconque travail interne car, nos joueurs proviennent de plus en plus de la formation étrangère. Ce sont, à quelques exceptions près, tous des binationaux.
2 – Mais la décision est aussi un révélateur des difficultés qui se dressent devant les autorités de nos pays.
Pour cette raison, il est difficile de totalement les blâmer car il leur faut procéder à des arbitrages parfois cornéliens : en face de ce qu’on appelle abris provisoires et qui s’éternisent dans certaines bourgades, en face des localités sans structures de santé ni routes praticables, en face du manque d’eau courante dans certains quartiers de Dakar…, les infrastructures sportives deviennent dérisoires. En attendant, que l’Etat (c’est sa responsabilité) fasse vite les travaux réclamés par la Caf pour recevoir des équipes au Sénégal ! Tout le reste n’est que conjectures !»