Jour 25
#SilenceDuTemps – « Tu sais, ta femme je la connais bien, et même depuis plus longtemps que toi ! », ai-je volé d’une conversation entre la grande sœur et son complice Viou qui ne m’avait jamais vue sous cet angle-là je suis sûre, persuadée que dans notre tête-à-tête qui dure depuis des dizaines d’années, ah lala, il pensait avoir l’exclusivité !
Eh bien non ! Mémé Lolo l’a mouché, jouant à fond comme elle aime et sait bien le faire, la carte de la « grande sœur » ! Eey, si elle n’était pas là…
Me rappelant le fond de leur conversation autour du style, de mon doux entêtement à écrire ces chroniques, ce qui ne la surprend pas contrairement à Viou qui découvre… Quand je disais dans une des dernières chroniques « quand ils pensent que l’on passe à gauche comme ils veulent… »
Charles de Praia me fait remarquer lors de nos échanges « of the record » que Viou est au cœur de mes chroniques, ce qu’il semble apprécier. Il rajoute même, pour qu’il ne soit pas juge et parti : « il devrait être le dernier à te lire, loool ».
Trop de pages à vérifier et donc je vais lui faire confiance.
Surprise par cette observation que je n’ai ni cherchée, ni remarquée, probablement normal dans ce confinement d’amoureux !
Je continue néanmoins comme s’il n’avait rien vu, rien dit … Je me souviens du coup des longues lettres que j’écrivais à Mamina quand j’étais étudiante, à l’époque pas de téléphone à la maison, encore moins de cellulaire, pas de WhatsApp, ni de FaceTime, ni ni …, mais le timbre-poste ! Qui se souvient du plaisir de recevoir une lettre qui ne soit ni celle du banquier ou autre administration mais bien la lettre avec l’adresse écrite d’une main connue et à l’encre !
Je disais tout à l’heure longue lettre, pire encore je racontai tout ce que je voyais et qui je savais devait la rassurer. J’écrivais quand j’étais dans le métro, le bus. Un coup avec un stylo bleu, puis des heures après un stylo rouge, bref … des lettres colorées dans tous les sens et jamais elle n’aura su que par manque de moyens j’ai dîné de Som’bi (riz au lait), j’ai appris à manger du Quaker que je n’aimais pas et appris à aimer par la force des choses. Jamais elle n’aura su que j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps le jour de la première fête des mères passée seule au fond de mon lit !
Ces lettres-là, je sais qu’elle les a partagées avec son entourage et qu’elle les a gardées longtemps.
Histoire de Som’bi ? Et si on en parlait ! Tout le monde a, je suis sûre, une petite histoire à raconter autour ce met que l’on sert en temps de dèche ? Bizarre car de l’autre côté de l’océan, c’est un dessert comme un autre agrémenté à la vanille en brin, au chocolat, aux zestes de citron …
Ici c’est dans les jours de difficulté qu’on le sollicite, à l’époque avec du lait concentré sucré. Le fameux ! Celui que vos parents vous imposent des soirs, des années durant sous prétexte qu’ils construisent et que donc … Celui de mon amie Marie, jusqu’à l’en dégoûter aujourd’hui… L’objectif de vie des parents qui nous forge malgré tout.
Les batailles et thèses savantes ou non autour du virus, son origine, son traitement. J’entends beaucoup d’avis, des supputations, des montages incroyables. J’avoue très modestement que je préfère regarder tout cela avec beaucoup de recul parce que si peu armée pour tout apprécier et j’attends le moment où tous ou presque se mettront d’accord, le moment où le (les) traitement (s) seront disponibles pour tous. Il me paraît si hasardeux de se faire « un film » sur le sujet surtout à travers ce que l’on veut ou ne veut pas nous dire.
Jour 26
Ce matin depuis mon canapé anti-C j’entends Odile dans la cuisine venue pour son jour de la semaine, se lancer dans une grande tirade en ouolof. Intriguée, personne ne répondant à son interpellation, je lui demande si tout va bien, persuadée qu’elle parlait seule, qui sait avec ce malin C.
Elle accueillait Angèle, la nounou formidable de Djélika, arrivée dans la maison sans que je ne l’entende pour faire la lessive à la machine ! Elle est ivoirienne, ne pige pas grand-chose au Ouolof de tata Odile comme elle l’appelle gentiment et la regarde un peu éberluée ! Dialogue de sourds ? Non, en fait la mère Odile qui défend son territoire de maître des lieux (cuisine et plus d’ailleurs) lui faisait comprendre que le samedi, difficile d’être deux dans la cuisine, surtout aujourd’hui où elle fait un super « Supp’U kandia » qui va faire saliver quelqu’un qui n’aura hélas pas d’autre choix que de se régaler en lisant … ce passage ! Grand éclat de rire de tout le monde, c’était une vanne en ouolof de Odile …. Dit-elle, je ne la crois qu’à moitié car c’est une manie de « cuisinier » quand ils sont derrière les fourneaux.
