Selon l’auteur, un Sage nous susurre à tous depuis l’autre monde que celui qui prive un peuple de sa conscience historique le prive d’ambition, et l’installe dans une monotonie destructrice, comme qui celui qui tient sa spiritualité plante dans son subconscient les germes d’une soumission éternelle. La soif de conscience historique mais également de spiritualité propre sont les seuls justificatifs de cet ouvrage, dans lequel, l’ingénieur statisticien-économiste Sogué Diarisso, ancien Directeur de la DPEE montre en parcourant essentiellement l’œuvre de Cheikh Anta Diop, comment l’Afrique a sorti l’humanité des ténèbres en posant les bases des trois grandes religions monothéistes, voire même du bouddhisme. Il y révèle en particulier la multiplicité du personnage de Moïse à partir des travaux de Flavius Josephe, Sidmond Freud, Cheikh Anta Diop, Jean Charles Coovi_Gomez, Tidiane Ndiaye, Roger Sabbah, Dana Marniche et Ashraf Ezrat.
Le lecteur découvrira que l’exode, qui est l’âme de la Bible (Ancien testament), n’est certainement pas parti d’Egypte, mais très vraisemblablement de la zone de l’Arabie Ancienne et du Yemen. L’auteur profite également de cet ouvrage pour vulgariser les travaux exceptionnels de Cheikh Anta Diop. Le lecteur découvrira comment un savant Egyptien a contribué à faire d’Alexandre le Grand le plus grand chef de guerre de tous les temps, en lieu et place de son ami Aristote, l’organisateur du pillage du patrimoine scientifique, philosophique et culturel égyptien. Il s’imprégnera assez simplement que les prétendues découvertes qui font la réputation des savants grecs sont des choses qui leur ont été enseignées en Egypte et cela s’étend à toute la pensée grecque antique depuis le poète Hésiode au VIIe siècle avant Jésus Christ jusqu’aux présocratiques. Il démontre enfin que Cheikh Ahmadou est l’Ame unificatrice naturelle de l’Afrique chrétienne et musulmane, et que la voie Baye Fall dépouillée de sa gangue, est certainement celle qui permettra à l’Afrique de reprendre l’initiative.
Les Bonnes feuilles
… F. Hegel, considéré comme étant l’un des plus grands philosophes de l’Occident, affirmait l’anhistoricité de l’Afrique. En effet, dans « La raison dans l’histoire », le philosophe allemand décrit l’Afrique en ces termes : « Ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation.
L’Afrique aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noire de la nuit. S’il en est ainsi fermé, cela tient non seulement à sa nature tropicale, mais essentiellement à sa constitution géographique».
Le philosophe allemand Kant renchérit : « La nature n’a doté le nègre d’Afrique d’aucun sentiment qui ne s’élève au-dessus de la niaiserie ». Le célèbre poète Victor Hugo n’a pas été plus tendre dans son fameux « Discours sur l’Afrique» prononcé le 18 mai 1879, lors du banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage. Selon Hugo, « la Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est pas pour rien que la Méditerranée, a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre, l’univers ignoré, c’est à dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre, toute la barbarie. Le moment est venu de dire à ce groupe illustre de nations : unissez-vous ! allez au Sud…Quelle terre que cette Afrique !
L’Asie a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire, l’Afrique n’a pas d’histoire ». Voltaire, dans son « Traité de métaphysique » disait que « les blancs sont supérieurs à ces nègres, comme les nègres le sont aux singes et les singes aux huîtres ». Dans son ouvrage « De l’esprit des lois », Montesquieu dit qu’« on ne peut se mettre dans l’idée que Dieu qui est un Être Sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne dans un corps noir ». Le Comte de Gobineau, David Hume, Guy de Maupassant, Ernest Renan, etc., la plupart des penseurs des lumières qu’on fait réciter aux élèves africains et dont certaines rues africaines portent encore les noms s’inscrivent également dans ce courant de pensée de l’anhistoricité de l’Afrique, qui sera ainsi le thème favori de certains anthropologues et ethnologues occidentaux du milieu du XVIIIème et de la fin du XIXème siècle.
