Après la publication du résultat des enquêtes harmonisées sur les conditions de vie des ménages, des autorités de la mouvance présidentielle se sont évertuées à se glorifier et à crier à tue-tête que le Sénégal est premier au classement au sein de l’Uemoa. Rappelons que l’Uemoa est constitué de huit pays avec des profils d’opportunités différents : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, La Gui – née-Bissau, le Mali, le Niger, le Togo et le Sénégal. Parmi ces huit pays, trois sont continentaux. Il s’agit du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
Cette continentalité constitue une contrainte naturelle au développement pour ces pays dans le contexte économique actuel : absence de port maritime, action négative de l’alizé continental à l’origine de la sécheresse, avec tous ses impacts. S’y ajoute l’insécurité intérieure et aux frontières (avec cette tentative d’invasion djihadiste) paralysant et anéantissant tout effort de développement ; dégradation de la situation sociale avec cette masse humaine de déplacés internes.
Quant aux cinq autres pays restants, ils sont côtiers. Il s’agit du Bénin, de la Côte d’ivoire, de la Guinée-Bissau, du Togo et du Sénégal. La Côte d’ivoire constitue la locomotive de l’Uemoa. Mal – heureusement, ce pays a vécu une situation politique difficile et qui a eu pour effet le ralentissement de sa vie économique dans cette période où se sont déroulées les enquêtes. La Guinée-Bissau quant à elle, malgré d’importantes opportunités économiques (ressources, halieutiques, climat tropical humide, important réseau hydrographique…), a des contraintes d’existence en tant qu’Etat : absence d’institutions solides, plaque tournante des narcotrafiquants, instabilité politique…
Le contexte dans lequel les enquêtes ont été menées est une situation conjoncturelle pour certains Etats (la Côte d’ivoire par exemple). Ce que ne semblent pas comprendre certains thuriféraires du régime de Macky Sall. Ils se réfèrent à ces pays de l’Uemoa pour apprécier les performances socioéconomiques du Séné – gal. Ce qui dénote d’un manque d’ambition. L’absence d’ambition s’illustre par le fait que le Sénégal mesure ses performances par rapport à ces pays mais non par rapport à ses propres opportunités : stabilité socio-politique, position géographique stratégique, héritage historique…
La référence du Sénégal doit être aussi son histoire : le Sénégal est le pays qui au moment de l’indépendance a hérité d’importantes infrastructures : port maritime, fluvial, aéroport, chemin de fer, réseau routier, infrastructures industrielles, hospitalières, administratives, scolaires et universitaires, commerces, Palais présidentiel, Assemblée nationale… Si l’on se réfère à l’histoire et à la géographie, le Sénégal d’aujourd’hui devrait se référer dans le pire cas à la Malaisie ou à la Corée en matière de performance en faveur du développement.
Comparaison des rapports de 2011 et 2018 interne au Sénégal
A ce niveau, il est bon de rappeler que le rapport de 2011 correspond à la période où le prix du baril de pétrole a connu une flambée inédite jusqu’à atteindre 147 dollars en juillet 2008. Alors que le rapport de 2018 coïncide à la tendance significativement baissière du prix du baril de pétrole. Où est le mérite pour l’actuel pouvoir ? En réalité, le pouvoir actuel pouvait faire mieux s’il avait privilégié la compétence et l’approche structurelle du développement adossé à une bonne gouvernance. Comment expliquer rationnellement aujourd’hui qu’au Sénégal, les régions les plus pauvres correspondent paradoxalement à celles qui ont le plus d’opportunités (Il s’agit du Sud et de l’Est du pays) ? N’est-ce pas un aveu d’impuissance et d’incompétence ? Comment comprendre qu’un pays comme le Sénégal, riche en ressources humaines de qualité, puisse être dans cette situation d’éternel assisté, renonçant malgré lui à son honneur et à sa dignité ? N’est-ce pas une des conséquences de la mal-gouvernance ? C’est dans ce contexte d’une République du Sénégal affaissée et malade qu’un soi-disant cadre du nom de Samba, se réclamant du parti de l’Alliance pour la République (parti de Macky Sall au pouvoir), a fait irruption pour prétend-il, soigner le mal.
Après cinq ans d’intervention médicale sans succès (2015-2020), il s’est avéré que lui aussi est un faux médecin avec de faux diplômes académiques et professionnels. Au lieu de soigner le Sénégal, il l’a enfoncé dans l’agonie. Ce faux médecin a eu à travailler pour le compte de la Fondation Servir le Sénégal (structure appartenant à l’épouse du président de la république) et pour le compte de grandes entreprises dans la lutte contre le Covid-19. Cet autre faussaire est le reflet de l’image réelle de notre sombre république. Aujourd’hui, le Sénégal renvoie à une image affligeante : corruption, malversations financières, recul démocratique, promotion de faussaires au sein des institutions de la République, népotisme…
En perspective d’un éventuel redressement de l’image de la république vis-à-vis d’elle-même et vis-à-vis de ses partenaires et voisins : Les autorités sénégalaises doivent se garder de se comparer à un quelconque pays de l’Uemoa pour une question d’éthique. Le logo de l’Uemoa précise clairement que les Etats membres doivent adopter une attitude non de concurrence mais bien de solidarité et de complémentarité. Ensuite le président de la République, en toute humilité se doit aujourd’hui de présenter ses excuses à l’ensemble de la Communauté internationale pour le tort causé à certains Etats à cause de notre mal gouvernance qu’illustrent suffisamment ces nombreux scandales qui ont éclaté à des niveaux de responsabilité élevée et à tous les niveaux de pouvoir : l’Exécutif (le président de la République qui amnistie un justiciable qui n’a pas encore été jugé ni condamné), le Législatif (avec un député trafiquant de faux billets de banque, et d’autres accusés de trafic de faux documents de voyage), et du Judicaire (avec un président d’une Cour d’appel accusé publiquement de corrompu par son collègue juge). Enfin, la performance en matière de développement se vit. Le verbe, les incantations, les slogans ne peuvent la remplacer.
Abdou SANE
Ancien député Géographe Environnementaliste
Email : abdousanegnanthio@gmail.com