Je regardais il y a quelques jours, en ce mois pluvieux de septembre 2021, un lumineux reportage sur l’histoire, la folle histoire, de la construction du château de Versailles par Louis XIV. Il voulait le plus beau joyau de l’Europe. Toute l’Europe. Il l’a eu !
Quoique l’histoire ne soit pas la même, Macky Sall aura son joyau, le plus beau d’Afrique, le plus puissant et le plus symbolique, conciliant mémoire et avenir. C’est une véritable page d’histoire qui s’ouvre.
Versailles, pour revenir à ce reportage inspirant, c’est onze mille hectares ! Le reportage ajoute encore qu’il aura couté un milliard d’euros. Sa construction comptera près de 20 mille morts à cause des épidémies de l’époque. Vingt ans après la première pierre posée, Louis XIV arrive pour y habiter avec près de 3000 mille courtisans. En 1715, Louis XIV meurt. La Cour quitte Versailles. La révolution arrive en 1789. En 1837, Versailles devient musée de l’Histoire de France, par la volonté du roi Louis‑Philippe, monté sur le trône en 1830. Classé depuis 30 ans au patrimoine mondial de l’humanité, le château de Versailles constitue l’une des plus belles réalisations de l’art français au XVIIe siècle. Le Château compte aujourd’hui
2300 pièces, réparties sur 63 154 m2.
Nous sommes en 2021, au début d’un nouveau siècle.
Quatre siècles après le chantier de Versailles, Versailles désigne et porte la France. Comme la Tour Effel ! On apprend qu’il a fallu 53 années pour créer Versailles, architectes et ingénieurs compris. Qui ose ne pas croire à la volonté politique ?
Ce n’est pas l’argent qui fondent les biens de l’esprit. C’est l’élévation des hommes et la lumière qui les habite. Un Chef d’État a dit non. Un autre a dit oui et la lumière fut !
C’est cette généreuse volonté politique sous le Président Macky Sall qui fera du miracle une réalité depuis les années 80. Le Mémorial de Gorée ? On en riait ! Sans dignité et sans respect pour les morts. Rien d’autre n’a manqué au projet du Mémorial de Gorée si ce n’est une volonté politique. Macky Sall est venu avec, manifestant une formidable et touchante générosité dans un temps du monde difficile et chaotique.
J’ai décidé depuis quelques années de consacrer un ouvrage à l’histoire et à l’aventure de ce projet de Mémorial de Gorée et de tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à son espérance. Nous tairons ce qu’il faut taire. Rien que la beauté et la générosité des hommes qui ont porté enfin sa naissance. Je le dois à l’histoire, comme poète et écrivain. Dommage qu’un poème n’y suffise !
Les États Unis d’Amérique ont construit leur Mémorial, à New-York. Les Caraïbes, en Guadeloupe, également. Invité par le Président Sall, je l’y avais accompagné pour l’inauguration en présence du Président François Hollande. Le Président du Sénégal y avait pris la parole et prononcé un discours d’anthologie. Il ferme aujourd’hui le triangle USA-Caraïbes-Afrique, en réalisant enfin le Mémorial de Gorée, en terre sénégalaise.
Vous viendrez nombreux prendre la chaloupe au pied du Mémorial sur la corniche ouest pour aller en chaloupe, par une nouvelle route, visiter Gorée en touchant des yeux l’île des Madeleines. C’est cela que le Président Macky Sall a décidé. Et c’est beau. Si beau !
Je vous laisse lire ce qui suit pour nous rejoindre et comprendre pourquoi nous sommes comblés – j’ai donné 25 ans de mes rêves à ce projet moi qui suis à la fin de ma vie – de cette option prise par le prince pour laisser à l’histoire une telle œuvre qui rend hommage et justice à l’Afrique, à nos millions de morts dans la traite transatlantique et qui tapissent l’océan de Gorée à Memphis.