Appartenant au courant évolutionniste, ces derniers n’ont cessé de clamer la suprématie, sur tous les plans, de la race blanche sur les autres. Alors que l’Occident était au stade le plus élevé sur l’échelle de la civilisation, l’Afrique, elle, se retrouvait au stade le plus bas, c’est-à-dire la sauvagerie. Nous sommes pourtant au siècle dit des Lumières, dont bien de grands penseurs, à l’exception notoire du mathématicien Condorcet, étaient des négriers. Un peu plus tard, le lauréat du Prix Nobel de médecine (1913), le physiologiste français Charles Richet, envisagera même notre élimination comme race, avant celle des hommes qui ont un QI faible. Cependant, de nombreux chercheurs et intellectuels aussi bien africains, de la diaspora, qu’occidentaux vont œuvrer pour la réhabilitation de l’histoire des sociétés et/ou des cultures de l’Afrique noire, en particulier, Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, George Granville Monah James, W.E.Blyden Du Bois, Anthénor Firmin, le Compte de Volney, Jean François Champollion le Jeune, Emile Amélineau, Karl Richard Lepsius, etc.
Tous, dans leurs différents travaux, ont donné des éléments de preuves irréfutables qui attestent du caractère nègre des Égyptiens de l’Antiquité, qui ont apporté la civilisation à l’humanité et cela est confirmé de nos jours au bout des lèvres par des paléo-pathologues comme le Docteur Philippe Charlier, à partir de l’étude des momies. Auparavant, les Egyptiens eux-mêmes n’ont jamais laissé d ‘équivoques sur leur négrité dans les représentations, les sculptures, malgré l’altération des nez, comme par hasard, dans quasiment toutes les statues.
Par ailleurs, dans une des inscriptions à Dar el Bahari, portant sur la Reine Hatchepsout (1479- 1457 av. J.-C.) de la XVIIIème dynastie, elle y annonce que le Dieu Amon (le Grand Dieu Egyptien) s’est adressé à elle par l’intermédiaire de l’oracle et lui a demandé d’aller au pays du Dieu, le pays de Pount et d’y ramener l’encens par lequel elle parfumera les temples qui lui sont dédiés. Cette expédition mémorable fut réalisée sous la conduite du Chancelier Nehesy, ami et confident de la Reine, et elle est certainement une des plus grandes expéditions de l’Antiquité. Les travaux sérieux, notamment ceux de l’historienne Christiane Desroches Noblecourt, situent le pays de Pount en Afrique de l’Est, mais le Professeur Cheikh Anta Diop est plus précis et le situe dans la région des Grands lacs, plus exactement en Ouganda. Et c’est bien dans cette région des Grands lacs que l’homme moderne fit son apparition la première fois.
Si, les Egyptiens qui rayonnaient sur le reste du monde, situaient au pays de Pount, en Afrique, le pays du Dieu incréé Amon, on peut valablement dire qu’ils savaient qu’ils sont originaires de cette région des Grands lacs, au regard entre autres du culte voué aux ancêtres. Personne n’imagine les Egyptiens aller chercher le Dieu Amon chez des peuples sur lesquelles ils rayonnaient, tout comme personne n’imagine Alexandre le Grand, aller chercher les traces de Zeus dans les peuples arabes, perses, indiens et autres….
Et puis, il y a cette fameuse lettre du Roi babylonien Kadashman Enlil I (1388-1375 av. J.-C.) qui réagit au refus d’Amenophis III (XVIIIème dynastie) de lui donner une princesse égyptienne en mariage. Amenophis III pouvait prendre des femmes étrangères en mariage, mais refusait l’inverse, de peur peut-être que les enfants issus de ce mariage ne prétendent au Trône d’Egypte. Il dit à Kadashman Enlil I qu’il ne peut le faire parce qu’aucun de ces prédécesseurs ne l’a fait ; ce que à quoi Kadashman Enlil I répond qu’il peut lui envoyer n’importe quelle Egyptienne et il la présentera aux siens comme une Princesse. Le Roi Kadashman Enlil I savait qu’on le croirait parce que les Egyptiennes et Ethiopiens (Ethiopiens/Soudanais) étaient reconnaissables à vue d’œil, parce que différentes de toutes les femmes de la contrée en raison de la couleur de leur peau.
Pour rappel, Hérodote (Vème siècle av. J.-C) qui est considéré comme le père de l’histoire…distingue les Indiens padéens d’autres Indiens qu’il décrit de la façon suivante : « Ils ont tous la même couleur et elle approche de beaucoup celle des Éthiopiens (III : 101) »….. Strabon va plus loin dans sa géographie et tente d’expliquer pourquoi les Égyptiens sont plus noirs que les Indiens. Aristote (389-322 av. J.-C.) parlant des Egyptiens et Ethiopiens dit d’eux dans Physionomie (6) « ceux qui sont excessivement noirs, cela s’applique aux Egyptiens et aux Ethiopiens ». Lucien le Navigateur, Apollodore, Eschylle, Ammien Marcelin, Diogène Laerce et bien d’autres auteurs classiques de l’Antiquité, contemporains des Égyptiens de l’époque, déjà métissés suite aux invasions asiatiques, perses, et grecques, disent exactement la même chose : les Égyptiens étaient des Nègres.
