«Tous les trafiquants de crack sont sénégalais » fut la provocation stupéfiante prononcée par Monsieur Eric Zemmour, le 13 mai dernier, dans Face à l’info, sur CNews. Eric Zemmour est un symptôme de la défaite de la pensée. Il n’existe que par ses provocations. L’exercice de la provocation est facile. Ce n’est pas une prouesse de l’esprit mais une facilité et une paresse. Une provocation est une dérisoire vanité mais elle n’est pas gratuite. Eric Zemmour en vend. Nous devons donc pardonner à Eric Zemmour car nos valeurs de concorde et de fraternité seront toujours plus fortes que les valeurs portées par Eric Zemmour. Les nôtres parlent d’avenir, de joies partagées et de respect. Elles élèvent quand les provocations d’Eric Zemmour abaissent, et en premier lieu, ceux qui les approuvent. Ses provocations en disent beaucoup sur Eric Zemmour. Elles ne disent jamais rien de ses cibles. Nous pardonnerons d’avance à Eric Zemmour toutes ses prochaines provocations car elles signent chaque fois la défaite de sa pensée.
Ses provocations, pour rester audibles, seront chaque fois plus graves, insultantes, méprisantes, et donc méprisables. Nous vous pardonnons donc et Vincent Bolloré peut vous remercier. Les scores d’audimat de CNews vont bon train : entre 700 000 et 900 000 téléspectateurs chaque soir. Employé de la maison Bolloré, Eric Zemmour est rémunéré pour ses provocations, il est prisonnier de la logique « provoquer plus pour gagner plus ». Monsieur Bolloré, à combien rémunérez-vous l’insulte ? Répandre le malheur, est-ce « bankable » ?
VINCENT BOLLORE : L’AFRIQUE OU ERIC ZEMMOUR ?
Vincent Bolloré connait bien l’Afrique, il y a de nombreux intérêts. Il connait le Sénégal, ses Tirailleurs, la Négritude de Senghor, la coexistence pacifique entre Musulmans et Catholiques, Noirs et Blancs. Il sait que la provocation d’Eric Zemmour est une insulte à tout le Sénégal, la France et l’Afrique. Vincent Bolloré sait qu’il peut compter sur nous pour juguler la vague de sentiments antifrançais favorisés par des discours sur « la règlement de la question coloniale », « le pillage de l’Afrique », « l’opacité des contrats pétroliers et portuaires », « les violences raciales » et les images de ces morts dans leurs tentatives désespérées de traverser la Méditerranée. Nous connaissons les dangers et les périls des discours antioccidentaux. Nous veillons scrupuleusement à défendre et à entretenir notre lien à l’espace de la Francophonie, dans un dialogue respectueux et fructueux pour tous ses acteurs. Les discours antioccidentaux et les provocations d’Eric Zemmour ont le même visage. Ils ne sont pas ennemis. Ils sont alliés. Ils sont jumeaux. Les provocations sur la chaine de Vincent Bolloré augmentent les sentiments hostiles à ses activités en Afrique. L’argent que vous tirez d’Afrique ne peut servir à financer les insultes contre l’Afrique. Personne ne paie pour être insulté. Vincent Bolloré peut remercier Eric Zemmour pour ses audiences, il doit désormais le remercier pour préserver les coopérations et les projets africains de son groupe. Nous, Africains, avons fait notre part : lui pardonner. Lui, chef d’entreprise, doit faire sa part : le remercier. Je ne peux pas penser que l’un des fleurons de l’industrie française en Afrique ne réagisse rapidement. Nous pardonnons à Eric Zemmour, mais nous n’excusons pas Vincent Bolloré.
PAR FODÉ SYLLA
ANCIEN PRÉSIDENT DE SOS RACISME (1992-1999),
PARLEMENTAIRE EUROPÉEN (1999-2004)
MEMBRE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL (2004-2010)
AMBASSADEUR ITINÉRANT DU SÉNÉGAL DEPUIS 2014