Le projet du Mémorial de Gorée est le résultat d’un Concours International parrainé par l’Etat du Sénégal, l’UNESCO et l’Association internationale des architectes (UIA) qui a eu lieu en septembre 1997 et qui a vu la participation de plus de 600 projets de 67 pays différents. La commission internationale était formée par 14 Membres sous la direction d’Harry Robinson III, vice-président de l’Université Howard de Washington et représentant du Directeur général de l’Unesco. Le prix a été remis à l’Architecte Ottavio Di Blasi en 1998 par le Président Abdou DIOUF, le 13 janvier 1998, précisément.
Après cette date, le projet a été publié dans toute la presse internationale et a suscité beaucoup de débats jusqu’ au moment où le Président Macky Sall a annoncé sa décision de le réaliser.
Sachons qu’entre le Mémorial et l’ile de Gorée, il existe une symbiose totale. Si Gorée, avec la porte des esclaves, est le lieu du témoignage physique des lieux réels de la traite, le Mémorial sera le lieu de la commémoration et de l’élaboration du deuil. Il ne sera pas un lieu pharaonique qui célèbre l’énormité de ce drame du passé mais plutôt qui l’éprouve. Une nouvelle culture est possible, un lieu où le regard s’ouvre et devient vision d’un futur possible. Les bénéfices générés par le Mémorial, en plus d’alimenter les activités liées à la mémoire et à l’information sur la traite, fourniront les moyens nécessaires aux travaux de sauvegarde de l’île de Gorée
Le Mémorial sera l’outil par lequel le Sénégal et Gorée se proposent, comme symbole supranationale de la traite, en intégrant tous les peuples africains qui, naturellement et historiquement, s’y reconnaissent. La forme du Mémorial est profondément africaine. La traite est un drame africain qui touche l’humanité entière : les gagnants et les perdants, les victimes et les bourreaux, les Noirs et les Blancs. C’est pour cela que le Mémorial parle une langue qui n’a pas besoin de mots : la langue de l’architecture, une langue universelle faite de lumière, de pleins et de vides ; une langue qui doit être entendue par tous.
La perception de l’imaginaire symbolique du Mémorial change selon les références formelles de différentes cultures. Dans l’image du bâtiment comme dans son imaginaire, quelqu’un y voit un minaret, quelqu’un d’autre une pirogue, une voile, un nid d’abeille, l’abside d’une église ou un masque africain. On pourrait dire que la forme du bâtiment est le résultat d’un mouvement de séparation en deux de la même forme originaire. Une sorte de symétrie et d’asymétrie à la fois, comme dans le style soudano-sahélien. La grande Flèche du Mémorial est une forme vide, concave ; elle est un ventre dont le contenu a été arraché. C’est le symbole d’une communauté qui était unitaire et qui a été séparée en deux parties. Au delà des diversités des différentes cultures, tous y retrouvent et y partagent quelque chose de solennel, d’émotionnel, de puissant et de dramatique.
En parlant du projet de Mémorial, l’architecte du projet lui-même écrit : « le Président Macky Sall a dit ceci : «…non pas pour figer notre histoire dans la complainte, mais pour magnifier le combat de l’Afrique contre l’infamie et inviter les peuples du monde à la coexistence dans le respect de la diversité». Concept repris encore par le Commissaire à la réalisation du projet de Mémorial, le poète Amadou Lamine Sall : « ….un exercice mémoriel, une future forteresse contre l’oubli, un espace d’ignition, de fusion de la communauté noire enracinée mais poreuse à tous les souffles du monde. »
Le Mémorial de Gorée sera un lieu de mémoire, de deuil et de paix. Avec le cœur, faisons-en toutes et tous, au Sénégal, comme dans toute l’Afrique, une part de nous-mêmes.
Sous peu, le président de la République du Sénégal sera le Président de l’Organisation de l’Unité africaine. Quel meilleur symbole, quelle étrange Main de Dieu, pour que celui qui a bâti le Mémorial de Gorée le partage avec tout son continent. En acte et en prière.