A-t-on eu tort de juger anecdotique une lettre ouverte adressée en mars dernier par Amadou Vamoulké à Laurent Esso ? Elle mériterait qu’on s’y attarde. « Vous m’avez déclaré la guerre ! » a écrit le premier, un ex-directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV) incarcéré et en attente de jugement depuis cinq ans à la prison centrale de Yaoundé. « On finira par savoir pourquoi vous ne croyez pas devoir accorder un peu d’attention aux dénonciations de la manière dont votre autoritarisme nuisible conduit la justice au Cameroun », poursuit l’ex-journaliste.
Ministre d’État chargé de la Justice, le destinataire de la missive n’a pas encore répondu. Rien ne nous assure que ce responsable de l’administration pénitentiaire le fera sous la forme épistolaire. Quand le système se délite et que s’installe une zone grise mêlant politique et justice, les affaires judiciaires deviennent des affaires personnelles. Faut-il craindre, si le spectacle de la dégradation de la justice devait se poursuivre à ce train, que des personnes s’estimant victimes d’injustice érigent la vengeance en juste réponse à la barbarie banalisée dans les cours, les tribunaux et les prisons ?
Rupture de confiance
Il faut nommer le mal pour envisager son éradication. Il s’agit ici de la rupture du contrat de confiance entre les citoyens et leurs institutions. Certes, les tribunaux ne sont pas tous devenus des « lieux de répression des aspirations populaires ou individuelles qui contrarient le gouvernement », comme le soutient le député français Sébastien Nadot dans sa Lettre à la France depuis Kondengui. Mais ne pas reconnaître chez nos chers gouvernants un certain goût pour l’immixtion dans les affaires du pouvoir judiciaire, c’est faire l’autruche.