Elle aura hypnotisé tout le Sénégal le temps d’un Magal. Omniprésente sur la quasi-totalité des réseaux sociaux, Ngoye Fall parée de ses kilogrammes de bijoux en or avec sa dizaine de tenues portée en vingt quatre heures, aura explosé toutes les limites de l’extravagance. Qui plus est, le jour du Magal, moment de célébration d’un saint homme qui avait mis au poste de commande de sa vie, l’humilité et la spiritualité.
Toute la misère de notre société aux reins, cou, bras, visage, poignets, doigts et oreilles d’une femme qui a fait de l’ostentation sa valeur refuge, et de l’exhibition sa manière d’être, son style de vie.
Il y en avait, dit-on, rien que sur elle, pour des centaines de millions de francs. De quoi construire quelques cases de santé et sortir des centaines de jeunes élèves sénégalais de leurs abris provisoires. Mais surtout de quoi créer une nouvelle unité de mesure du niveau d’effondrement moral et intellectuel qui peut mener à une telle débauche de vulgarité.
Alors de quoi cette femme-bijouterie est elle le nom ? Sinon un chef d’œuvre d’indécence qui a toute sa place au musée des dérives et décadences sénégalaises. Car sur l’échelle du grotesque et de la grossièreté faite strass, paillettes et parures, Ngoye Fall est l’épicentre pathétique de la déchéance d’une société qui tourne dans l’apparat, la mascarade et le faux.
La faillite symbolique de toute une société
Combien avons-nous été à être pris de nausée en découvrant sur nos écrans, cette femme au visage dépigmenté et aux allures de mauvais clown en représentation dans son salon pharaonique transformé pour l’occasion, en station d’épuration du bon goût et de la décence.
Ngoye Fall et son mari, binôme flamboyant du Magal 2021, avec leur allure de faux couple princier, ont assuré le spectacle jusqu’au bout. Le tout sous l’émerveillement d’un troupeau d’obligés, d’une basse cour de griots VIP et d’une reptation de courtisans triés sous l’empire de la servilité et de l’obséquiosité. Tous en quête de pitance sonnante, trébuchante et dégradante et prêts à toutes les courbures d’échine pour ramasser quelques miettes.
Cette soif inextinguible d’honneur, cette obsession à vouloir obtenir par le poids du portefeuille ce que l’on ne peut pas avoir par le poids des neurones, ce désir irrésistible d’entrer par tous moyens dans l’univers de la richesse, peut pousser certains à plonger leurs mains dans les fosses de perversion morale. C’est le glas de l’éthique qui sonne de partout avec des députés trafiquants de faux billets, receleurs de faux documents diplomatiques, des activistes faussaires et une administration corrompue.
C’est le Sénégal tel qu’il va ou la faillite symbolique d’une société testée positive à l’absurdité et à l’impunité, immunisée contre la vulgarité clinquante dont Ngoye Fall et son conseiller de mari à la présidence de la République du Sénégal, sont les vulgaires étendards.
Malick Sy est journaliste