Viou ne supporte pas d’avoir quelqu’un dans ses pattes lorsqu’il fait la vaisselle et il la fait depuis tous ces temps de C. Quand je fais la cuisine, pas touche aussi ! Normal d’être jaloux de son territoire et de le défendre. Et toi ?
Cousin Raoult, eh oui ici on se l’est approprié et j’espérai le moment où quelqu’un dirait : « je l’ai croisé, j’étais à la maternelle avec lui, c’était mon voisin … ».
Mbokka Raoult de Djoloff, et bien j’ai trouvé mieux !
Mon amie d’enfance, Maimouna de Paris, grandie à Dakar, me raconte il y a quelques jours lorsque nous prenions de nos nouvelles que Raoult père lui a sauvé la vie. Hospitalisée enfant à Principal, les médecins se désespéraient de son état. Dr Raoult avait une solution : lui faire prendre de l’altitude en avion. Deux à trois vols, lui ont raconté ses grandes sœurs, et en tant que médecin militaire ce fut aisé. Sûr que tous à l’hôpital ont crié au miracle, la famille surtout. Aujourd’hui, impossible de savoir exactement de quel traitement il s’agissait. La mémoire étant sélective, on gardera uniquement qu’elle en est sortie guérie !
Cousin Raoult lui, n’étonne pas vraiment ici avec son traitement si controversé Ah ! quelle ironie du sort cette chloroquine …
Dans mon enfance, mon adolescence, mon souvenir en est meurtri tant elle aura emporté quelques jeunes filles de mon entourage, sœur, amie, voisine … par excès et aujourd’hui, elle sauve des vies. Le monde à l’envers !
Ne plus rendre visite, ne pas serrer la main, s’éloigner d’un mètre, deux, bientôt trois mètres ? … Le geste d’amour a changé de sens.
Restons chez nous !
Jour 27
Je n’avais pas parlé avec mon amie Geneviève de Marseille, celle qui m’a collé le virus de la chronique de C., depuis quelques temps malgré nos regards croisés à travers nos chroniques. Ce matin nous avons longuement échangé bien entendu sur nos quotidiens, comment ils sont attendus, lus, partagés, commentés … Elle propose de « piquer » un morceau d’une mes chroniques dans lequel elle se retrouve et qu’elle souhaite intégrer dans les siennes. Cela me plaît bien ! Lorsque je lui raconte qu’une petite sœur amie, Aicha de Bamako, se réjouit de mieux me découvrir tous les soirs avec mes posts, et à qui j’ai gentiment dit « prends garde à toi, la romance n’est pas loin … Geneviève s’entendait parler.
C’est terrible combien ce satané C. rapproche ! Et il se rapproche aussi, il nous cerne tel un étau qui se resserre autour de nous ; déjà cousins, parents proches d’amis … sont concernés par cette maladie. Que nous réserve-t-il donc ? Et grâce à la recherche, la technique médicale, on en guérit.
Et voilà que ce qui me paraissait plus que nécessaire devient enfin obligatoire, le port du masque. Il était temps, vais-je dire, et il faudra pouvoir en avoir en quantité, qualité …et surtout apprendre à le porter. Mieux, il est également prévu la généralisation des tests ? Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire et comment va-t-on faire, attendons demain pour être édifié mais les cas communautaires font peur à l’autorité qui resserrent les mesures.
Aujourd’hui dimanche, je suis allée avec Djélika et … Viou dans un mini jardin près de la maison, au bord de l’eau. Nous n’avons pas croisé grand monde, quelques gardiens devant les immeubles, dépassé quelques rares joggeurs, marcheurs, bien moins que de coutume, quelques rares voitures, motos et très peu de gens masqués !
Ce chemin, bien connu fait partie de notre parcours de randonnée. Gorée est là bien au large, le temps clair, la mer calme, sur la plage une poignée de lutteurs à l’exercice. La « petite » est heureuse de marcher, de courir sur le gravier qu’elle découvre et qui fait un bruit sous ces baskets, qui la fait sourire. Nous avons comme mission de l’épuiser ! Déjà un peu plus tôt sur la terrasse, nous avons fait des longueurs, elle adore et là elle était curieuse et s’en amuse de son ombre qu’elle découvre dans un sens, la cherchant dans l’autre ! Elle est rieuse notre petite Djélika.
Notre mini jardin est sympathique et surtout bien proche de la maison mais après cent va et vient au rythme des petites baskets de mademoiselle, ça fatigue et n’osant pas nous asseoir sur les bancs …
Et pour couronner le tout, je suis encore rattrapée par cette espèce de rhinite qui ne me quitte pratiquement plus depuis 4/5 mois. Alors courir après un petit bout, porter un masque quand le nez coule… épuisée je le suis et cette chronique victime finit par me torturer
Demain sera un autre jour.
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS
Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE
Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID
Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID
Épisode 5 : SOUVENIRS DES INDÉPENDANCES
Épisode 6 : LES CONSÉQUENCES INATTENDUES DU COVID
Épisode 8 : POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE