Après plus de soixante années d’indépendance, l’Afrique n’a pas vaincu ses vieux démons. En effet, les coups d’état sont des labels de ce continent qui a du mal à apprécier la joie d’une démocratie apaisée. Certains dirigeants considèrent que la démocratie est un vilain mot importé de l’Occident sur lequel ils s’appuient pour asseoir leur légitimité pour ensuite le piétiner avec l’aide des conseils constitutionnels très bien formés à l’école occidentale mais qui ont oublié la déontologie et leur rôle premier.
Alpha Condé, célèbre opposant guinéen depuis l’indépendance est arrivé démocratiquement au pouvoir en 2010, après un combat acharné contre Sékou Touré, puis Lansana Conté. Cet ancien étudiant, militant et combattant pour la cause africaine avait fondé beaucoup d’espoir pour redresser une Guinée gangrénée par une corruption et une pauvreté galopante.
Onze ans au pouvoir ne lui ont pas permis de sortir son pays de la misère : les infrastructures peinent à se développer. Les résidents ou étrangers séjournant à Conakry parlent d’une capitale sans électricité durable et un manque d’eau criard. Des groupes électrogènes pullulent partout et polluent la ville entière.
Alpha Condé a tripatouillé la Constitution pour se présenter à un troisième mandat présidentiel malgré les protestations de la société civile et de l’opposition guinéenne. Il fut bien entendu élu à 83 ans pour un troisième mandat. L’arrestation du maître de la Guinée par Mamady Doumbouya, militaire aguerri, a donné lieu à une condamnation timide de la CDEAO (Communauté Economique Des Etats de L’Afrique de L’ouest) et de certains dirigeants africains. Il me semble important de nous reposer la question de la démocratie en Afrique.
Dans cette situation, nous sommes en face de deux non-ayants droit. Le premier voulait mourir sur le trône, le second a usurpé le pouvoir sous les applaudissements gênés des défenseurs de la démocratie. Peut-on accepter qu’un Président de la République «mal élu» soit démis de son titre par un militaire dont la fonction n’est pas de gouverner en temps de paix, mais de défendre le territoire national ? Je pense que la jeune démocratie africaine est encore très fragile car certains dirigeants la subissent. Ils détiennent actuellement les plus grandes longévités au pouvoir qui avoisinent les 40 ans de mauvais et déloyaux services rendus à leur peuple.
Le souci se situe également dans la prise de pouvoir des militaires, toujours applaudie naturellement par un peuple en souffrance et qui l’accaparent jusqu’à la prochaine chaise musicale. Le coup d’état inévitable en Guinée est très inquiétant. Il nous met dans une injonction paradoxale qui nous conduit à applaudir à petit bras le départ d’un ennemi de la démocratie et porter en triomphe un militaire qui n’a pas reçu les suffrages du peuple.
La démocratie en Afrique est très vacillante et sa mort est toujours différée. Le Sénégal demeure pour l’instant une exception, malgré des imperfections constatées régulièrement. Je pense qu’un coup d’état ne doit pas être applaudi, mais déploré. Les premiers actes des militaires guinéens sont là pour le témoigner : «Alpha Condé doit signer sa démission, sinon il sera jugé». Ses victimes supposées ne verront donc jamais un procès équitable, si l’ancien Président guinéen s’exécute. Au risque de me tromper, Je pense que les nouveaux patrons de la Guinée ne quitteront jamais le pouvoir, c’est une tradition en Afrique…