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Ces Putschistes En Puissance

Ces Putschistes En Puissance

Le coup d’Etat contre Alpha Condé nous touche en tant que voisin immédiat de la Guinée. De nombreux Sénégalais vivent dans ce pays et l’immigration guinéenne est une réalité sénégalaise au point que le brassage de nos deux peuples a fécondé de nombreux binationaux. D’où l’importance pour les Sénégalais de se sentir concernés par les troubles qui nous parviennent de Conakry. Des journalistes, chroniqueurs et hommes politiques applaudissent même le putsch du lieutenant-colonel Doumbouya d’une manière qui provoque la gêne. Des réactions positives observées notamment chez un ancien Premier ministre, un député ou encore un maire sont malsaines. Un homme public, de surcroît quand il aspire à gouverner, ne peut pas saluer un coup d’Etat, surtout quand celui-ci provoque des morts et plonge le pays déjà fragile dans une profonde période d’incertitude.

Alpha Condé n’avait pas une grande affection pour les dirigeants sénégalais. Il avait même développé de plus en plus une grande hostilité vis-à-vis de notre pays, allant jusqu’à fermer la frontière commune. La ligne Dakar-Conakry était brouillée au point que le point de non-retour semblait atteint ; chose curieuse pour des voisins aux peuples entrelacés et au destin uni par l’histoire et la géographie. Condé est un vieux routier socialiste qui a eu comme parrain Pierre Mendès-France. C’est un homme de gauche qui a mal tourné avec l’ivresse du pouvoir, comme un certain Laurent Gbagbo. Après des décennies d’un combat politique ponctué par des séjours en prison et des tentatives d’assassinat, celui qui fut surnommé «Mandela de l’Afrique de l’Ouest» arrive au pouvoir dans des conditions rocambolesques en 2010.

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Alpha Condé n’a pas réussi à changer le visage de la Guinée. Les conditions de vie des Guinéens sont difficiles. Il suffit de passer quelques jours à Conakry pour se rendre compte de l’absence d’un Etat soucieux de transformer la vie des gens, de leur procurer une vie meilleure. Entre les problèmes d’accès aux services sociaux de base comme l’eau et l’électricité, les soucis d’assainissement, la corruption et le désespoir des jeunes, Conakry est le symbole de centaines de villes africaines. Les jeunes y vivent de la débrouille, comme dans beaucoup de centres urbains du continent, attendant un hypothétique changement. Ce sont ces jeunes, parce qu’ils ont perdu patience et vivent dans le dénuement le plus absolu, qui applaudissent un ancien légionnaire qui vient de confisquer le pouvoir.

Alpha Condé a gouverné avec son clan. Il a changé la constitution pour se maintenir au pouvoir, enveloppant sa gouvernance d’un mépris sans précédent pour ses concitoyens et ses pairs africains. Il était incapable de transformer la vie des Guinéens. On ne peut faire avec un troisième mandat illégitime ce qu’on a échoué à faire lors des deux précédents. Malgré ce qui précède, je n’applaudis pas des putschistes. Je n’attends rien de positif de militaires qui violent leur serment de servir l’Etat. Les expériences Yahya Jammeh, Dadis Camara, Amadou Sanogo et plus récemment Assimi Goita, invalident les discours prometteurs de bidasses putschistes quant à la transformation de leur pays.

L’image d’un Président mis aux arrêts, menotté par son Armée et exhibé dans un véhicule pour être humilié devant son Peuple m’est insupportable. Ces photos d’un Alpha Condé hagard qui parcourent les réseaux sociaux détruisent des années d’effort pour construire des Etats forts et respectables qui ne font plus de nous la risée des autres.

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Je n’oublie pas qui fut Alpha Condé, même si son exercice du pouvoir n’a pas été à la hauteur de la promesse de ses trois décennies d’opposition. Comme pour Wade ou Gbagbo, il faut se souvenir de ses luttes pour la démocratie et les libertés publiques dans son pays à une époque où militer pouvait conduire à la détention à vie, voire au cimetière.

Les vieux opposants africains une fois au pouvoir sont critiquables, mais ils ne méritent pas les rires des opposants de maintenant, car ils leur ont ouvert la voie. Si Abdoul Mbaye et Barthélemy Dias s’opposent sans craindre pour leur vie, ils le doivent aux précurseurs comme Alpha Condé. Saluer l’humiliation d’un élu, a fortiori un chef d’Etat, c’est nourrir la défiance vis-à-vis des institutions, qui est le moteur des populistes autoritaires adeptes du «dégagisme». Une Nation se glorifie aussi du traitement respectueux vis-à-vis de ses élus. Il est fondamental de les critiquer, de leur opposer un discours radical, sans manquer au devoir de respect qu’exige leur charge.

La maladie de notre pays s’observe avec des hommes publics qui saluent des putschs. Cela en dit long sur leur attachement à la démocratie et à la République. Voilà des putschistes en puissance…Quant à la Guinée, elle s’enfonce dans les abîmes avec cet énième putsch perpétré par ceux-là qui se drapent du manteau de sauveurs vertueux, soucieux d’atténuer les souffrances du Peuple guinéen alors qu’ils ont été le bras armé de la répression des manifestants contre le troisième mandat de Condé. L’amnésie collective est frappante

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