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Le Port De Ndayane: Avant, Ici, Dieu Venait Prier… (amadou Lamine Sall)

Le Port De Ndayane: Avant, Ici, Dieu Venait Prier… (amadou Lamine Sall)

Ici était la mer

ici jouaient les baleines blanches ici les poissons venaient multiples et  métis s’ébattre et danser avec le soleil et même le soleil ici s’apprête à partir la lune rouge et rose aussi  nous sommes tous ici des partants

un port gris et sale arrive

un port de la mort chausse ses godillots aucune herbe ne poussera plus les nids des mouettes seront écrabouillés  les taillis des pintades tamarins brûlés

les serpents verts et or seront noirs comme le gasoil les arbres seront amputés jusque dans leurs racines centenaires les génies des baobabs s’enfuiront sous le roulis de 1200 camions/jour la vapeur des trains et l’acier des rails ici ne se posera plus les colibris que j’aimais tant mon grenier à ciel ouvert sera fermé aux oiseaux migratoires nous prenions le petit déjeuner ensemble et mon pain était le leur

Ici Dieu avait mis Son lit étalé Sa natte de laine

soyeuse et de parfum  de Médine le prince a décidé et Dieu a fait semblant de ranger Son Chapelet mais la nuit n’est pas encore tombée et le prince n’a pas encore  tiré la porte de la muraille nauséabonde

Ici était le chant de l’oiseau bleu ici vivaient les fleurs de toutes races

ici paradaient les chèvres et les veaux rouges et or ici les étoiles éclairaient nos livres à minuit et les singes têtus

venaient tourner les pages avec nous ici l’esprit s’apaisait et le cœur battait au  gré des vents frais et mousseux

ici le sommeil est moelleux comme une soupe de jeune veau ici la nuit parle à la nuit et le jour qui se lève n’est  pas un camion d’ordure qui hurle et qui pue

ici le silence est profond comme la mer sans houle et sans vague ici les arbres devisent ils nous parlent nous rafraîchissent on les entend pousser la nuit et ils chantent ils chantent ici on entend les pétales des bougainvilliers s’ouvrir dans le vent ici le paradis a bâti ses maisons sans béton et sans fer les plantes y poussent sans permission et vous offre un toit tout près les baleines s’attablent au large et leurs enfants naissent à

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Ndayane et viennent jouer dans la lagune droit sous 

le regard d’Acogny et le sourire paisible d’Helmut et Didier qui prie prie

Germaine danse dans le crépuscule et la lune feint de se lever  elle danse et la lune fascinée retarde la tombée de la nuit la lune s’est tue car Germaine danse le crépuscule

ce coin de terre et de ciel n’est pas un champ de métal et de pétrole ce coin de terre n’est pas pour des paquebots de poissons pourris ici l’air est rempli de crottes des vaches du parfum des citronniers des hanches colorées des papayers  des cheveux rouge-sang des flamboyants en fleurs de noce  ce coin de terre n’est pas une cité de containers et de barbelés ce coin de terre est pour vivre et non pour mourir

Macky Sall le sait et son épée prendra racine dans son fourreau

Et ce prince qui de son compas a laissé tracer le  fond des gouffres est un prince aimé

peut-il alors fusiller les rouge-gorge les blancs pélicans  égorger les veaux aux yeux de lait  dépecer les singes de l’aube qui  viennent boire dans les petits ruisseaux du Dialaw non ce prince ne brûlera pas la terre des ancêtres il ne souillera pas la légende belle du peuple Lébou il ne laissera pas les bulldozers rugir comme un 

troupeau de lions affamés déferlant sur ses brebis son peuple

Ce Président ne mangera pas les graines des paysans  il ne fera pas sombrer les pirogues des hommes de la mer  il ne brisera pas le rêve des semeurs  il ne recouvrira pas les champs de mil et   d’arachide de goudron et de rails  des maraîchers il ne fera pas des mendiants aux feux rouges de Dakar  des braves femmes de Ndayane et de Toubab Dialaw il ne remplira pas       de sable et de boue leur marmite à midi et  n’assoiffera leurs enfants sans lait et sans pain

Ce prince ne sera pas ce prince là

nous avons choisi de l’aimer car le peuple l’a aimé et choisi  nous avons choisi de ne jamais haïr et jamais le doigt sur une gâchette  nous avons choisi le respect parce que la tâche est  d’altitude pour le prince et que la politique est un mal nécessaire et ce prince n’a jamais caché au poète la ligne de ses paumes la langue de son affection il a donné des pages blanches au poète et  habillé d’un manteau de satin son rêve de ramener les esclaves d’ébène de Memphis à Gorée dans le cœur du grand pays noir à l’ombre de la Nubie oui ce prince se réveillera avant le jour fatidique il nous embrassera le front pour que nous ayons moins froids il remontera l’horloge enneigée de nos espoirs et

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coupera la main des fonctionnaires brigands au ventre de cargo

De grâce

ce n’est pas dire oui à tous les décrets du prince en psalmodiant que Macky Sall ne sera pas un bourreau mais l’espoir et l’affection du poète lui sont servis

et la table est d’honneur tant pis pour ceux auront failli il a le sang bleu des messies 

il a la bouche polie et le cœur battant même si l’aigle dort dans ses yeux l’aigle ne quitte jamais la montagne des princes

car la politique se nourrit  de l’œil et du bec de fer de l’aigle royal elle se nourrit de l’épée quand le jour ne veut plus que la nuit tombe comme l’aigle tisse haut son nid le prince suspend haut son trône  mais si demain nous nous trompions

et que le prince laissait aux bandits des terres leur ruse et leur boulimie

que personne ne nous montre du doigt que personne ne nous raille

nous ne nous serons pas trompés sur notre Président c’est la vérité qui se sera alors trompée

et nous aurons déjà pris le chemin de la tombe meurtris et  tous nos livres dispersés au vent pourri dans un port pourri  dans la marée haute et fétide des champs et silos de containers    jadis jardins de maïs de choux de salade de concombre et de miel

Celui qui a dit que le port de Ndayane est  un port du bonheur celui-ci a menti ce port n’est pas un port c’est un enfer que  l’on nous promet de climatiser et il ne reste plus  que des bouts de chandelle des gravures d’allumettes

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des bougies en photos Kodac longtemps éteintes longtemps jaunies…

Il n y aura pas d’alizé pour alléger le feu de notre enfer de port…

Mais si la République devait vaincre il faut la laisser vaincre elle seule peut gagner sans vaincre elle seule peut enterrer sans tombeau elle a ses cimetières de gloire et ses cimetières d’honneur nous aurons choisi l’honneur à la place de la gloire nous donnons tout à la République tout  car nous sommes ses enfants 

ici on choisit ses parents même s’ils vous mettent sur les routes de l’exil et l’on nous a appris à nous taire devant la République ne nous a t-elle pas appris l’alphabet pour lever le poing et l’honorer écrire des chants parler comme les livres ?

Et le port de Ndayane Toubab Dialaw un jour très loin dans le temps assis sur ses grosses et interminables fesses

ne sera rien d’autre qu’un vaste cimetière de containers et de métal sur 1200 hectares de terre volée arrachée au nom de la République et des pêcheurs laissés à jamais à quai la mer confisquée et des paysans et maraîchers à jamais en exil leur terre clôturée mer et terre conquises bradées violées violentées impayées et le port de Ndayane sera alors devenu  ce « porc » tant redouté il sera devenu parmi les bêtes immondes le plus cruel et le plus infâme des monstres un lieu de deuil que le chant des hommes en larmes et de  la terre blessée hantera pour toujours….

Un Président ne peut pas être normal…            

Mais quel prince voudra porter cette montagne de deuil…. 

Et tant pis pour le temps des poètes

les cimetières auront emporté leurs corps mais non leurs rêves 

ils auront ainsi laissé au vent et aux  étoiles leur nom et leur si fragile espérance …

                                                                                            

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