Senghor disait malicieusement : « ngür kén dou ko niĕd ».
La maxime de l’ancien Président, prononcée en 1981 devant le Khalife général des Mourides, Adoul Ahad MBACKÉ (Yalla taas ňu ci barkém), prend tout son sens, davantage aujourd’hui. Elle doit interpeller plus d’un, particulièrement nos dirigeants.
Au regard de la triste actualité du pays ami et frère, la Guinée, comment ne pas remettre la maxime du Président-poète au goût du jour ?
Nous ne devrons jamais nous réjouir de la survenance d’un coup d’état dans un République démocratique. Mais encore, il faille que cette démocratie ne soit pas simplement de la poudre aux yeux des citoyens.
Ce qui est arrivé en Guinée , n’était peut-être pas prévisible. En revanche, les prémices d’un soulèvement du peuple guinéen sautaient aux yeux de tout observateur averti, c’était devenu un secret de polichinelle. La colère du peuple a grondé pendant plusieurs années mais le Président Condé semblait totalement sourd et aveugle face à cette grogne.
Rappelons-nous qu’en octobre 2019, une crise politique avait entraîné la Guinée dans des violences extrêmes, avec à la clé des dizaines de morts. Plus de 30 civils et un gendarme avaient été tués. Des dizaines d’opposants ont été arrêtés et jugés. Les brutalités policières étaient constamment dénoncées.
Le peuple n’a jamais oublié cette sanglante répression subie parce qu’il marquait pacifiquement son désaccord sur le tripatouillage manifeste de la constitution.
A force de vouloir s’accrocher au pouvoir, voici les dégâts que cette ignominie institutionnelle et politique peut causer.
Toutes nos pensées vont vers le peuple ami et frère de la Guinée.
Par ailleurs, il devient plus qu’impératif de convoquer profondément les systèmes politiques qui régissent nos nations, particulièrement en Afrique francophone.
Si nous ne trouvons pas les voies et moyens pour verrouiller définitivement nos constitutions, en les rendant intouchables, impossibles à toute modification de circonstances et/ou d’arrangements en faveur de Présidents en exercice, ce qui s’est passé en Guinée aujourd’hui, au Mali hier, au Burkina avant-hier, ne sera que bis-repetita sur le continent, hélas !
Dans la Chronique du Taalata, nous convoquons souvent l’histoire, car elle est indispensable à la compréhension d’une situation contemporaine, nous l’avons dit.
En ce sens, il faut rappeler le triste bilan de l’Afrique, qui vient de connaitre, ce 5 août, son 142ème coup d’État ou tentative de coup d’État depuis 1952. Le Mouvement des Officiers Libres d’alors mené par Gamal Nasser destituait le roi Farouk 1er et nommait le Général Mohammed Naguib à la Présidence du Conseil de la Révolution, en Égypte.
Fort de tous ces constats, nous lançons un appel solennel au Président Macy Sall : sortez de l’ambiguïté sur vos ambitions personnelles.
Clarifiez rapidement et sans équivoque votre rapport avec un éventuel troisième mandat, qui a valu à beaucoup de vos collaborateurs d’être mis au placard. Cette entreprise dangereuse qui se mijote entre le Palais de Roume et Mermoz, doit cesser immédiatement.
Il ne vous aura pas échappé, ces derniers temps, que la jeunesse sénégalaise et africaine a souvent prouvé qu’elle n’est plus une variable d’ajustement pour les ambitions démesurées de nos Présidents.
Du Caire au Cap, de Dakar à Anatananarivo, cette jeunesse sera debout comme un seul homme pour barrer la route au despotisme !
En définitive, l’auteur du proverbe ci-dessous serait Grec mais on peut croire que sa citation a été créée d’une manière prémonitoire pour l’Afrique :
« Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ».
Prenons soin les uns des autres. Respectons les gestes barrières !
Que Dieu bénisse le Sénégal !
Aly BATHILY