Sinon, qui peut comprendre que ce peuple au summum de sa puissance et de son rayonnement sur le reste du monde, représentât son dieu Osiris qu’il considère comme son ancêtre, en teint noir. … Par contre, l’extraordinaire histoire de l’exode qui est l’âme même de la Bible, a dû se passer ailleurs qu’en Egypte, notamment de l’autre côté de la Mer Rouge, où des populations fuyant les persécutions d’un Roi tyrannique ont dû traverser celle-ci, qui engloutit ledit Roi et ses troupes.
En effet, le récit d’un exode parti d’Egypte résiste peu à la cohérence compte tenu des narrations qui en sont faites dans la Bible. La durée indiquée pour certains parcours parait ridicule lorsqu’on se met dans le contexte égyptien. Il s’y ajoute qu’il n’existait pas de peuple réduit à l’esclavage en Egypte, qui n’a jamais appelé ses souverains « Pharaons », ce qui qui serait plutôt un attribut des grecs. Quand on dit au commun des mortels qu’il n’y a jamais eu d’esclavage en Egypte, il demande en général qui a construit les pyramides ?
Toutes les pyramides d’Egypte ont été construites au moins 1000 ans avant l’arrivée des ancêtres des juifs en Egypte et ce, par des ouvriers égyptiens, qui étaient totalement pris en charge, comme en attestent leurs provisions journalières retracées dans un des plus vieux papyrus du monde, le papyrus dit Merer, du nom d’un inspecteur en charge d’une équipe d’ouvriers affectés à la construction de la grande et monumentale pyramide de Khéops vers 2560 av. J.-C. …
S’agissant de ses souverains, l’Égypte Ancienne, l’une des civilisations les mieux documentées, avec des annales qui n’existent nulle part ailleurs, n’a jamais laissé de papyrus ou d’inscription sur un temple ou un mur mentionnant Pharaon comme titre d’un de ses souverains. Les artéfacts constitués notamment de textes inscrits dans les Pyramides et d’autres monuments et d’innombrables documents couvrant plus de trois mille ans sont dépourvus de toute mention de Pharaon en tant que désignation du souverain d’Égypte qui avait cinq titres royaux officiels dont aucune ne fait référence à Pharaon….
Par ailleurs, la Bible qui est d’une précision millimétrée ne parle jamais de ce qui fait l’âme de l’Egypte, dans le récit de l’exode, notamment les Pyramides, ce qui laisse penser que l’histoire liée à l’exode se serait passée ailleurs. …Il faut briser les chaînes, lever le voile qui nous empêche de voir. Partout en Afrique, les hommes et les femmes sont entourés de richesses, mais croupissent dans le dénuement le plus total. Ils n’en sortent le plus souvent que par des initiatives extérieures.
L’homme noir est inhibé depuis la naissance par la perception commune d’une sorte de damnation qui relèverait même selon certains écrits d’un châtiment divin. Non, il faut arrêter cela. Cheikh Ahmadou Bamba a définitivement tué ces perceptions anesthésiantes ancrées dans notre inconscient collectif depuis la nuit des temps, tant par les civilisations occidentales qu’arabes, à qui on a tout donné… …. « Quand j’écris, le Trône de Dieu exulte et les anges émus se mettent à proclamer la sainteté du Seigneur ». Voilà entre autres pourquoi ses disciples ne cessent de psalmodier ses poèmes où ils vont puiser des ressources spirituelles….
Peut-on trouver meilleure âme unificatrice que cet être exceptionnel qui a montré de la dignité, du courage, voire du mépris vis-à-vis de l’administration coloniale quand le commun des Nègres pensait que ceux-là étaient des êtres supérieurs, vivant dans les profondeurs des mers ? Il a atteint la perfection et a indiqué la voie à suivre pour les générations futures, notamment celle du culte du travail et des valeurs, quand l’Occident se demande ce que l’homme est venu faire sur terre et que le monde arabo oriental est identifié à tort ou à raison à la violence aveugle. Si ce n’est le complexe auquel on veut éternellement nous assujettir, peut-on trouver dans n’importe quel autre peuple, meilleure âme unificatrice, meilleure référence, meilleur socle, qui transcende l’ethnie, la région et que sais-je encore ?
Par Sogué DIARRISSO, cadre à la BCEAO (Siège) et ancien conseiller du Premier ministre